Changements en vue pour le statut d’auto entrepreneur en 2010

3/04/2010 à 06h25, Auteur : rédac-rss // Emploi, formation, école

Une table ronde sur le statut de l’auto-entrepreneur, composée de MM. Hervé Novelli, secrétaire d’Etat chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, Cyril Sniadower, chef du bureau B1 « Fiscalité directe des entreprises » de la direction de la législation fiscale (DLF), Gérard Quévillon, président du régime social des indépendants (RSI), Jacques Escourrou, président de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAV-PL), Jean-François Bernardin, président de l’assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI), Alain Griset, président de l’assemblée permanente des chambres de métiers (APCM), François Hurel, président de l’union des auto-entrepreneurs (UAE), Jean Lardin, président de l’union professionnelle artisanale (UPA), Grégoire Leclercq, président de la fédération des auto-entrepreneurs, Philippe Mathot, directeur général de l’agence pour la création d’entreprises (APCE) et Jean-François Roubaud, président de la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). La table ronde était ouverte au président et au rapporteur général de la commission des affaires sociales ainsi qu’au président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et aux membres du groupe de travail sur l’application de la loi de modernisation de l’économie.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que le régime de l’auto-entrepreneur est entré en vigueur le 1er janvier 2009. Ce dispositif, dont l’objet est de promouvoir l’esprit d’entreprise en France, résulte de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Outre la mise en place d’une procédure simplifiée de déclaration d’activité, l’intérêt de ce nouveau régime de création d’entreprise consiste essentiellement dans un mode de calcul et de paiement simplifié des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu.

Les derniers chiffres communiqués par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) font état, au 31 janvier 2010, de 307 500 comptes affiliés à ce titre. Toutefois, seuls 131 000 auto-entrepreneurs ont déclaré un chiffre d’affaires en 2009. A ce jour, près de 60 % des auto-entrepreneurs inscrits ne déclarent donc aucune activité.

Tout en soulignant l’intérêt économique à favoriser l’esprit entrepreneurial, il a constaté que le succès du régime de l’auto-entrepreneur a permis d’atteindre l’année dernière un niveau record de création d’entreprises - 580 200 créations selon l’INSEE, soit 75 % de plus qu’en 2008 - mais que le nombre global de créations de sociétés, hors auto-entrepreneurs, a diminué par effet de substitution.

Il s’est inquiété du fait que le régime micro-fiscal et micro-social de l’auto-entrepreneur, étant simple et fondé sur le chiffre d’affaires effectif alors que le régime classique des travailleurs indépendants demeure complexe et relativement insensible à la conjoncture, produit, par nature, des effets de seuil et de distorsion de concurrence par rapport au droit commun.

Considérant que le moment est venu de dresser un premier bilan de l’application du régime de l’auto-entrepreneur, M. Jean Arthuis, président, a souligné que cet intérêt est partagé par de nombreux collègues sénateurs :

- depuis l’adoption de la loi de modernisation de l’économie, ce sujet a ainsi fait l’objet de 64 questions écrites sénatoriales ;

- le Sénat a inscrit à l’ordre du jour du 12 janvier 2010 un débat d’initiative sénatorial consacré à l’évaluation de la loi de modernisation de l’économie ;

- la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a constitué un groupe de travail chargé de faire le point sur l’application de cette même loi, présidé par Mme Elisabeth Lamure ;

- dans la mesure où le forfait social propre aux auto-entrepreneurs modifie les conditions de l’équilibre financier des régimes sociaux des travailleurs indépendants, la commission des affaires sociales assure un suivi de ce régime dans le cadre des auditions qu’elle organise dans la perspective de la réforme des retraites ;

- enfin, la commission des finances a été saisie à de nombreuses reprises d’amendements en loi de finances tendant à modifier le statut de l’auto-entrepreneur, soit pour en restreindre le champ d’application, soit pour le limiter dans le temps, ou encore pour mettre un terme aux distorsions de concurrence avec les professions soumises à des statuts existants - les artisans - ou à des obligations particulières de qualification et d’assurance professionnelles en lien avec la sécurité ou la santé des personnes. L’article 67 de la loi de finances rectificative pour 2009 rend ainsi obligatoire à compter du 1er avril 2010 l’immatriculation au registre des métiers des auto-entrepreneurs qui exercent à titre principal une activité artisanale, tout en les exonérant pendant les trois premières années du paiement de la taxe pour frais de chambres de métiers.

