Les expos de la maison rouge

23/06/2014 à 06h30, Auteur : rédac-rss // Sorties-Loisirs-Culture

Après avoir montré depuis 10 ans des univers de collectionneurs très variés, l’exposition anniversaire Le Mur dévoile à Paris, du 14 juin au 21 septembre, la propre collection d’œuvres murales d’Antoine de Galbert. Retour sur l’engagement du mécène qui a réussi en une décennie à faire de la Maison Rouge, sa fondation parisienne, un lieu alternatif qui présente le meilleur de la scène contemporaine.

Vous avez dit récemment que votre idée de départ était d’ouvrir un lieu pour « Montrer et réhabiliter les collectionneurs privés », tel était votre objectif initial...

Antoine de Galbert : Réhabiliter est peut-être un bien grand mot... Il ne faut pas exagérer : il n’était pas interdit d’être collectionneur, non plus ! Mais les collections privées constituaient selon moi une richesse méconnue qu’il fallait faire découvrir. Aujourd’hui, il y a encore très peu d’expositions de collections privées. On commence à en voir dans des musées, comme à Strasbourg, à Grenoble. Surtout, il y avait à l’époque une réelle frontière entre le public et le privé, le public était perçu comme celui qui détient le savoir, et le privé comme celui qui défriche. Aujourd’hui, cette frontière est bien moins étanche. Moi-même qui ai une grande passion pour les musées que je fréquente beaucoup, j’ai toujours estimé qu’il y avait très peu de différences entre le public et le privé. Et d’ailleurs, en tant que collectionneur, ma démarche n’a jamais consisté à opposer le privé au public. Mon choix d’exposer des collections privées tient surtout au fait qu’elles ont été constituées en fonction des goûts des collectionneurs, en dehors de toute contrainte, à la différence des collections publiques qui doivent prétendre à une certaine forme d’exhaustivité et d’unité. Si, depuis la loi sur le mécénat, les initiatives privées se sont beaucoup développées et sont beaucoup valorisées, je n’ai jamais considéré que le "tout privé" était mieux que le "tout public". Mon idée était d’offrir une forme de complémentarité entre eux.

De fait, la programmation de la Maison Rouge a souvent créé la surprise. En créant la fondation, aviez-vous l’ambition de montrer autrement l’art contemporain ?

Je n’avais aucune stratégie, mais en même temps, comme tout lieu subjectif, la Maison Rouge présente nécessairement des œuvres qu’on ne peut pas voir ailleurs. Lorsque l’on rentre à la maison rouge, on rentre dans l’univers d’un amateur, alors qu’un centre d’art ou un musée offre une vision plus globale. Incontestablement, les expositions de la maison rouge me ressemblent. Par exemple, Tous cannibales, une exposition consacrée à la question de l’anthropophagie et à ses représentations dans les arts plastiques, ou Sous influence, qui présentait un ensemble d’œuvres sur le thème des rapports entre les arts plastiques et les produits psychotropes, expriment une part de mon univers. Ce sont mes goûts... Oui, j’ai des goûts bizarres et je les assume (rires) ! Plus sérieusement, il y a aussi des expositions que des musées ne peuvent présenter. Par exemple, l’oeuvre assez provocante du peintre japonais Tetsumi Kudo qui a été exposée en 2007 à la Maison Rouge.

Alain-Dominique Perrin, président de la Fondation Cartier, a déclaré dans Le Quotidien de l’Art que sa fondation permet d’exposer ce que le « clergé culturel » ne montre pas. Partagez-vous ce sentiment ?

Si l’on entend par "clergé culturel" la pensée unique, alors je suis totalement d’accord avec Alain-Dominique Perrin sur ce point. Je partage tout à fait ce qu’il dit.

Parmi toutes les expositions qui ont été présentées à la Maison Rouge au cours de ces 10 dernières années, quelles sont celles dont vous êtes le plus fier ?

Le plus fier, je n’en sais rien, mais celles qui m’ont le plus passionné, ce sont celles que j’aurais voulu faire avant, lorsque je n’en avais pas les moyens ! Par exemple, celles consacrées à Tetsumi Kudo ou au peintre et dessinateur suisse Louis Soutter. Ce sont des artistes que j’aurais aimés défendre il y a vingt ans. L’exposition inaugurale de la Maison Rouge, L’intime, le collectionneur derrière la porte, sur le rapport intime du collectionneur à ses œuvres, compte également beaucoup pour moi, car comme Le Mur, elle s’apparente à une "contre-exposition". Elle est une remise en cause de l’art contemporain dans ce qu’il a de plus ostentatoire.

Justement, parlons de cette exposition anniversaire Le Mur, qui est un retour sur votre propre collection. Diriez-vous qu’elle a été dans une certaine mesure influencée par l’activité de la maison rouge ?

Je pense que c’est plutôt l’inverse, c’est plutôt ma propre collection qui a influencé la maison rouge ! Mais il y a un véritable échange, une cohérence, une sorte de lien invisible très fort entre la maison rouge et ma collection. Le Mur offre aux visiteurs un voyage à travers plus de vingt années d’acquisitions. Exposées sur un mur de 200 mètres de long et de 3 mètres de haut de façon aléatoire et indépendamment de toute hiérarchie, de leur notoriété ou de leur valeur marchande, et en l’absence de cartels physiques, pour des raisons de place et de lisibilité, elles se regardent selon deux niveaux de lecture : soit pour elles-mêmes, soit en consultant les cartels numériques sur les écrans tactiles disposés dans les différentes salles d’exposition.

Et si on voulait faire un bilan de ces 10 années en termes de fréquentation ?

La fréquentation est en augmentation. Mais on part de très loin, car à nos débuts, la Maison Rouge était très peu connue. On avoisine aujourd’hui les 100 000 visiteurs par an, avec une augmentation de 10% par an. En même temps, je ne cours pas après les entrées ! Je suis ravi quand il y a du monde, mais je souhaite avant toute chose présenter ce que j’aime et essayer d’attirer le plus de monde possible.

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