Lutte contre la déforestisation

22/12/2010 à 06h31, Auteur : rédac-rss // Droit, Finances, assurances

Il existe maintenant un consensus sur l’objectif général de la conférence de Cancun, parvenir à un « paquet » de décisions équilibré, mais les différents acteurs n’ont pas la même vision de la notion d’équilibre ni du contenu des décisions susceptibles d’être prises. La notion d’équilibre elle-même n’est pas explicitée. Si l’on se réfère à l’accord de Copenhague, il pourrait s’agir d’un équilibre entre les engagements des pays en développement d’un côté et le soutien que peuvent leur apporter les pays développés de l’autre.

Les pays en développement ont des attentes fortes en ce qui concerne le volet « soutien », c’est-à-dire le financement, la lutte contre la déforestation, l’adaptation et les technologies. Les pays développés insistent sur le système de mesure, de notification et de vérification (MRV) des objectifs et des actions d’atténuation. Les objectifs d’atténuation eux-mêmes semblent moins au centre des négociations que lors de la conférence de Copenhague. Les chiffres communiqués en janvier 2010 n’évolueront pas et les Etats-Unis n’accepteront pas de prendre un engagement contraignant. Les négociations à Cancun devraient donc plutôt se concentrer sur les mécanismes.
L’objectif de l’Union européenne est d’ancrer les principes de l’accord de Copenhague, en renforçant le degré de précision, et d’obtenir des progrès sur tous les thèmes de la négociation, de façon à obtenir un cadre global. L’idée est également d’obtenir des résultats tangibles se traduisant en actions, selon la même démarche que celle du financement Fast start. Les conclusions du conseil environnement du 14 octobre 2010 n’établissent pas de hierarchie entre les sujets et demandent des décisions sur l’ensemble des thèmes : adaptation, atténuation, technologies, renforcement des capacités, REDD+, agriculture, MRV, finance et mécanismes de marché. L’Union européenne demande également l’adoption d’un programme de travail pour les prochaines étapes, en soulignant qu’il convient d’éviter un hiatus entre l’expiration de la première période d’engagement du protocole de Kyoto et l’adoption d’un cadre juridique global.
Certains sujets, comme la réduction des émissions liées à la déforestation, semblent prêts à faire l’objet d’un accord mais le résultat final est incertain car il dépendra de l’équilibre général du paquet.
II. LA POSSIBILITÉ D’UNE DÉCISION EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA DÉFORESTATION
La question de la déforestation avait été exclue du protocole de Kyoto, qui visait essentiellement les actions des pays développés. Or il s’agit d’un enjeu important de la lutte contre le changement climatique car on estime que la déforestation est responsable de 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les forêts représentent 30 % de la surface terrestre et renferment 25 % du carbone accumulé dans les écosystèmes. La déforestation libère le carbone stocké dans les forêts mais réduit également la capacité d’absorption globale de la biosphère.
A. Un processus initié par la Conférence de Bali
Lancées en 2005 à la 11ème COP de Montréal, les négociations internationales sur la réduction des émissions liées à la déforestation et la dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD) se sont concrétisées par une première décision prise par la conférence de Bali en décembre 2007. Elle initiait une phase d’expérimentation de différentes activités de lutte contre la déforestation. Ces activités sont dites REDD + car elles incluent, outre les émissions évitées, la capacité de stockage de carbone des forêts (activités de boisement et reboisement), ainsi que leur gestion durable.
Sur la base de cette décision, plusieurs initiatives internationales ont été lancées. On peut citer :
- le Fonds de partenariat pour le carbone forestier (FCPF) et le programme d’investissements pour la forêt (FIP) de la Banque Mondiale ;
- le partenariat entre l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (OAA), le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) dédié au REDD : UN-REDDD ;
- l’action du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) ;
- le Fonds forestier du Bassin du Congo, géré par la Banque africaine de développement et auquel contribuent le Royaume-Uni et la Norvège ;
- des initiatives bilatérales : l’initiative Forêt Climat de la Norvège, l’initiative Forêt Carbone de l’Australie…etc.
Par la suite, la conférence de Poznan en décembre 2008 a permis l’adoption d’une nouvelle décision fixant un cadre pour les travaux futurs :
- une approche intégrant tous les usages des sols (déforestation, dégradation, maintien des forêts et plantations) ;
- la recherche de critères pour l’élaboration de scénarios de référence (choix d’une base historique pour mesurer les progrès accomplis) ;
- la création d’un cadre unifié de coordination des activités de renforcement des capacités dans les pays en développement ;
- la communication par les pays en développement de leurs données d’inventaires forestiers (seuls l’Inde et le Brésil disposant de telles données de manière précise et fiable).
B. Des progrès importants depuis l’accord de Copenhague
1. Les contours de REDD+ se précisent et laissent espérer une décision à Cancun
L’Union européenne soutient un objectif de réduction de la déforestation tropicale brute d’au moins 50 % d’ici 2020 par rapport aux niveaux actuels et l’arrêt d’ici 2030 de la diminution du couvert forestier mondial.
L’accord de Copenhague demande la création d’un mécanisme REDD+, afin de permettre la mobilisation de financements des pays développés. Cependant, l’absence d’accord global dans le cadre des Nations unies à Copenhague n’a pas permis de concrétiser ce mécanisme.
De l’avis de nombreux acteurs des négociations, REDD+ est l’un des sujets qui pourraient faire l’objet d’un accord lors de la Conférence de Cancun, dans le cadre d’un paquet équilibré.
Il y a un consensus sur une mise en œuvre de REDD+ en 3 phases :
- une phase de préparation, au cours de laquelle les pays en développement élaboreront une stratégie nationale et renforceront leurs capacités. Cette phase doit permettre une analyse des causes de la déforestation et de la dégradation des forêts, ainsi que la définition d’un scénario de référence et d’un système de MRV des émissions. Plus de quarante pays ont entamé cette phase ;
- une phase intermédiaire devant permettre l’application des politiques et des mesures au plan national, ainsi que la mise en œuvre de projets et de programmes pilotes. Certains pays plus avancés, comme le Brésil, pourront entrer dans cette phase plus tôt que d’autres. Pour la plupart des pays, cette phase ne s’achèverait cependant qu’à partir de 2020 ;
- une phase finale permettant le paiement aux résultats. Les pays recevront des financements en fonction des réductions d’émissions constatées par rapport à un scénario de référence, grâce à un système MRV fiable et transparent.
Les trois phases nécessiteront des financements de la part des pays développés. Plusieurs incertitudes subsistent, concernant le financement au-delà du Fast start et l’organisation de la troisième phase : le financement s’appuiera-t-il sur un fonds (dont les sources restent à identifier) ou sera-t-il lié aux marchés du carbone (avec la possibilité de crédits liés à des projets REDD+) ? Il existe des divergences entre les Etats sur cette question.
2. Le partenariat REDD+ : des engagements financiers substantiels de la part des pays développés
A Copenhague, les Etats-Unis, la France, le Japon, la Norvège, le Royaume-Uni et l’Australie s’étaient engagés à consacrer 3,5 milliards de dollars au financement précoce de REDD+ sur la période 2010-2012, dans le cadre du financement Fast start.
Ces engagements se sont par la suite renforcés dans le cadre du processus Paris-Oslo initié par la France et la Norvège. A la suite de deux conférences réunissant les pays des grands bassins forestiers et les donateurs, à Paris en mars 2010 et à Oslo en mai 2010, un partenariat REDD+ a été créé. Il rassemble les pays bénéficiaires volontaires, représentatifs des grands bassins forestiers mondiaux (bassin du Congo, bassin amazonien et bassin indonésien) et les principaux pays donateurs, soit soixante-et-onze pays au total. L’accord de partenariat prévoit une co-présidence par un pays développé et un pays en développement. Le Japon et la Papouasie-Nouvelle Guinée assurent jusqu’à la fin de l’année la co-présidence du partenariat, puis la France et le Brésil leur succéderont au premier semestre 2011. Ce partenariat est considéré comme provisoire, car il devrait s’intégrer dans un mécanisme de la CCNUCC lorsqu’un accord sur REDD+ aura été conclu.
Les engagements des donateurs s’élèvent à 4 milliards de dollars pour 2010-2012 (2,8 milliards d’euros).
Engagements des différents donateurs dans le cadre du partenariat REDD+
Pays
Engagement en dollars
Norvège
Au moins 1 milliard
Etats-Unis
Au moins 536 millions en 2010 et 2011
Allemagne
503 millions
Japon
500 millions
France
330 millions
Royaume-Uni
300 millions (chiffre indicatif)
Finlande
69 millions
Australie
100 millions
Espagne
26 millions
Danemark
16,5 millions
Source : Partenariat REDD+, chiffres au 27 mai 2010.
L’engagement de la France est de 246 millions d’euros, soit 20 % de son engagement au titre du financement Fast start. 100 millions proviennent des ressources budgétaires, tandis que 150 millions vont être obtenus par la vente des unités de quantité attribuée excédentaires, dont la France dispose parce qu’elle a dépassé ses objectifs au titre du protocole de Kyoto.
Exemples de projets REDD+ susceptibles d’être financés par la France dans un cadre bilatéral
Ces projets pourront être mis en œuvre par le fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) ou par l’Agence française de développement (AFD).
- imagerie satellite pour les pays d’Afrique centrale : mise à disposition d’équipement, d’assistance technique, d’imagerie satellite d’archives et de nouvelles images pour la période 2010-2015, à tous les acteurs publics et associatifs de REDD+ dans le bassin du Congo afin d’assurer le suivi de la déforestation ;
- gestion forestière durable dans la province du Kalimantan (Indonésie) : appui à l’aménagement durable des concessions forestières et préparation à l’écocertification, dans le cadre d’une approche pilote intégrée de protection des forêts à l’échelle d’un district ;
- coopération régionale sur le plateau des Guyanes : création et animation d’une plateforme régionale de coopération pour la protection des forêts entre la Guyane française et ses voisins (Suriname, Guyana, Etat d’Amapa au Brésil et Venezuela) pour la mutualisation des connaissances, du savoir-faire et des équipements nécessaires au suivi de l’état des forêts et à la lutte contre la déforestation.
Source : Ministère de l’économie.
Les rapporteurs se sont rendus en Norvège,début novembre 2010, à l’invitation du ministère norvégien des affaires étrangères, qu’ils tiennent à remercier. Ils ont rencontré M. Erik Solheim, ministre de l’environnement et de la coopération internationale, M. Hans Brattskar, ambassadeur chargé du climat et de la forêt, M. Petter Myhre, Président de la Commission des affaires étrangères du Stortinget, et ont également eu des entretiens avec des autorités et des élus locaux, des représentants de l’industrie et de la société civile et des scientifiques.