Ce faisant, une nouvelle catégorie de ressortissants du réseau consulaire des artisans a fait son apparition, créant une distinction entre membres cotisants et membres exemptés temporairement. Certes, les auto-entrepreneurs ont pour vocation, à terme, à quitter le régime simplifié pour entrer dans le régime de droit commun, mais l’effet de seuil induit par le statut de l’auto-entrepreneur peut laisser craindre que ne succède à la dissimulation du travail celle du chiffre d’affaires afin de demeurer dans ce régime spécifique. D’autres questions se posent, telles que les modalités de contrôle et de déclaration des auto-entrepreneurs ainsi que le risque de « cannibalisation » des autres régimes. Par ailleurs, l’absence d’obligation de déclarer un chiffre d’affaires, même nul, empêche les organismes de sécurité sociale d’assurer un contrôle fiable sur la réalité de l’activité des auto-entrepreneurs.

Pour la bonne organisation des débats, M. Jean Arthuis, président, a proposé d’aborder successivement les trois thèmes suivants :

- d’abord, un éclairage sur la mise en oeuvre et le contrôle du régime fiscal et social spécifique de l’auto entrepreneur ;

- dans un second temps, le bilan du statut de l’auto-entrepreneur et l’analyse des problématiques soulevées au regard des régimes de droit commun ;

- enfin, les pistes de réflexion pour améliorer la transition du statut d’auto-entrepreneur vers les régimes de droit commun et simplifier les formalités de création d’entreprises.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’Etat chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, a souligné que le statut de l’auto-entrepreneur est une véritable révolution et se caractérise par sa simplicité.

Il est d’une grande souplesse, puisque l’auto-entrepreneur n’a aucune charge à verser en l’absence de chiffre d’affaires : il ne s’acquitte d’un forfait social et social que s’il encaisse effectivement du chiffre d’affaires. Ce nouveau régime donne un « droit à entreprendre » que chaque auto-entrepreneur peut, chaque trimestre, activer ou non selon ses souhaits.

M. Hervé Novelli a précisé qu’il ne s’agit pas d’un régime subventionné car, en moyenne, un auto-entrepreneur ne paie pas moins de charges sociales et fiscales que les autres entrepreneurs.

En créant de nouvelles activités, ce dispositif permet d’abonder les ressources de la sécurité sociale : 180 millions d’euros de cotisations sociales ont ainsi été encaissés au titre de l’année 2009.

Il a rappelé que les droits à la retraite des auto-entrepreneurs sont calculés dans les conditions du droit commun, sans aucune dérogation. En l’absence de chiffre d’affaires, les auto-entrepreneurs n’obtiennent pas de droit à retraite, ce point ayant été clarifié à l’occasion de la loi de financement de la sécurité sociale. Il a annoncé que le seuil de chiffre d’affaires pour obtenir un trimestre de retraite sera fixé par décret, en avril, à 200 heures équivalent SMIC, soit le seuil de droit commun pour les travailleurs non salariés.

M. Hervé Novelli a tenu à relativiser le problème de compensation que pose le régime de l’auto-entrepreneur pour les caisses de retraite des professions libérales. Suivant la dérive commune à l’ensemble des régimes de retraite du fait de la liquidation des pensions de la génération du "baby-boom", la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) prévoit pour la CNAPV-PL un déficit de 46 millions d’euros en 2010, après un excédent de 63 millions d’euros en 2009.

Il a considéré que les mécanismes comptables entre caisses de retraite ne sont pas le problème majeur, une réunion de concertation devant se tenir dans les prochains jours à ce sujet.

S’agissant de la problématique spécifique de l’artisanat, le Gouvernement a mis en place un groupe de travail au mois de mai 2009 qui a permis de confier la qualification professionnelle et l’accompagnement de ces nouveaux créateurs d’entreprises aux chambres de métiers et de l’artisanat via leur immatriculation. Dès le 1er avril 2010, la qualification professionnelle des artisans comme des auto-entrepreneurs sera contrôlée avant la création de leur entreprise. Le décret concerné a été publié le 11 mars dernier. Il a considéré qu’il s’agit là de garanties suffisantes car il faut conserver au régime de l’auto-entrepreneur sa souplesse et sa simplicité, gages de son succès.

