Journées des métiers d’art : Antonin Pons Braley, héliograveur

3/04/2016 à 06h36, Auteur : rédac-rss // Sorties-Loisirs-Culture

Les Journées européennes des métiers d’art sont l’occasion pour le public de découvrir des savoir-faire entre tradition et création, du 1er au 3 avril. Rencontre avec Antonin Pons Braley, un des créateurs invités de l’exposition L’empreinte du geste au musée des arts décoratifs à Paris et élève du maître d’art en héliogravure Fanny Boucher.

En quoi consiste le métier d’héliograveur ?

Antonin Pons Braley : Le travail d’héliograveur, à l’origine, consiste à graver des photographies par l’intermédiaire de gélatines photosensibles sur des plaques de cuivre. L’héliogravure est considérée comme le procédé par excellence d’impression photographique. Lorsque j’ai commencé à travailler avec cette technique, je me suis concentré sur la matrice elle-même et intéressé à la possibilité d’héliograver des volumes. Par exemple, le dôme du reliquaire présenté dans l’exposition du musée des arts décoratifs est une forme de cuivre sur laquelle j’ai héliogravé une seule et même image photographique sur toutes les faces de l’objet. Pour cela, nous avons utilisé la même démarche que pour l’héliogravure traditionnelle « à plat » mais en la transposant sur un objet en volume. On passe ainsi de l’estampe photographique à la sculpture photographique. J’ai initié ce travail d’héliovolume en 2014 grâce au soutien de la Fondation d’Entreprise des Banques Populaires. Cette pièce est la quatrième que je réalise avec ce procédé. La révolution consiste à faire pleinement exister la matrice, libérée de l’estampe.

Quels sont les motifs représentés sur l’oeuvre que vous exposez, ainsi que les matériaux utilisés ?

A. P. B. : Je suis artisan et chercheur et travaille plusieurs mois par an en Arctique, notamment sur l’archivage des techniques et des gestes de ces régions, dans une démarche à la croisée de l’anthropologie et l’artisanat d’art. Le motif représenté sur l’oeuvre exposée est un lichen qui a un rôle spécifique dans l’écosystème de l’Arctique. Alors qu’il sert de lit de couches pour certaines espèces animales, sa disparition bouleverse considérablement l’écosystème local. Dans le cadre de mon travail sur un archivage de la disparition, j’ai photographié cette espèce de flore en Arctique et je l’ai traduite en héliogravure. 

Pour les matériaux, le dôme est en cuivre, revisitant l’héliogravure traditionnelle. La chasse de pierre qui se trouve en dessous est en stéatite, une pierre endémique aux régions nordiques. J’ai aussi ajouté un pan de cuir – un cuir de Russie disparu et redécouvert récemment notamment grâce au travail d’Élise Blouet Ménard – qui sert d’anse et participe de la cérémonie d’ouverture du coffre. 

Quel est votre parcours ? 

A. P. B. : A la base, je suis chercheur. J’ai étudié les sciences politiques et l’histoire de l’art. J’ai rencontré Fanny Boucher pour la première fois dans son atelier à Meudon. Je venais en tant que photographe pour transposer mes photographies en héliogravure. La découverte de cette technique m’a permis de combiner anthropologie et métier d’art, les deux composantes majeures de mon parcours. Entre-temps, j’ai monté un laboratoire d’art et recherche à Berlin avec l’artiste et chercheuse Lena Gudd, qui travaille sur la relation entre l’homme et son habitat. L’atelier Hélio’g de Fanny Boucher à Meudon et mon laboratoire Tumuult à Berlin travaillent ensemble à des projets sur le long terme. Dans quinze jours, nous partons au Guatemala pour étudier la relation entre l’homme et son environnement dans une confrérie contemporaine de prêtres mayas. Nous allons étudier le rapport aux motifs, aux glyphes pour en dresser une forme de portrait. Cela donnera lieu à une exposition et un cycle de conférence et rencontres à Berlin, et à la création d’estampes et d’un livre d’artiste dans l’atelier à Meudon. 

Quel rapport entretenez-vous avec votre maître d’art ?

A. P. B. : Notre relation élève-maître d’art est atypique. Fanny Boucher a accepté de revisiter avec moi la technique de l’héliogravure pour qu’ensemble nous apprenions quelque chose de nouveau. Je n’ai pas vocation à reprendre l’atelier de mon maître, comme c’est souvent le cas dans la relation maître d’art-élève, mais bien à continuer à faire travailler étroitement nos deux laboratoires. Humainement, techniquement, sur le plan universitaire, il s’agit d’un enrichissement mutuel au service d’un certain rapport au Monde. La transmission concerne tout autant la préservation d’un savoir-faire que la révolution de celui-ci. Fanny Boucher a imaginé qu’elle pouvait porter un élève pour qu’il revisite une technique. Dans cette relation, ce qui est merveilleux, c’est que nous apprenons ensemble. 

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Le titre de Maître d’art

Depuis 1994, le titre de Maître d’art reconnaît l’excellence des savoir-faire d’un artisan des métiers d’art : la préservation des techniques est assurée par l’obligation faite au Maître de transmettre son savoir-faire à un jeune professionnel dans son atelier. À ce jour, cent quinze Maîtres d’art ont été nommés par le ministère de la Culture et de la Communication. 

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