Les rapporteurs ont pu constater à quel point la Norvège a fait de la lutte contre le changement climatique une priorité nationale. Son engagement de réduction des émissions de 30 %, pouvant être porté à 40 % en cas d’engagement comparable des principaux émetteurs, est le plus ambitieux des pays développés. La Norvège est de plus le principal pays contributeur à la lutte contre la déforestation dans les pays en développement. Son engagement remonte à 2007, lorsqu’elle a annoncé au cours de la Conférence de Bali, qu’elle y consacrerait 3 milliards de couronnes par an (environ 370 millions d’euros). Elle soutient la coordination internationale dans ce domaine et est à l’origine, avec la France, du partenariat REDD+ créé à la suite de la conférence d’Oslo du 27 mai 2010. Dans ce cadre, elle s’est engagée à un financement d’un milliard de dollars par an, soit 25 % du total des engagements, ce qui représente un effort considérable pour un pays de moins de 5 millions d’habitants.
L’aide de la Norvège est mise en œuvre par le biais de différents canaux : multilatéraux (UN-REDD, dont elle finance intégralement la première phase, Fonds FCPF et FIP de la Banque Mondiale, Fonds pour le bassin du Congo de la Banque africaine de développement) et bilatéraux. A cet égard, elle établit des coopérations en concentrant ses financements sur quelques pays forestiers, dont le Brésil, l’Indonésie et le Guyana. La Norvège s’est ainsi engagée à apporter une aide pouvant aller jusqu’à un million de dollars via le Fonds pour l’Amazonie pour la période 2008-2015 ; une vaste coopération technique est également mise en œuvre. La Norvège privilégie dans ses coopérations bilatérales un financement en fonction des résultats obtenus.
La Norvège espère un accord sur REDD+ à Cancun dans le cadre d’un accord global équilibré. A cet égard, elle est prête comme l’Union européenne à s’engager pour une nouvelle période du protocole de Kyoto.
C. Les défis de la lutte contre la déforestation : l’exemple du Brésil
Les rapporteurs se sont rendus au Brésil en juin 2010, avant les élections présidentielles qui ont eu lieu en octobre 2010. Ils ont rencontré des représentants du Cabinet civil (Présidence de la République), des différents ministères impliqués dans la lutte contre le changement climatique (ministères de l’environnement, des relations extérieures et des sciences et technologies), des députés membres de la commission de l’environnement, des représentants d’ONG, ainsi que des chercheurs brésiliens et français.
1. Des objectifs ambitieux
Le Brésil a défini un plan national contre le changement climatique depuis 2008. Avant la Conférence de Copenhague, des objectifs ambitieux ont été annoncés, puis adoptés en décembre 2009 dans une loi sur la politique nationale relative au changement climatique.
L’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 36 % à 39 % d’ici 2020, par rapport à leur tendance actuelle. Selon le ministère des sciences et technologies, cet effort correspond, en termes absolus, à celui proposé par les Etats-Unis pour la même période. Il s’agit, dans le contexte des négociations internationales, d’un objectif volontaire.
Ces chiffres sont déclinés par secteur : l’essentiel des efforts doit porter sur la lutte contre la déforestation, qui doit représenter 24,7 % des réductions d’émissions, tandis que l’agriculture doit contribuer à hauteur de 4,9 à 6,1 %, et l’énergie de 6,1 à 7,7 %. Des objectifs spécifiques de réduction de la déforestation ont été définis : celle-ci doit reculer de 80 % en Amazonie (qui représente la moitié du territoire brésilien) et de 40 % dans le Cerrado.
La loi crée également un Fonds national du changement climatique, dont la principale ressource est une taxe de 10 % sur les bénéfices des compagnies pétrolières. Celui-ci est destiné à financer des actions incitatives en matière d’atténuation et d’adaptation. Un financement de 10 milliards de réaux (environ 5 milliards d’euros) est prévu sur dix ans.
2. La complexité de la lutte contre la déforestation
La déforestation a nettement reculé en 2009, ce qui poursuit la tendance depuis 2004 : elle est passée de 27 000 km² en 2004 à 7500 km2 en 2009. D’ici 2020, l’objectif est de limiter la déforestation à 4 000 km2 par an.
L’intensité de la déforestation varie selon les zones, la pression s’exerçant surtout sur l’Est de l’Amazonie. Elle s’explique par la transformation illégale de zones forestières en terres agricoles (culture du soja, élevage…), qui s’opère notamment le long des routes.
Si la législation actuelle est jugée satisfaisante, de nombreux interlocuteurs ont souligné le fait qu’en pratique, la lutte contre la déforestation est complexe. Les principaux obstacles sont la structure administrative (avec le niveau fédéral, le niveau fédéré et les communes) et la situation foncière. En Amazonie, 75 % des terres sont publiques et une part importante est occupée illégalement par des populations pauvres, souvent soumises aux pressions des grands propriétaires. Afin de sortir de cette situation, depuis 2005, des concessions forestières ont été créées. Elles sont allouées à des entreprises ou à des communautés. Des efforts sont également faits pour augmenter la productivité agricole des terres déjà déboisées.
Dans ce contexte, il est difficile d’avoir des moyens de contrôle et de sanction de la déforestation. La police fédérale mène des actions de contrôle efficaces mais l’absence de cadastre en Amazonie est un obstacle important car il n’est pas possible de savoir à qui appartiennent les terres déboisées. Il existe actuellement des contrôles par satellite de la déforestation, mais les images ne sont pas assez précises pour permettre un contrôle des propriétés.
L’ensemble des personnes rencontrées par les rapporteurs a manifesté son inquiétude à propos du projet de réforme du code forestier, toujours en cours d’examen au Congrès. Celui-ci prévoit de réduire les contraintes pour les propriétaires, qui ont actuellement l’obligation de préserver une partie de leurs terres de la déforestation (80 % en Amazonie, 20 % dans le Sud, mécanisme de la « réserve légale »). Ce projet est fortement poussé par les producteurs agricoles et les grands propriétaires.
3. La position du Brésil dans les négociations internationales
Avant la Conférence de Copenhague, le Brésil et la France avaient adopté une position commune, élaborée par un groupe de travail conjoint sur le climat. Celle-ci avait permis de démontrer que les clivages Nord-Sud pouvaient être dépassés, au bénéfice d’une démarche ambitieuse de lutte contre le changement climatique.
Le Brésil considère que Copenhague a débouché sur des résultats en deçà des attentes, mais que l’accord comporte de nombreuses avancées. Il est maintenant important d’obtenir des résultats concrets à Cancun sur tous les thèmes de l’accord de Copenhague. En particulier, il est essentiel de mettre en œuvre le financement Fast start qui doit permettre des aides réellement nouvelles. Il faut également une impulsion de la part des Etats, la conditionnalité des offres des pays industrialisées étant jugée comme un obstacle.
La thématique REDD est également prioritaire pour le Brésil, qui juge positif l’accord obtenu à Oslo en mai dernier. Un accord sur ce thème devrait porter sur l’inventaire forestier, le contrôle et prévoir la possibilité de mécanismes de marché dans une phase finale.
Enfin, le Brésil soutient avec la France la réforme de la gouvernance internationale de l’environnement, grâce à la création d’une organisation mondiale de l’environnement (OME) incluant la dimension du développement durable, lors de la Conférence Rio+20 qui se tiendra à Rio en mai 2012.
III. LES ENJEUX DU FINANCEMENT EN FAVEUR DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
A. Le financement Fast start : un financement d’urgence pour créer la confiance
Décidé à Copenhague, le financement Fast start de 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012 est un engagement important des pays développés, visant à créer de la confiance entre pays du Nord et pays du Sud et à entrer dans une dynamique positive, afin de construire le cadre post-2012 de la lutte contre le changement climatique. Il s’agit d’une aide d’urgence sur trois ans, hors du cadre des Nations unies, finançant des actions d’atténuation (y compris dans le domaine de la lutte contre la déforestation), d’adaptation, de mise au point et de transfert de technologies et de création de capacités.
1. Un impératif de transparence
La transparence des financements (respect des engagements, objectifs, actions financées, comptabilisation) est essentielle. Les pays développés souhaitent la promouvoir, afin que leurs efforts soient bien pris en compte dans le contexte global des négociations sur le climat. L’accord de Copenhague repose en effet sur un équilibre entre l’engagement des pays en développement de mener des actions de lutte contre le changement climatique et celui des pays développés de contribuer financièrement à la mise en œuvre de ces actions.
Afin de favoriser la transparence, les Pays-Bas ont créé un site Internet(22) consacré au financement Fast start dans lequel sont recensés les engagements des pays développés. A ce jour, dix-huit Etats ainsi que l’Union européenne ont transmis des informations.
Engagements des pays développés dans le cadre du financement Fast start
Pays
Engagement 2010-2012
Allemagne
1,26 milliard d’euros
Belgique
150 millions d’euros dont 42 millions pour 2010
Danemark
1,2 milliard de DKK dont 308 millions de DKK pour 2010
Espagne
375 millions d’euros
Finlande
110 millions d’euros
France
1,26 milliard d’euros, dont 420 millions d’euros pour 2010
Irlande
Jusqu’à 100 millions d’euros
Luxembourg
9 millions d’euros
Pays-Bas
310 millions d’euros
Portugal
36 millions d’euros
Royaume-Uni
1,5 milliard de livres
Slovenie
8 millions d’euros
Suède
800 millions d’euros
Commission européenne
150 millions d’euros
Engagement global de l’UE
7,55 milliards d’euros
Australie
582,7 millions de dollars pour l’année fiscale 2010-2011
Canada
389,2 millions de dollars pour 2010
Etats-Unis
1,7 milliard de dollars en 2010
Japon
15 milliards de dollars23
Norvège
357 millions de dollars pour 2010
Suisse
141,4 millions de dollars
TOTAL (Estimation octobre 2010)
28,34 milliards de dollars
Sources : site « faststartfinance » et World research institute.
Par ailleurs, l’Union européenne a présenté en juin 2010, lors de la session de négociations de Bonn, un rapport sur la mise en œuvre du financement Fast start. Elle rappelle que son engagement et celui des Etats membres s’élève à 2,4 milliards d’euros par an sur trois ans(24), ce qui représente le tiers des engagements des pays développés, et que ces engagements seront tenus puisque les engagements pour 2010-2012 s’élèvent à 7,55 milliards d’euros.
Pour 2010, 970 millions d’euros sont affectés aux actions d’atténuation et 561 millions d’euros à l’adaptation (le reste n’ayant pas encore été affecté). Environ 60 % des financements sont alloués par des canaux bilatéraux et 40 % par des canaux multilatéraux, les principaux étant le Fonds d’investissement pour le climat (208 millions d’euros), le Fonds pour l’environnement mondial (108 millions d’euros) et le fonds d’adaptation du protocole de Kyoto (56 millions d’euros). Plus de 60 % des aides bilatérales sont destinées à des pays africains. Enfin, 73 % des aides sont attribuées sous forme de subventions. L’Union européenne présentera un nouveau rapport lors de la conférence de Cancun puis des rapports annuels.
2. Un effort important de la France
L’engagement de la France s’élève à 1,26 milliard d’euros, soit 420 millions d’euros par an, dont 20 % seront consacrés à la lutte contre la déforestation. La France souhaite également qu’au moins 20 % des financements soient consacrés à des actions d’adaptation.
Les financements sont alloués par les instruments existants et inclus dans les allocations à ces instruments.
Canal de mise en œuvre
Montant triennal
Multilatéral
430 M€
Fonds pour l’Environnement mondial
95 M€
Fonds pour les technologies propres
335 M€
 