A cet égard, il a insisté sur le fait que la spécificité du régime de l’auto-entrepreneur n’en fait nullement un régime dérogatoire au droit du travail et aux règles relatives au travail illégal.

De plus, il a précisé que le régime de l’auto-entreprise ne remet pas en cause les fondements juridiques de la relation salariale. La question du détournement du statut d’auto-entrepreneur pour la réalisation d’un travail dans le cadre d’un lien de subordination tombe sous le coup de la requalification de la relation de prestation de service en contrat de travail.

Revenant sur l’accompagnement des auto-entrepreneurs, M. Hervé Novelli a indiqué que l’ensemble des acteurs réunis le 22 février dernier au secrétariat d’Etat ont défini ensemble les orientations pour 2010 selon quatre axes :

- il s’agit tout d’abord de renforcer la coordination entre les différents acteurs de l’accompagnement. L’APCE, via le comité synergie réseau élargi assurera la coordination entre les différents acteurs de l’information et de l’accompagnement des auto-entrepreneurs. Elle mettra en place un plan d’action coordonné entre tous les acteurs en faveur de l’accompagnement et de l’information des auto-entrepreneurs ;

- l’objectif est ensuite d’améliorer la qualité et la fiabilité de l’information. Une mission de labellisation des sites d’information sera confiée au comité synergie réseau de l’APCE. Une nouvelle version du guide de l’auto-entrepreneur contiendra un jeu complet de questions/réponses et un annuaire des contacts et des réseaux d’accompagnement ;

- le souhait des acteurs est également de développer l’accueil et l’accompagnement individualisés. Au sein de chaque organisation, une offre de services modulaires, clairement identifiée pour les auto-entrepreneurs, tenant compte des trois grands profils identifiés (démarrage, suivi d’activité, développement) sera définie, pour accompagner les auto-entrepreneurs qui franchissent les seuils de chiffre d’affaires du régime de l’auto-entrepreneur et sont amenés à changer de régime fiscal et social, il convient de renforcer l’accès à la formation des auto-entrepreneurs. Des moyens additionnels seront annoncés dès que les derniers arbitrages interministériels seront rendus à ce sujet.

M. Hervé Novelli a mis en exergue le succès du dispositif. Près de 1 000 auto-entrepreneurs se sont déclarés chaque jour, dont les trois quarts par internet. Le régime a ensuite été étendu tout au long de l’année 2009 : il a ainsi été ouvert aux professionnels libéraux non réglementés en février, rendu compatible avec l’aide au chômeur créateur ou repreneur d’entreprise (ACCRE) en avril, puis avec le versement du revenu de solidarité active (RSA) en juillet et, enfin, avec les cotisations sociales en vigueur dans les départements d’outre-mer en octobre.

Au 1er février 2010, l’ACOSS dénombre 342 000 comptes d’auto-entrepreneurs. Indiquant que pour les seuls entrepreneurs s’étant déclarés avant le 1er octobre 2009, le chiffre d’affaires d’ores et déjà enregistré par les URSSAF en 2009 est de 816 millions d’euros, M. Hervé Novelli a considéré que l’objectif d’un milliard d’euros pour l’ensemble de l’année sera dépassé. Le chiffre d’affaires moyen par auto-entrepreneur actif s’élève à un peu plus de 3 700 euros par trimestre.

D’après les statistiques de l’INSEE, les auto-entrepreneurs sont aux deux tiers des hommes, avec une moyenne d’âge de quarante ans. Ils sont pour un tiers artisans, pour un autre tiers commerçants et pour le dernier tiers libéraux. Un tiers des auto-entrepreneurs étaient demandeurs d’emploi. Deux profils principaux se dégagent : des auto-entrepreneurs à temps plein d’une part, et des auto-entrepreneurs recherchant un complément de revenu d’autre part, comme les salariés ou les retraités.

Il a indiqué que la première réunion du comité d’évaluation se tiendra le lundi 29 mars. L’étude sera tout d’abord statistique afin de mieux comprendre cette première année de mise en oeuvre. Le second volet sera qualitatif et visera à analyser l’insertion des auto-entrepreneurs dans l’environnement réglementaire et professionnel de leur secteur d’activité.

Enfin, M. Hervé Novelli s’est engagé à concilier l’acte d’entreprendre avec les conditions d’un développement plus sûr des entreprises, pour assurer la meilleure reprise à notre économie.

Puis M. Jean Arthuis, président, a ouvert le premier débat consacré à un éclairage sur la mise en oeuvre et le contrôle du régime fiscal et social spécifique de l’auto-entrepreneur.

M. Cyril Sniadower, chef du bureau B1 « Fiscalité directe des entreprises » de la direction de législation fiscale (DLF), a tout d’abord indiqué que le régime fiscal de l’auto-entrepreneur ne se substitue pas aux dispositifs existants, notamment au « régime réel ». Celui-ci demeure le régime fiscal de référence dans la mesure où, en dépit de ses contraintes propres de gestion et de comptabilité, il permet d’imputer un déficit. Par ailleurs, le régime des micro-entreprises relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou, s’agissant des professions libérales, des bénéfices non commerciaux (BNC), fonctionne d’ores et déjà sur la base d’un paiement forfaitaire et anticipé de l’impôt.

Dans ce contexte, le régime fiscal de l’auto-entrepreneur constitue néanmoins, depuis le 1er janvier 2009, une novation car l’impôt auquel il donne lieu est liquidé sur la base du calcul d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires constaté tous les trimestres : 1 % pour une activité commerciale, 1,7 % pour une activité de services et 2,2 % pour une activité libérale. Il a considéré que ce régime micro-fiscal présente pour principale vertu la simplicité. En revanche, il empêche toute prise en compte de déficits et implique un paiement anticipé de l’impôt, à la différence de l’impôt sur le revenu qui est acquitté l’année suivante.

Il a rappelé les conditions d’éligibilité au régime de l’auto-entrepreneur :

- le chiffre d’affaires annuel doit être inférieur à 83 300 euros pour les activités commerciales ou à 34 100 euros pour les prestations de service et activités libérales ;

- l’absence de déduction de la TVA sur les achats et de récupération à la revente est une caractéristique de ce régime de franchise ;

- l’obligation de déclarer l’activité sous le régime « micro-social » de l’auto-entrepreneur implique un prélèvement forfaitaire de 12 % pour une activité commerciale, de 18,3 % pour une activité libérale et de 21,3 % pour des prestations de services ;

- le revenu imposable pris en compte pour une part de quotient familial doit être inférieur au seuil d’entrée de la troisième tranche d’imposition de l’impôt sur les revenus de l’antépénultième année. Il en résulte que les foyers à hauts revenus sont exclus du régime de l’auto-entrepreneur.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Cyril Sniadower a indiqué que si le plafond d’activité est dépassé en cours d’année, et que le contribuable se révèle a posteriori non éligible au régime fiscal de l’auto-entrepreneur, l’administration fiscale procèdera au calcul de l’impôt sur les revenus de l’année en cours dans les conditions du droit commun, et restituera le forfait micro-fiscal déjà acquitté. Il en est de même pour le calcul de la TVA, à la différence que celle-ci étant due le premier jour de chaque mois, le rattrapage reste limité à trois mois, ce qui correspond au rythme trimestriel des déclarations d’activité des auto-entrepreneurs.

M. Gérard Quévillon, président du régime social des indépendants (RSI), a tout d’abord rappelé que le conseil d’administration national du RSI a émis d’emblée un avis défavorable au statut de l’auto-entrepreneur. Il s’est interrogé sur la réalité socio-économique d’un dispositif qui permet à des entrepreneurs de bénéficier d’un régime micro-social simplifié pendant trois ans, alors même qu’ils ne déclarent aucun chiffre d’affaires. Il a formulé plusieurs recommandations tendant :

- à proposer un accompagnement par les organismes consulaires de tous les auto-entrepreneurs à l’issue d’une première année d’exercice ;

- à permettre aux auto-entrepreneurs qui exercent réellement une activité à accéder le plus rapidement possible au statut de travailleur indépendant dans les conditions classiques du RSI.

A cet égard, il a mis en doute la pertinence d’inclure les auto-entrepreneurs qui ne déclarent pas de chiffre d’affaires dans les effectifs pris en compte pour déterminer les montants de compensation démographique mis à la charge des régimes sociaux. Enfin, s’il a admis que la mise en place de ce nouveau statut s’inscrit dans une stratégie de lutte contre la fraude et le travail dissimulé, il s’est montré plus circonspect sur l’intérêt qu’auront certains auto-entrepreneurs à déclarer des revenus complémentaires qui ne confèrent aucune protection sociale supplémentaire, notamment en termes de retraite.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que les situations de multi-activités rendues possibles par le statut de l’auto-entrepreneur présentent en période de crise un intérêt tout particulier, même s’il ne s’agit que d’activités latentes, car elles permettent de percevoir un revenu en complément du salaire, du RSA ou de la pension de retraite pour des personnes dont les ressources sont modestes.