 
Bilatéral
830 M€
Fonds français pour l’Environnement mondial
50 M€
Agence française de développement
780 M€
Total
1 260 M€
Source : Ministère de l’économie.
La France souhaite utiliser à partir de 2011 le produit de la vente de l’excédent de crédits carbone dont elle dispose dans le cadre du protocole de Kyoto. Elle financerait ainsi des actions en faveur de la protection des forêts, pour un montant de 150 millions d’euros pour 2011-2012.
La contribution française comprendra des dons et des prêts concessionnels(25), finançant des actions nouvelles dans la perspective ouverte par l’accord de Copenhague.
Pour 2010, une vingtaine de projets sont financés à hauteur de 420 millions d’euros. On peut citer :
- une aide multilatérale : la contribution de la France au Fonds pour les technologies propres, qui s’élève à 203 millions d’euros comptabilisés sur 3 ans ; ce fonds doit financer à hauteur de 750 millions d’euros le plan solaire méditerranéen décidé dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée ;
- des financements bilatéraux : le prêt d’appui au gouvernement indonésien pour la mise en œuvre de sa stratégie nationale de lutte contre le changement climatique (142 millions d’euros), l’appui au développement des énergies renouvelables au Kenya (56 millions d’euros), le financement par le Fonds français pour l’environnement mondial du programme régional de gestion durable des terres en Afrique de l’Ouest, ainsi que du suivi de la ressource en eau dans le bassin du Congo.
3. Des débats entre pays en développement et pays développés sur la notion de financements nouveaux et additionnels
L’accord de Copenhague prévoit que le financement au titre du Fast start repose sur des ressources nouvelles et additionnelles. Malgré les efforts de transparence fournis par les pays donateurs, les pays en développement expriment leurs doutes quant au caractère nouveau et additionnel des financements par rapport aux budgets existants de l’aide au développement. Ils souhaitent que le financement Fast start fasse l’objet d’une décision à Cancun, afin de formaliser les engagements des pays développés et d’assurer un suivi. A l’inverse, les pays développés ne sont pas favorables à un tel encadrement des financements, en raison de leur caractère volontaire et de court terme et considèrent que la transparence est une garantie suffisante.
Le concept même de financements nouveaux et additionnels n’est pas interprété par tous de la même façon. Certains proposent de ne tenir compte que de l’augmentation des budgets annuels. La France souligne que cette approche a pour conséquence de pénaliser les Etats qui, comme elle, se sont engagés depuis longtemps dans la lutte contre le changement climatique. Elle y consacre déjà en effet 1 à 2 milliards d’euros par an. D’autres pays proposent d’exclure les financements au titre du Fast start de l’aide publique au développement. La France insiste sur la nécessité d’une approche globale dans laquelle l’action en faveur du développement est liée à la lutte contre le changement climatique. Elle indique qu’elle comptabilisera ses financements climatiques comme aide publique au développement s’ils en remplissent les critères.
B. Le défi du financement de long terme
L’accord de Copenhague est caractérisé par un renforcement très net des engagements financiers des pays développés en faveur de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement, avec le passage d’un ordre de grandeur en milliards à un ordre de grandeur en dizaines de milliards de dollars. Plusieurs estimations internationales des besoins avaient été réalisées antérieurement, notamment par le secrétariat de la CCNUCC, par la Banque mondiale et par la Commission européenne(26). Le chiffre de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 a été proposé par les Etats-Unis à Copenhague.
1. La nécessité de combiner différentes sources, dont des sources innovantes
L’accord de Copenhague prévoyait la création d’un groupe de haut niveau qui étudierait les sources possibles de financement et présenterait ses conclusions à la Conférence des Parties. Ce groupe consultatif, créé par M. Ban Ki-Moon, secrétaire général de l’ONU, en février 2010 a remis son rapport le 5 novembre dernier.
Le mandat du groupe de travail lui donnait pour mission d’examiner les moyens de renforcer les mécanismes existants mais aussi la possibilité de recourir à de nouvelles sources de financement pour atteindre l’objectif d’un financement de 100 milliards de dollars par an. Le groupe était à l’origine
co-présidé par M. Meles Zenawi, Premier ministre de l’Ethiopie et M. Gordon Brown, Premier ministre du Royaume-Uni. Lorsque celui-ci a quitté ses fonctions en mai 2010, il a été remplacé par M. Jens Stoltenberg, Premier ministre de Norvège. La composition du groupe est originale : il a réuni des chefs d’Etats et de gouvernement, des ministres (dont Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie), des hauts fonctionnaires, des experts, ainsi que des personnalités du monde de la finance (par exemple M. George Soros) venant de pays développés et de pays en développement.
Le groupe estime que l’objectif de 100 milliards de dollars par an est un défi mais qu’il est réalisable. Le rapport identifie quatre catégories de sources de financement et souligne la nécessité de combiner ces sources  :
Ø Le financement public, à travers des subventions ou des prêts avec un degré élevé de concessionalité
Le groupe estime que les contributions budgétaires directes devraient continuer à jouer un rôle déterminant, en dépit du contexte budgétaire difficile pour les pays développés. Certains grands pays émergents souhaitent privilégier ce mode de financement par rapport aux financements innovants.
Les nouvelles sources qui pourraient contribuer au financement public sont :
- les instruments fondés sur le prix du carbone dans les pays développés (instruments publics tels que revenus d’enchères sur les permis d’émissions, taxes carbone nationales, taxes internationales et marchés d’échange de quotas d’émissions). Le groupe de haut niveau estime qu’un prix du carbone de l’ordre de 20 à 25 dollars la tonne contribuerait significativement à l’objectif de financement de 100 milliards de dollars par an. Les enchères sur les permis d’émissions et les taxes carbone pourraient alors dégager un financement de 30 milliards de dollars par an.
Les marchés du carbone sont encore peu développés au plan mondial. Le marché européen est le principal, puisqu’il a représenté 83 % des transactions en 2009. Il ne couvre que 4 % des émissions mondiales mais il peut servir de modèle pour le développement de marchés du carbone nationaux ou régionaux. Aux Etats-Unis, la mise en œuvre d’un marché fédéral est retardée du fait des difficultés du processus législatif au Congrès mais l’Agence de protection de l’environnement envisage de créer un marché par voie réglementaire. La Nouvelle-Zélande, le Japon et la Corée du Sud ont fait état de leur volonté de créer des marchés du carbone.
On peut imaginer, si les marchés du carbone se développent au plan national ou régional, que ceux-ci soient reliés entre eux de façon à s’orienter vers un marché mondial. Lors de son audition, M. Benoît Leguet, directeur du pôle recherche de CDC climat, a souligné l’importance dans cette perspective de pérenniser un système de mécanismes de projets sous le contrôle des Nations unies, qui permettrait de faire le lien entre marchés et d’éviter des évolutions économiques divergentes.
Le rapport du groupe consultatif souligne qu’une coordination internationale des instruments fondés sur le prix du carbone, par exemple dans le domaine du transport international, pourrait permettre de dégager des ressources importantes (estimées à au moins 10 milliards de dollars par an) et recommande la poursuite des travaux dans le cadre de l’Organisation maritime internationale (OMI) et de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).
- une taxe globale sur les transactions financières, idée défendue par la France. Le groupe souligne que la part qui serait allouée à l’action pour le climat est une question politique. Une forte coordination internationale limiterait les distorsions de concurrence. Plusieurs difficultés liées à la création d’une telle taxe sont citées : le manque d’acceptabilité politique, l’incertitude de son effet sur les pays en développement. De nettes divergences existent sur l’opportunité de créer une telle taxe et différents points de vue se sont exprimés au sein du groupe de travail. Les revenus potentiels qui seraient liés à cette taxe, dont les contours restent à définir, ainsi que ceux résultant du redéploiement des subventions aux énergies fossiles, sont estimés à 10 milliards de dollars par an.
Le rapport écarte en revanche la possibilité de créer d’autres instruments, comme un fonds reposant sur des droits de tirage spéciaux du fonds monétaire international (FMI)(27).
Le débat sur la possibilité d’une taxe sur les transactions financières dépasse la question du changement climatique et doit s’inscrire dans la réflexion générale sur l’aide au développement et les objectifs du millénaire adoptés en 2000.
La réflexion sur les financements innovants en faveur du développement
A la suite de l’adoption des objectifs du millénaire, la notion de financements innovants en faveur du développement est apparue dans le débat international en 2002, lors de la conférence de Monterey.
Créée à l’initiative du président Chirac en 2006, la contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion est appliquée par un groupe de pays volontaires (le Chili, la Côte d’Ivoire, la France, la Corée du Sud, Madagascar, l’île Maurice et le Niger) qui allouent tout ou partie des revenus à une facilité internationale d’achats de médicaments (UNITAID).
Institué à Paris en février 2006, sous l’impullsion notamment de la France et du Brésil, le groupe pilote sur les financements innovants pour le développement a pour mission de :
- contribuer à l’émergence et à la diffusion de projets dans le domaine des financements innovants du développement ;
- promouvoir le principe des contributions de solidarité auprès des partenaires et dans les enceintes internationales ;