M. Jacques Escourrou, président de la Caisse national d’assurance-vieillesse des professions libérales (CNAV-PL), a fait état du mécontentement des professionnels libéraux face au risque que le statut de l’auto-entrepreneur fait peser sur l’équilibre des comptes sociaux. En effet, le régime d’assurance-vieillesse des professions libérales, traditionnellement excédentaire, pourrait devenir déficitaire car le ratio démographique positif de ce régime le contraint à contribuer au financement des régimes en déficit démographique. Dans la mesure où cette compensation s’élève à 1 700 euros par assuré, alors qu’environ la moitié des auto-entrepreneurs ont un chiffre d’affaires nul et l’autre moitié disposent d’un chiffre d’affaires annuel compris le plus souvent entre 4 000 et 6 000 euros, l’arrivée de 120 000 nouveaux assurés va fortement déstabiliser l’équilibre du régime.

Le statut de l’auto-entrepreneur pose la question de la grande variété de situations professionnelles qui se dissimulent derrière la notion générique de « professions libérales ». Comme l’a indiqué le rapport sur la nouvelle dynamique de l’activité libérale, remis en janvier 2010 à M. Hervé Novelli par Mme Brigitte Longuet, ces professions auraient intérêt à être définies avec une plus grande précision. L’inscription de certaines personnes dans le régime des professions libérales grâce au statut de l’auto-entrepreneur paraît contestable puisqu’elle permet parfois de dissimuler des relations de type salarial, ce qui a pour conséquence d’engendrer une concurrence déloyale à l’égard des autres commerçants et artisans.

M. Jean Arthuis, président, a souligné la difficulté à distinguer les auto-entrepreneurs qui relèvent d’un ordre professionnel de ceux qui ressortent de professions libérales non organisées et doivent être considérés comme de simples prestataires de services. Il s’est également inquiété du recours par les entreprises à des auto-entrepreneurs libéraux dans le cadre de rapports qui demeurent en réalité d’employeurs à employés.

En réponse à M. Jacques Escourrou, M. Hervé Novelli a apporté les précisions suivantes :

- le montant des cotisations sociales des professions libérales ne sera pas augmenté au titre du surcoût de la compensation démographique engendré par l’arrivée massive d’auto-entrepreneurs dans le régime de la CNAV-PL ;

- au regard du coût des auto-entrepreneurs pour la CNAV-PL, la hausse du nombre de cotisants doit légitimement entraîner une augmentation des charges de compensation ;

- le calcul de la compensation démographique au sein du régime des professions libérales doit faire l’objet d’une négociation. Celle-ci sera à l’ordre du jour de futures discussions entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. Il s’agira notamment de revoir le mode de compensation et de définir de nouvelles règles d’affiliation à la CNAV-PL. La notion d’activité libérale devra ainsi être précisée, afin de ne pas y inclure l’ensemble des auto-entrepreneurs.

En outre, M. Hervé Novelli a regretté la complexité encore considérable des régimes fiscaux et sociaux des entreprises et plaidé pour une démarche généralisée de simplification, sur le modèle du régime de l’auto-entrepreneur.

M. Gérard Quévillon a souhaité que la révision du calcul de la compensation démographique concerne également le RSI.

Mme Fabienne Keller a indiqué que le statut de l’auto-entrepreneur est souvent utilisé pour démarrer une activité, sans que celle-ci soit réellement durable ou conduise à la création d’une société. Elle a donc jugé utile de réaliser des études précises sur la base d’échantillons représentatifs. Enfin, elle s’est interrogée sur l’automaticité de la couverture sociale des personnes soumises au régime de l’auto-entrepreneur.

M. Gérard Quévillon a précisé que les droits sociaux sont ouverts dès l’inscription au régime, ce qui paraît injuste dans la mesure où certains auto-entrepreneurs ne déclarent pas leur activité et ne contribuent donc pas au financement des dépenses sociales.

M. Jean Arthuis, président, a estimé anormale l’absence d’obligations de procéder à une déclaration, même en cas de chiffre d’affaires nul.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales, a également souhaité savoir si le statut d’auto-entrepreneur ouvre droit à l’ensemble des prestations sociales et s’est inquiété des modalités de mise en oeuvre de ce statut, plus particulièrement au regard de l’équilibre du RSI et de la CNAV-PL. Il a enfin souligné que cette question fait l’objet d’une attention toute particulière de la part de la commission des affaires sociales.

M. Jean Arthuis, président, a alors ouvert le deuxième débat et invité les intervenants à procéder à un bilan du statut de l’auto-entrepreneur au regard des régimes de droit commun.

M. François Hurel, président de l’Union des auto-entrepreneurs (UAE), a relevé le paradoxe consistant à se plaindre de la faiblesse traditionnelle du nombre de créations d’entreprises en France et à contester dans le même temps le régime de l’auto-entrepreneur, pourtant particulièrement efficace pour répondre à cette situation. Ce dernier, inspiré par différentes expériences étrangères, rencontre un succès indéniable qui résulte principalement de son caractère universel. Les auto-entrepreneurs présentent des profils variés et se composent d’un tiers de salariés, d’un tiers de demandeurs d’emploi, et d’un tiers de retraités et d’étudiants.

Ce régime reste toutefois perfectible sur au moins deux points :

- un contrôle des qualifications effectives des auto-entrepreneurs fait aujourd’hui défaut ;

- l’activité professionnelle libérale s’insère dans un paysage complexe dans lequel la législation paraît désuète et relativement rigide.

M. François Hurel a jugé nécessaire d’apporter des garanties aux auto-entrepreneurs de manière à les insérer durablement dans la sphère économique, notamment en leur proposant des formations régulières pour consolider leurs qualifications.

M. Grégoire Leclercq, président de la Fédération des auto-entrepreneurs, a salué l’apport bénéfique du régime de l’auto-entrepreneur à la création d’activités, en citant le résultat de différentes études selon lesquelles la majorité des auto-entrepreneurs n’auraient pas créé leur entreprise sans l’existence préalable de ce dispositif favorable. Par sa simplicité et sa souplesse, celui-ci permet à la fois de développer une activité pérenne ou d’assurer la transition vers la création d’une société de droit commun. A cet égard, l’accompagnement des auto-entrepreneurs devrait être la première priorité.

M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), a relevé l’engouement suscité par ce dispositif qui déroge à la complexité des autres formes de créations d’entreprises. Son principal défaut, le risque de concurrence déloyale, pourrait être fortement réduit par la fixation d’un délai limite de trois ans pour bénéficier du statut. Il a proposé de faciliter la transition vers la création d’entreprises de droit commun afin de prévenir tout phénomène d’entrepreneuriat à plusieurs vitesses.

Par ailleurs, évoquant le futur statut de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) en cours d’examen par le Sénat, il a souhaité que la règle d’incessibilité du patrimoine affecté puisse conduire à annuler toute imposition sur les plus-values en cas d’apport ultérieur en société par un auto-entrepreneur.

M. Jean Arthuis, président, a considéré qu’une telle demande constituerait un avantage fiscal excessif et a demandé que la direction de la législation fiscale précise le régime applicable.

M. Cyril Sniadower a distingué deux cas de figure :

- en cas d’apport d’un auto-entrepreneur dans la constitution d’une entreprise uni personnelle à responsabilité limitée (EURL), aucune plus-value n’est constatée ;

- en cas d’apport en société, les plus-values font l’objet d’une mise en report. L’impôt sera acquitté sur la base des plus-values constatées au jour de la cession de l’entreprise.

M. Jean Lardin, président de l’Union professionnelle artisanale (UPA), a estimé que le régime de l’auto-entrepreneur, issu de la loi de modernisation de l’économie, a été préparé en 2008 sans que les professionnels, notamment les artisans, n’aient pu se concerter avant de faire valoir leur opinion auprès des pouvoirs publics.

Mme Elisabeth Lamure, présidente du groupe de travail sur l’application de la loi de modernisation de l’économie, et M. Philippe Marini, rapporteur général, ont fait valoir que la critique du défaut de concertation préalable ne peut pas être adressée au Sénat car la commission spéciale, constituée à l’époque pour examiner le projet de loi, a procédé à 92 auditions.