- développer le projet de contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion déjà mis en œuvre par un groupe de pays pionniers en vue de son élargissement à d’autres pays selon leurs possibilités ;
- examiner les modalités d’utilisation des recettes de la contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion pour des actions coordonnées et pérennes dans le domaine de la santé et du développement ;
En octobre 2009, un groupe de travail sur les transactions financières réunissant 12 pays a été créé dans le cadre du groupe pilote. A sa demande, un groupe d’experts a rédigé un rapport sur la faisabilité des différentes options de financements innovants, publié en juillet 2010(28). Ont été étudiées :
- une taxe sur les activités financières ;
- une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les services financiers ;
- une taxation large sur les transactions financières ;
- une taxe sur les transactions de change mono-devise collectée au niveau national ;
- une taxe sur les transactions de change multi-devises collectée de manière centralisée au niveau mondial.
Le rapport conclut que l’instrument le plus approprié serait une taxe mondiale sur les transactions de change et que la création d’une telle taxe est techniquement et juridiquement envisageable. Le rapport propose un taux de 0,005 %, qui ne devrait pas avoir d’effet significatif sur les transactions et permettrait de dégager 30 milliards de dollars par an.
L’Union européenne est favorable à une taxation mondiale du secteur financier et les conclusions du Conseil européen du 17 juin 2010 affirment que : « L’UE devrait jouer un rôle de premier plan dans les efforts consentis pour définir une stratégie à l’échelle de la planète visant à l’instauration de systèmes de prélèvements et de taxes sur les établissements financiers, en vue de maintenir des conditions égales pour tous au niveau mondial, et elle défendra vigoureusement cette position vis-à-vis de ses partenaires du G20. Il conviendrait de réfléchir à l’introduction d’une taxe mondiale sur les transactions financières et de faire avancer les travaux dans ce domaine. »
En revanche, les Etats membres sont divisés sur l’introduction d’une taxation uniquement au niveau européen. La Commission européenne recommande d’envisager une taxe sur les activités financières29, qui ciblerait les bénéfices et les rémunérations des sociétés du secteur financier. Le Conseil européen de décembre débattra des différentes options possibles.
Ø Les financements des banques de développement et du système des Nations unies
Le groupe estime que celles-ci pourraient contribuer à hauteur de 11 milliards de dollars par an en flux nets.
Ø les marchés de compensation carbone  : les flux financiers pourraient atteindre 30 à 50 milliards de dollars par an, soit 10 milliards de dollars de flux nets. Le groupe n’a pas pu adopter de position sur la prise en compte de ces flux dans l’objectif global de financement.
Ø les flux d’investissement privé, qui pourraient être encouragés par le financement public : 10 à 20 milliards de dollars par an pourraient être dégagés sur la base d’un prix du carbone entre 20 et 25 dollars la tonne.
Le tableau suivant récapitule les sources de financement potentielles et leurs contributions.
Sources de financement identifiées par le groupe consultatif de haut niveau sur le financement du changement climatique
Sources de financement
Montants estimés par an
(milliards de dollars)
Enchères sur les permis d’émission et taxes carbone
30
Contribution des secteurs maritime et aérien
Au moins 10
Taxe sur les transactions financières
10
Financements des banques de développement
11
Investissements privés
10 à 20
Marchés de compensation carbone
30 à 50
10 (flux nets)
La France, qui a participé activement au groupe de travail, insiste sur la nécessité de combiner différentes sources pour atteindre l’objectif de financement ambitieux défini dans l’accord de Copenhague. Elle indique sa préférence pour les mécanismes de taxation ou de marché de permis pour les émissions des secteurs maritime et aérien internationaux, le renforcement des marchés du carbone, les mécanismes susceptibles d’avoir un effet de levier sur les financements privés, la participation des institutions financières internationales et la création d’une contribution sur les transactions financières. Elle souhaite enfin une coordination internationale des financements.
2. Quelle architecture ?
L’accord de Copenhague prévoit la création d’un « Fonds vert » pour le soutien des actions de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement. Cependant, les contours de la future architecture financière internationale dédiée au climat ne sont pas encore connus. Des progrès ont été enregistrés lors des négociations de Tianjin et une décision lançant le processus de création du Fonds pourrait être prise à Cancun, si les divergences entre la position du G77 et celle des Etats-Unis sont surmontées. Le G77 voudrait en effet que le Fonds vert soit rattaché à la CCNUCC, tandis que les Etats-Unis souhaitent qu’il soit créé en dehors de celle-ci, sur le modèle du fonds climat de la Banque Mondiale.
La France souhaite une architecture décentralisée, fondée sur les institutions existantes (bilatérales, locales ou multilatérales), avec une coordination. Le Fonds vert interviendrait de façon complémentaire. L’AFD a formulé des propositions, elle soutient une organisation reposant sur trois mécanismes :
- un « schéma global d’assistance technique d’accompagnement des pays »
Ce mécanisme permettrait une aide aux pays en développement qui le souhaitent dans l’élaboration de leurs politiques en matière de climat. Des groupes thématiques d’experts seraient créés par secteur économique et des ressources financières nationales et internationales seraient allouées aux études, à l’assistance technique, au renforcement de capacités et à l’amorçage d’actions pilotes. La coordination serait assurée par les Nations unies.
- un « dispositif de collaboration financière ».
Une coordination des nombreux acteurs financiers (nationaux, internationaux, publics et privés) serait créée sous l’autorité des Nations unies. Elle prendrait en charge la présentation des demandes de financement, et permettrait la constitution de « pool » de financement diversifiés et adaptés à la demande.
- le Fonds vert de Copenhague pour le climat
Le Fonds vert pour le climat interviendrait en complément de l’action des différents acteurs financiers nationaux et internationaux. Il fonctionnerait sous l’égide de la convention climat et serait géré par un conseil exécutif assurant une représentation équilibrée des Etats du Nord et du Sud, ainsi que par un comité de crédit responsable de la décision sur les engagements financiers du fonds, constitué d’institutions financières nationales et internationales.
Le système serait ainsi rapidement opérationnel et permettrait une coordination des financements, ainsi qu’une cohérence avec les politiques des pays bénéficiaires.
3. Le soutien à l’adaptation et au transfert de technologies
Des décisions de la COP seraient possibles sur l’adaptation et le transfert de technologies, deux autres aspects du soutien aux pays en développement, même si lors de la session de Tianjin, le thème de l’adaptation a peu progressé, notamment parce qu’il est dépendant d’autres volets de la négociation (financement et atténuation).
Dans le domaine des technologies, les négociations visent à créer un mécanisme technologique, composé d’un comité technologique exécutif, d’un centre et d’un réseau climat. Cependant, les progrès enregistrés à Tianjin sont également modestes et certains sujets, comme le lien entre le mécanisme financier et le mécanisme technologique et les droits de propriété intellectuelle, posent difficulté.
IV. UN SYSTÈME INTERNATIONAL DE MESURE, DE NOTIFICATION ET DE VÉRIFICATION EST ESSENTIEL POUR GARANTIR L’EFFECTIVITE DES ENGAGEMENTS
Comme l’ont montré les négociations à Copenhague, la question du mécanisme de suivi, notification et de vérification des émissions et des actions (en anglais monitoring, reporting, verification ou MRV) est un enjeu important car elle conditionne la crédibilité et l’effectivité des engagements des Etats. Selon l’accord de Copenhague, « les réductions opérées et les moyens de financement fournis par les pays développés seront mesurés, notifiés et vérifiés conformément aux lignes directrices existantes et à celles que pourrait adopter la Conférence des Parties, la comptabilisation de ces objectifs et de ces moyens de financement devant être rigoureuse, fiable et transparente. »
Le protocole de Kyoto et les décisions prises par la Conférence des parties organisent le système actuel de notification et d’examen des informations fournies par les Etats de l’annexe I. Il prévoit que ces Etats mettent en place des systèmes nationaux d’estimation de leurs émissions par sources ainsi que des absorptions par les puits de carbone. La méthodologie de ces mesures est établie selon les recommandations du GIEC. Les Etats doivent soumettre annuellement leurs inventaires de gaz à effet de serre ainsi que leurs communications nationales, qui fournissent des informations sur le respect de leurs objectifs. Des équipes d’experts examinent ensuite ces documents. Les données ainsi établies servent de base aux calculs relatifs aux quotas pouvant être échangés, et aux mécanismes de projet.
Un système de registres permet de contrôler les unités de quantité attribuée détenues par chaque Etat. Les Etats tiennent des registres nationaux, tandis que le secrétariat de la CCNUCC tient un registre spécial pour le MDP.
Les négociations ont fait apparaître un certain consensus pour que le futur système de MRV des engagements des pays développés soit élaboré à partir du système existant dans le protocole de Kyoto. Cependant, cette question est étroitement liée à celle des engagements eux-mêmes, sur laquelle un accord à Cancun est peu probable.