M. Jean Lardin a considéré que ce régime imparfait doit subir des aménagements, pour limiter les phénomènes de concurrence déloyale. Il a ainsi mentionné deux améliorations apportées au dispositif initial sous l’impulsion de l’UPA :

- l’immatriculation au registre des métiers des auto-entrepreneurs pratiquant une activité artisanale ;

- la publication de décrets d’application de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat afin de mieux protéger les consommateurs en exigeant des qualifications minimales.

En dépit de ses qualités, il a regretté que le statut de l’auto-entrepreneur s’apparente à un « caillou dans la chaussure » et expliqué que les artisans se sont retrouvés concurrencés alors qu’ils subissaient la crise au moins aussi durement que les autres acteurs économiques. Ce statut doit continuer à faire l’objet d’un suivi vigilant pour éviter tout impact préjudiciable à l’artisanat. Des statistiques plus précises doivent permettre de mieux mesurer le dynamisme réel des auto-entrepreneurs et leurs liens avec les entreprises traditionnelles.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé qu’une obligation de déclaration de l’auto-entrepreneur, quel que soit son chiffre d’affaires, irait dans ce sens.

M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM), a estimé que la communication sur le statut de l’auto-entrepreneur a fait oublier que celui-ci reste avant tout un entrepreneur individuel qui, en dépit d’un régime social et fiscal dérogatoire, reste soumis à des difficultés et à des risques. Il a ensuite relativisé le succès de ce régime en faisant valoir que, sur les 400 000 entreprises créées, 60 % n’ont pas de chiffre d’affaires. Enfin, il a déploré les distorsions de concurrence qui résultent de l’écart entre les règles applicables à ce régime et celles relatives aux autres sociétés : l’objectif de simplification légitime poursuivi par ce statut l’éloigne excessivement des régimes de droit commun. Pour garantir un exercice plus loyal de la concurrence, la démarche de simplification doit être équitablement étendue aux autres types de sociétés.

M. Jean-François Bernardin, président de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI), a loué l’apport significatif que représente le statut de l’auto-entrepreneur comme « accélérateur d’initiatives ». Il a cependant plaidé pour un meilleur encadrement de ce régime et appelé de ses voeux une réflexion approfondie sur les « professions libérales orphelines », c’est-à-dire non réglementées. Par ailleurs, il s’est déclaré favorable à la limitation dans le temps du dispositif, comme l’a proposé par M. Jean-François Roubaud, tout en souhaitant une durée modulée selon les situations : les auto-entrepreneurs à temps partiel devraient ainsi pouvoir continuer à exercer plus longtemps que les autres. En outre, le développement de l’accompagnement des auto-entrepreneurs apparaît nécessaire.

M. François Hurel a précisé que l’accompagnement des auto-entrepreneurs doit demeurer gratuit et que les critiques relatives aux « travailleurs sans-papiers » qui utilisent ce statut pour exercer leur activité ne sont pas fondées car la seule pièce justificative demandée pour toute inscription est précisément le titre de séjour ou la carte nationale d’identité.

En réponse à M. Alain Vasselle qui a demandé des précisions sur la concurrence déloyale imposée par l’auto-entrepreneur aux artisans et aux PME, M. François Hurel a souhaité relativiser ce grief et a indiqué, à titre d’illustration, que sur les 320 000 auto-entrepreneurs inscrits en 2009, 12,7 % exercent dans le secteur du bâtiment pour un chiffre d’affaires cumulé de 120 millions d’euros, ce qui représente moins de un pour mille des quelque 124 milliards d’euros du chiffre d’affaires global du bâtiment et des travaux publics.

M. Charles Guéné a suggéré que l’obligation de déclaration de tout auto-entrepreneur soit accompagnée du versement d’une cotisation forfaitaire minimale destinée à garantir l’engagement à exercer une activité réelle.

M. Alain Griset a jugé nécessaire d’évaluer l’impact du régime de l’auto-entrepreneur sur les recettes des régimes de retraite dans une situation économique normale.

M. Jean Arthuis, président, a souligné la nécessité d’améliorer l’information statistique sur le régime de l’auto-entrepreneur, afin en particulier de distinguer trois cas de figure selon qu’il s’agit d’une activité complémentaire (par exemple pour les retraités ou les travailleurs à temps partiel), d’un essai d’activité entrepreneuriale avant basculement vers le régime de droit commun ou d’un « enfermement » durable dans le régime de l’auto-entrepreneur.

M. Jean-François Bernardin a approuvé ces deux analyses.

Mme Élisabeth Lamure a jugé nécessaire de rendre obligatoire la déclaration du chiffre d’affaires, afin d’identifier les « entreprises dormantes », et de limiter dans le temps le bénéfice du régime de l’auto-entrepreneur, par exemple à trois années, au moins pour ceux pour lesquels il s’agit de l’activité principale.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que, paradoxalement, la réussite de l’union des auto-entrepreneurs et de la fédération des auto-entrepreneurs pourrait impliquer une diminution du nombre de leurs adhérents.

M. François Hurel a approuvé les propositions de Mme Elisabeth Lamure en soulignant que la limitation dans le temps du bénéfice du régime doit s’apprécier pour chaque auto-entrepreneur individuellement et ne doit pas être comprise comme l’annonce de l’extinction du dispositif dans son ensemble.

M. Jean Arthuis, président, a jugé nécessaire de faciliter la transition du régime de l’auto-entrepreneur vers celui de droit commun, et s’est interrogé sur la possibilité d’étendre à l’ensemble des régimes de retraite les simplifications du régime de l’auto-entrepreneur. Il a alors ouvert le troisième débat relatif à ce sujet.

Philippe Mathot, directeur général de l’agence pour la création d’entreprises (APCE), a indiqué que celle-ci a mis en place une centrale d’appels téléphoniques en janvier 2009, ainsi qu’une cellule courriel. Il convient de distinguer différentes catégories d’auto-entrepreneurs. En 2009, sur 580 000 créations d’entreprises, 320 000 relevaient du régime de l’auto-entrepreneur, dont environ 80 000 ou 90 000 étaient porteuses de développement. L’APCE va s’efforcer d’améliorer la qualité des nombreux sites Internet relatifs au régime de l’auto-entrepreneur, en leur proposant une labellisation et des flux d’information gratuits. Elle va en outre enrichir son propre site Internet, notamment par la mise en place d’outils interactifs.

Il a suggéré de réfléchir à de nouveaux outils de détection de toutes les initiatives en matière de création d’entreprises, citant l’exemple d’une « small business administration » à la française.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s’est interrogé sur l’utilité de créer une administration supplémentaire considérant que cette tâche relève déjà des réseaux consulaires existants.

M. Jean-François Bernardin, a indiqué que le projet « d’équipe de France de la création d’entreprise », convenu par le réseau des chambres de commerce et d’industrie avec le Gouvernement, repose essentiellement sur les organismes consulaires et pas seulement sur l’APCE.

M. Jean Lardin, a précisé que le chiffre d’affaires global du BTP évoqué par M. François Hurel, prend en compte toutes les entreprises quel que soit leur effectif. Le chiffre d’affaires des entreprises du bâtiment de moins de vingt salariés est de 80 milliards d’euros.

En conclusion, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné l’intérêt que représente l’organisation d’une telle table ronde dans l’exercice du travail parlementaire de contrôle des politiques publiques. A cet égard, il a considéré que le statut de l’auto-entrepreneur est le premier stade de l’entreprise individuelle.

Les débats montrent qu’il n’y a pas de « cadeau fiscal » accordé aux auto-entrepreneurs mais que certains points doivent en être clarifiés, comme l’a souligné la direction de la législation fiscale. L’information statistique doit être améliorée, en particulier par la distinction des principales catégories d’auto-entrepreneurs. Le régime de l’auto-entreprise est très utile, en permettant la création d’entreprises « à l’essai », et en offrant la possibilité à de nombreuses personnes de disposer d’un revenu d’appoint significatif. Il a bénéficié d’un « bon marketing », ce qui est rare pour une politique publique.

M. Jean Arthuis, président, a jugé que les entreprises « de droit commun » ne doivent pas se sentir menacées par le régime de l’auto-entrepreneur. Il faut redéfinir les contours de celui-ci, afin de distinguer les activités libérales des prestations de services. On doit se féliciter de ce que le régime de l’auto-entrepreneur permette à de nombreuses personnes de bénéficier d’un revenu complémentaire.

A l’issue de la table ronde, la commission a décidé d’autoriser le rapporteur général à publier une synthèse et le compte rendu de la réunion, sous la forme d’un rapport d’information.

 

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