Selon l’accord de Copenhague, seules les actions des pays hors annexe I qui bénéficient de financements internationaux devront être soumises à un mécanisme international de MRV, conforme aux lignes directrices adoptées par la Conférence des Parties. Ces règles ne sont pas encore définies. Les autres actions des pays hors annexe I seront mesurées et vérifiées au plan national, puis les résultats seront présentés tous les deux ans dans les communications nationales, « des dispositions étant prises en vue de consultations et d’analyses au niveau international selon des lignes directrices clairement définies permettant de respecter la souveraineté nationale. » Ces lignes directrices restent également à définir. La question du mécanisme de MRV est liée par les pays en développement à la souveraineté nationale, ce qui en fait un sujet difficile des négociations. En particulier, la Chine est très réticente sur cette question et la notion de consultations et d’analyses internationales est clairement une concession de sa part.
L’Union européenne souhaite un cadre commun de MRV pour tous les Etats, incluant un système de consultation et d’analyse internationale, et prenant en compte les responsabilités différenciées des pays développés et des pays en développement. Elle insiste sur la nécessité que les consultations et analyses internationales incluent l’application des méthodologies et lignes directrices, et qu’il y ait une transparence des informations transmises.
V. DES DECISIONS SUR L’ATTÉNUATION ET L’AVENIR DU PROTOCOLE DE KYOTO SERONT DIFFICILES A OBTENIR
Concernant les objectifs d’atténuation, les positions des Parties n’ont pas évolué par rapport à la Conférence de Copenhague. Il est donc peu probable que Cancun débouche sur une décision à ce sujet. Les objectifs communiqués à la CCNUCC par les pays de l’annexe I ne sont pas juridiquement contraignants et la dernière session de négociations à Tianjin n’a pas permis d’avancées sur leur transformation en objectifs de réduction quantifiés, c’est-à-dire en objectifs contraignants au sens du protocole de Kyoto. Par ailleurs, les pays en développement font de l’engagement des Etats développés dans une deuxième période du protocole une condition de leur propre engagement.
Or une décision sur l’avenir du protocole de Kyoto paraît également difficile à obtenir.
Depuis le début des négociations, deux groupes de travail ad hoc fonctionnent en parallèle : l’un dans le cadre de la Convention et l’autre dans celui du protocole de Kyoto. Lors de la conférence de Copenhague, les Parties ont décidé de prolonger le mandat des deux groupes, et donc de maintenir deux voies de négociation distinctes.
Il existe des divergences entre les pays de l’annexe I sur la possibilité d’une deuxième période d’engagement. Comme on l’a vu, l’Union européenne est prête à s’engager pour une deuxième période mais les Etats-Unis souhaitent un accord global incluant des objectifs de réduction des grands pays émergents. Le Japon a exprimé ses réserves quant à la possibilité de souscrire une nouvelle période d’engagement. Le Canada est également très réticent. Les pays en développement insistent au contraire sur l’importance du protocole de Kyoto comme cadre de l’engagement des pays développés.
Compte tenu du peu d’avancement des négociations, ainsi que de la procédure d’entrée en vigueur des amendements au protocole de Kyoto, il existe un risque de vide juridique à partir du 31 décembre 2012, date d’expiration de la première période d’engagement. Cette situation menacerait la continuité des instruments créés par le protocole, tels que le marché international du carbone et les mécanismes de flexibilité, mécanisme de développement propre (MDP) et mise en œuvre conjointe (MOC).
Une note du secrétariat de la CCNUCC de juillet 2010(30) recense les solutions juridiques envisageables pour éviter un hiatus entre la première période d’engagement et les périodes suivantes, lié à la procédure de ratification, et décrit quelles seraient les conséquences d’un tel hiatus. Elle rappelle que compte tenu de la procédure d’entrée en vigueur des amendements au Protocole, ceux-ci devraient être ratifiés par les trois quarts des Parties, soit 143 Etats avant le 3 octobre 2012. Si ces amendements étaient adoptés lors de la Conférence du Cap en décembre 2011, cela laisserait moins d’un an pour les procédures de ratification, qui incluent au plan interne une approbation par les parlements.
Plusieurs possibilités, comme une modification de la procédure, ou une application provisoire des amendements, sont évoquées pour permettre une entrée en vigueur plus rapide. Une prolongation de la première période d’engagement (la note cite la date de 2014) serait possible, et celle-ci pourrait s’appuyer sur une décision de la Conférence des parties, qui constituerait un engagement politique. Les Parties devraient alors décider s’il y a lieu de recalculer les objectifs des Etats de l’annexe I.
Le document précise que « le protocole de Kyoto est un accord qui prévoit un ensemble d’institutions et d’engagements pour une période indéfinie, même si les objectifs chiffrés de limitation et de réduction des émissions des Parties visées à l’annexe I sont fixés période d’engagement par période d’engagement. Les institutions et les obligations découlant du protocole ne pâtiraient donc pas toutes d’un hiatus entre ces deux périodes ». Au-delà du 1er janvier 2013, les engagements chiffrés des Etats de l’annexe I ne s’appliqueraient plus. En revanche, le secrétariat de la CCNUCC estime que la question de l’avenir des mécanismes de projet (mise en œuvre conjointe et mécanisme de développement propre) en cas de hiatus entre les périodes d’engagement relève de l’interprétation de la conférence des Parties. Il considère que la possibilité de continuer à procéder à des échanges de drois d’émission n’est pas certaine, compte tenu de l’absence d’engagements de réduction des émissions.
Si une deuxième période d’engagement était décidée, une autre question se pose, celle de l’intégrité environnementale du protocole. Du fait de l’effondrement de l’ancien bloc soviétique, une grande quantité de crédits d’émissions alloués dans le cadre du protocole de Kyoto (« unités de quantité attribuée ») n’ont pas été utilisés par les Etats membres d’Europe centrale et orientale, et les Etats tiers comme la Russie et l’Ukraine. On estime que fin 2012, 10 milliards d’unités de quantité attribuée resteront inutilisées. Leur report après 2012, et donc la possibilité de les vendre sur le marché international du carbone, pourrait considérablement affaiblir les engagements des Etats en matière de réduction et de limitation des émissions et réduire la portée du futur accord. La Commission européenne, dans sa communication précitée du 9 mars 2010, souligne que les engagements des pays développés seraient alors réduits de 6,8 % par rapport à 1990 : ils ne seraient plus de 13,2 à 17,8 %, ce qui est déjà insuffisant pour l’objectif de 2°C, mais de 6,4 à 11 %.
Les règles de comptabilisation des émissions pour les secteurs du boisement, du déboisement, du reboisement et de la gestion des forêts menacent également l’intégrité environnementale du protocole de Kyoto. Elles permettent aux Etats de l’annexe I de comptabiliser les flux nets sans les comparer à ceux d’une année de référence, comme c’est la règle pour les autres émissions. Bien que le volume des absorptions résultant de la gestion des forêts soit plafonné, leur prise en compte selon la méthode actuelle de comptabilisation a pour effet de réduire l’effort global de réduction des émissions des Etats concernés. Si elles sont appliquées de façon extrême, la Commission européenne estime qu’elles peuvent réduire l’ambition des pays développés de 9 % par rapport à 1990.
Enfin, il faudra définir quel peut être l’avenir des mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto. L’Union européenne est favorable à une réforme du mécanisme de développement propre (MDP), permettant d’améliorer son intégrité environnementale, son efficacité, sa gouvernance et la répartition géographique des projets, qui bénéficient actuellement essentiellement aux grands pays émergents(31). L’Union souhaite que les pays les moins avancés puissent bénéficier du MDP et demande la création de mécanismes sectoriels, notamment dans les pays émergents.
CONCLUSION
Les défis de la conférence de Cancun sont donc réels. Il faut espérer que les risques de blocage sur la notion centrale d’équilibre seront surmontés et que des décisions concrètes pourront effectivement être prises. Dans un tel contexte, le rôle du Mexique, pays hôte de la Conférence pourrait être déterminant. Les conclusions du Conseil « Environnement » du 14 octobre 2010 l’invitent d’ailleurs à prendre toutes les initiatives nécessaires dans la préparation et le déroulement de la conférence. La tâche est délicate, la responsabilité du Danemark ayant été mise en cause lors de la conférence de Copenhague. Les pays en développement ont insisté à Tianjin sur la nécessité d’avoir un processus piloté par les parties. Le Mexique peut en tout état de cause agir comme facilitateur dans les négociations.
Cancun ne sera qu’une étape dans la définition du futur cadre international de la lutte contre le changement climatique, mais nous devons absolument réussir cette étape.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
La Commission s’est réunie le 23 novembre 2010, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.
L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.
« Le Président Pierre Lequiller. Je voudrais remercier les deux rapporteurs pour leur excellence maîtrise du sujet et souhaite qu’ils continuent leurs travaux.
M. Jacques Myard. Je serai un peu moins pessimiste que les rapporteurs. Quand on regarde les conceptions même que vous défendez et l’impact qu’elles ont sur la communauté internationale, si l’on n’obtient rien à court terme, quelque chose va progressivement se dessiner à long terme. En revanche, la paralysie de l’Europe est patente alors que l’institution de la taxe carbone aux frontières aurait sans doute un effet déclencheur radical, notamment sur la Chine car elle serait un instrument très efficace contre le « dumping environnemental ». Cela serait à relier avec ce qui va se passer en termes monétaires. La France a donc tout intérêt à pousser dans ce sens mais elle aura sans doute à vaincre les réticences des industriels du CAC 40 qui sont des investisseurs actifs en Chine.
M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Nous sommes tout à fait d’accord avec cette idée. Mais l’idée de cette taxe n’est pas mûre au sein de l’Union européenne où les positions sont divergentes. Ainsi la Commission européenne n’y est pas favorable ; de même, elle ne fait pas l’unanimité parmi les vingt-sept Etats membres. Mais petit à petit on progresse sur cette idée de rééquilibrage plus juste et il est possible qu’un jour l’on y parvienne. En tout état de cause, il s’agit d’un axe que l’on doit continuer de tenir, ce que fait la France. Par ailleurs, il faut avancer en matière de forêts sur les thèmes de la lutte contre la déforestation et des financements innovants. Enfin, les progrès se poursuivent sur les nouvelles technologies. Pour le captage et le stockage du carbone (CSC), l’Europe a décidé de la mise en service, à l’horizon 2015, de démonstrateurs pour lesquels des financements ont été avancés. La technologie du CSC est, selon nous, capitale pour l’avenir car 50 % de l’électricité des Etats-Unis provient du charbon et ce pays a des réserves pour 250 ans. En Chine, une centrale à charbon s’ouvre chaque semaine. Les Etats-Unis et la Chine travaillent aussi sur le CSC et l’Europe doit continuer à innover sur ce sujet.
L’Union européenne a suscité beaucoup d’espoir en 2008 à travers la directive énergie climat sur laquelle nous avions fait un premier rapport . Avec la règle des trois fois vingt, l’Europe faisait figure de leader et on a alors cru qu’elle pourrait avoir un poids important voire décisif dans les engagements de Copenhague. Or il n’en a rien été du fait du blocage des Etats-Unis et de la Chine qui représentent à eux deux 40 % des émissions de gaz à effet de serre. Il faut donc essayer d’amener dans nos filets ces pays qui n’ont pas d’engagements contraignants dans le cadre du Protocole de Kyoto mais qui nous assurent qu’ils ont leurs plans nationaux de réduction de leurs émissions et qu’à l’horizon 2030-2040, leurs courbes rejoindront celles des pays européens. Nous en acceptons l’augure ! Ce sujet est complexe et passionnant.
M. Philippe Tourtelier. Je partage vos analyses. Le problème est de savoir où l’on place le curseur de l’optimisme et du pessimisme… Je me montrerai sans doute plus pessimiste que les rapporteurs. Ainsi l’une des raisons de l’échec de Copenhague est liée au non-respect des engagements financiers des pays développés. Sur les financements précoces, les choses ne sont pas claires. A l’occasion de son audition par plusieurs membres de notre commission, la commissaire européenne, Mme Connie Hedegaard, avait indiqué que les financements seraient en partie additionnels alors que Jean-Louis Borloo avait dit que ce ne seraient pas des financements additionnels. Si l’on examine le budget français consacré à l’aide au développement, il est bien difficile de discerner ce qui est additionnel ou pas. Nous risquons de ne pas être plus crédibles qu’à Copenhague. Ceci dit, le risque d’être déçu est moindre dans la mesure où la barre n’est pas placée très haut ! Ainsi, quand la nouvelle directrice exécutrice de la convention climat, Mme Christiana Figueres, dit que Cancun servira à définir le « socle commun des négociations futures », on voit qu’on est très prudent sur les résultats attendus !
Par ailleurs, l’Europe va-t-elle parler d’une seule voix et quelle sera-t-elle ? Celle, comme le voudrait la logique institutionnelle, de la Haute représentante qui , pour l’heure ne s’est pas exprimée sur le sujet et qui semble à l’écart de la négociation ? Celle de la commissaire ? Celle de la présidence belge ? Des risques de cacophonie pourraient être accentués par le fait que certains Etats seront tentés par un jeu personnel. Ainsi quand M. Jean-Louis Borloo a voulu se rapprocher du Brésil et de l’Afrique, cela s’est fait sans concertation avec les autres Etats membres et ces initiatives n’ont pas été valorisées à Copenhague. Les pays vont-ils négocier séparément ou pour le compte de l’Europe ?
Sur le fond, des problèmes se posent, notamment sur la forêt même si c’est le domaine sur lequel on a le plus avancé. Ainsi, quelle définition donner de la forêt ? L’accord de Marrakech de 2001 sur le mécanisme de développement propre inclut les plantations. Si l’on retient cette définition, cela reviendrait à financer les plantations qui fournissent l’huile de palme, responsables d’une grande partie de la déforestation. Un autre enjeu politique n’est pas réglé, celui des scénarios de référence : va-t-on aider les pays à reboiser au détriment des pays vertueux qui ont préservé leurs forêts ? Par ailleurs, doit-on considérer la forêt du bassin du Congo dans son ensemble ou dans ses entités nationales, ce qui pose le problème de la responsabilisation des Etats ? S’agissant des financements, l’Union européenne avait dans un premier temps refusé une taxe intérieure sur les transactions financières. La commission de l’environnement du Parlement européen a proposé une taxe de 0,01 %, ce qui équivaudrait à 20 milliards par an. Ce projet va être soumis cette semaine au Parlement européen et ce serait pour l’Union européenne une occasion de retrouver une crédibilité en tant que leader.
Il faudrait aussi avancer sur la structure juridique du Fonds vert sur laquelle la position de l’Europe n’est pas claire. Quel type de gouvernance adopter ? Une gouvernance à l’image de la Banque mondiale ou une gouvernance spécifique qui donnerait plus de poids aux pays en développement pour décider de l’utilisation des fonds ? Tous ces sujets sont éminemment politiques.
Le protocole de Kyoto n’est qu’un symbole dans la mesure où il n’y a pas de sanctions. A partir du moment où l’Union européenne a adopté le paquet énergie-climat, elle va continuer dans ce sens. Elle garde sans doute « dans sa manche » comme un argument de négociation, le passage de 20 à 30 % de réductions des émissions, pour montrer qu’elle y croit. On pourrait techniquement avancer à Cancun sur le renforcement de la structuration des mécanismes de vérification. Le principe des déclarations volontaires a été acté à Copenhague et l’ONU a les moyens techniques de leur vérification. Cela peut être l’occasion de constituer un socle commun afin de donner de la crédibilité aux engagements des Etats et de préparer la suite. Les résultats de Cancun ne seront sans doute pas grandioses mais l’Europe peut saisir cette occasion pour jouer un rôle sur la scène internationale et de modifier sa façon de négocier. Mais j’avoue quelques inquiétudes sur ce dernier point…
M. Yves Bur. Quelles seront les avancées à Cancun dans la mesure où peu de choses ont changé depuis Copenhague ? L’Union européenne a essuyé là un véritable échec par rapport à ce que celle-ci pensait obtenir. Les leçons en ont-elles été tirées ? On n’a pas beaucoup avancé non plus en matière de gouvernance, qui va diriger les négociations maintenant ?
M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Ce sera la présidence belge.
M. Yves Bur. Est-ce que la situation de Copenhague, chaque Etat menant ses propres négociations en fonction d’impératifs de politique intérieure, va se reproduire ?
Je suis plutôt pessimiste car les décisions se prendront en dehors de l’Union européenne qui va perdre son exemplarité et toute capacité d’entraînement. Les innovations en matière d’environnement progressent partout dans tous les Etats se souciant de ce problème. Ainsi, en matière d’économies d’énergie, les Etats-Unis et la Chine sont très en pointe, la Chine pouvant devenir le pays le plus avancé dans ce domaine. Il faut donc tirer les conclusions de cet échec de Copenhague pour que l’Union européenne retrouve des moyens d’action.
Enfin il faut tenir compte de la confiance des citoyens envers la capacité d’action de l’Union européenne. Celle-ci a été très décevante en matière de gouvernance financière et risque de l’être autant dans le domaine de l’environnement.
M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. J’acquiesce en partie à cet avis mais ne suis personnellement ni optimiste ni pessimiste. Il faut être réaliste mais une ou quelques avancées seront peut-être possibles à Cancun, sans qu’on sache encore lesquelles.
La difficulté est que le premier semestre de 2010 a été atone après l’échec de Copenhague, les activités ayant repris aux conférences de l’été dernier, à Bonn et à Tianjin, où des oppositions se sont manifestées. Nous allons bientôt rencontrer de nouveau M. Brice Lalonde, ambassadeur chargé des négociations internationales sur le changement climatique afin d’avoir une vision actualisée de la situation. Il faut être moins sévère pour l’Europe même si un effort continu doit être fait dans le domaine des technologies car la Chine et les Etats-Unis investissent beaucoup dans les technologies vertes. La prudence s’impose car lorsqu’ils seront prêts, ils reviendront sur la scène internationale et pourront ainsi nous imposer leurs normes. Il faut donc rester mobilisés.
Il ne faut pas reproduire la situation de Copenhague et il est nécessaire de prêter plus d’attention aux points de vue des scientifiques qui ont été oubliés. Les engagements actuels ne permettent pas de respecter l’objectif des 2° qui avait été fixé à Copenhague. Cependant, chaque Etat a publié sa feuille de route dès le mois de janvier de cette année comme cela avait décidé : ce fragile accord de Copenhague a donc été tenu.
M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. Plusieurs écoles sont en présence pour organiser l’architecture financière. L’Union européenne, comme l’a décidé le Conseil environnement de la mi-octobre, souhaite s’appuyer sur les institutions existantes et le Fonds vert à la convention climat.
Je partage les inquiétudes de M. Tourtelier concernant la définition de la forêt qui sera adoptée. Il n’y a pas de réponse pour l’instant, elle sera dans l’accord final qui n’est pas présigné d’avance.
Le Président Pierre Lequiller. Je vous félicite pour votre très important travail. Il me semble important que vous puissiez continuer à assurer, au nom de notre Commission, le suivi des négociations climatiques, au-delà de la conférence de Cancun.
Puis la Commission a approuvé la proposition de conclusions dont le texte figure ci-après.
CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION
La Commission,

Vu les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010,
Vu les conclusions du Conseil « Environnement » du 14 octobre 2010,

Vu la communication de la Commission européenne du 9 mars 2010 « Politique internationale en matière de climat après Copenhague : agir maintenant pour redynamiser l’action mondiale contre le changement climatique » (COM (2010) 86 final),

Vu la communication de la Commission européenne du 26 mai 2010 « Analyse des options envisageables pour aller au-delà de l’objectif de 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre et évaluation du risque de fuites de carbone » (COM 2010 (265) final),
1. Regrette que, compte tenu de l’évolution des négociations internationales sur le changement climatique, les conditions de l’adoption d’un traité international susceptible d’entrer en vigueur le 1er janvier 2013, date d’expiration de la première période d’engagement du protocole de Kyoto, ne soient toujours pas réunies ;
2. Souhaite que la conférence de Cancun sur le changement climatique qui se tiendra du 29 novembre au 10 décembre 2010 permette l’adoption d’un ensemble de décisions équilibré mettant en œuvre concrètement les principes de l’accord de Copenhague et permettant d’avancer dans la définition du futur régime mondial de lutte contre le changement climatique ;

3. Considère que ces décisions devraient permettre des progrès tant dans le domaine des engagements de réduction des émissions des Etats et de leur contrôle international, que dans celui du soutien apporté par les pays développés aux actions de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement ;

4. Demande en particulier une décision sur la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD+), ces activités étant responsables de 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre ;

5. Souligne le risque de hiatus entre l’expiration de la première période d’engagement du protocole de Kyoto et l’adoption d’un accord international sur le climat et insiste sur la nécessité que la conférence de Cancun fixe un calendrier, dans la perspective de la Conférence du Cap qui se tiendra en décembre 2011 ;

6. Approuve la position de l’Union européenne, qui a indiqué qu’elle était prête à s’engager dans une deuxième période au titre du protocole de Kyoto, dans un cadre global engageant toutes les grandes économies, en rappelant sa préférence pour un traité juridiquement contraignant ;

7. Se félicite que les Etats responsables de 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre aient transmis leurs objectifs de réduction mais souligne que le niveau d’ambition est insuffisant pour atteindre l’objectif de limitation à 2°C du réchauffement climatique recommandé par le groupe d’experts intergouvernemental sur le changement climatique (GIEC) et fixé par l’accord de Copenhague ;
8. Souligne l’effort déjà très important de l’Union européenne dans le cadre du paquet énergie-climat et approuve le fait que celle-ci continue à examiner les options possibles pour aller au-delà de son objectif de 20 % de réduction des émissions, tout en reconnaissant que les conditions d’un passage à 30 % ne sont pas réunies actuellement ;

9. Rappelle l’intérêt que présenterait la mise en œuvre d’un mécanisme d’inclusion carbone (MIC) ou « taxe carbone aux frontières », tant au plan économique, car il permettrait d’assurer des conditions de concurrence équitables, qu’au plan environnemental, car il éviterait un déplacement des émissions vers les pays ayant les normes les moins exigeantes ;

10. Estime que le financement des actions de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement est essentiel et souhaite la poursuite de la mise en œuvre des engagements des pays développés dans le cadre du financement de court terme décidé à Copenhague pour la période 2010-2012 (dit financement Fast start), l’effort de transparence sur la mise en œuvre des financements devant également perdurer ;

11. Considère qu’il est urgent de définir les sources du financement de long terme, pour lequel l’accord de Copenhague fixe un objectif de de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020, qui devront inclure des sources privées et publiques ;

12. Insiste sur le rôle que pourraient tenir les financements innovants, et en particulier une taxe internationale sur les transactions financières, et souhaite que ce sujet soit porté au plus haut niveau politique international.
 

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