Renforts policiers à Marseille

22/08/2013 à 07h35, Auteur : rédac-rss // Actualités-vie pratique

Jean-Marc Ayrault a annoncé lors d’une conférence de presse à Marseille, mardi 20 août, l’affectation de 24 policiers supplémentaires de la police judiciaire et d’une brigade de CRS, qui viendra immédiatement renforcer les trois déjà présentes. Le Premier ministre a également évoqué l’avenir de Marseille.

 

Déclaration intégrale de Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Mardi 20 août 2013, Marseille

 

Monsieur le préfet, messieurs les préfets, mesdames et messieurs les directeurs, monsieur le procureur général, monsieur le procureur, Mon général, mesdames, messieurs, hier, nous parlions de l’avenir de la France. Nous parlions de l’urgence ; nous parlions de l’action à moyen terme, la nécessité de se doter d’un projet d’avenir. Aujourd’hui, accompagné de plusieurs ministres, la garde des Sceaux, Christiane Taubira, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, mais aussi Cécile Duflot et Marisol Touraine qui ont été obligées de repartir plus tôt, et Marie-Arlette Carlotti, je suis venu vous parler de l’avenir d’une ville, d’une cité, Marseille. Les deux sont liés : il y a urgence et il y a le projet.

 

Monsieur le préfet, messieurs les préfets, il y a un peu moins d’un an, le 6 septembre 2012, j’ai réuni un Comité interministériel à Matignon entouré de nombreux ministres, et nous avons décidé d’une stratégie, d’une ambition pour Marseille et la métropole marseillaise. Nous y sommes ! Et si je suis venu aujourd’hui, plus tôt que je ne l’avais pensé puisque j’avais envisagé de venir à la fin du moins d’octobre – mais j’y reviendrai, je reviendrai sur les raisons pour lesquelles je veux revenir à Marseille – je voudrais d’abord vous parler de l’urgence.

 

Et l’urgence c’est ce à quoi nous nous sommes attaqués de toutes nos forces depuis maintenant à peu près un an, c’est la question de la sécurité. Il n’y a pas d’avenir pour n’importe quelle société que ce soit, s’il n’y a pas de sécurité des biens et des personnes. Cette question, nous ne nous la posons pas ! C’est une évidence ! C’est une exigence, légitime, des citoyens français, qu’ils soient à Marseille ou ailleurs ! Mais il y a à Marseille, depuis de longues années, des problèmes particuliers qui ont nécessité que nous adoptions une stratégie. Cette stratégie, elle est en œuvre ! Il y a eu des drames ces derniers jours, des homicides, ce jeune homme qui allait chercher quelqu’un à la gare et qui, par hasard, se trouve assassiné. Et puis encore un autre dans une rixe ; et puis les auteurs présumés qui s’en vont à l’hôpital et qui s’en prennent à l’infirmier parce qu’ils ne sont pas soignés assez vite et surtout ils ne veulent pas montrer leurs papiers ! C’est pourquoi j’ai tenu à me rendre ce matin, enfin... pardon, ce midi, d’abord à l’hôpital, pour rencontrer les personnels de l’hôpital de la Conception qui sont en première ligne au service des urgences.

 

Dans tous les Services des urgences de France, il y a de l’agressivité, il y a des violences. Mais dans les urgences, là où arrivent tous ceux qui ont besoin de soins, envoyés par un médecin, envoyés par les pompiers, envoyés par un ambulancier, ou venant de leur propre gré parce qu’ils n’ont rien trouvé d’autre pour se soigner, c’est vrai que le reflet de la société est là. Et plus la société est violente, plus elle est agressive, plus les services des urgences le sont. Et c’est cette situation que nous connaissons. J’ai vu des professionnels auxquels j’ai rendu hommage, un infirmier qui n’était pas là parce qu’il faut qu’il récupère après avoir été agressé, que je voudrais saluer pour son sens du service public, j’ai vu des hommes et des femmes qui croient à leur métier, qui croient à leur mission de soigner et qui ne veulent pas y renoncer, mais qui m’ont dit : "Nous voulons travailler en toute sécurité. Nous voulons que nos patients soient aussi soignés en toute sécurité". Eh bien c’est parfaitement légitime.

 

Demain aura lieu une réunion avec le directeur de l’Agence régionale de santé, avec le directeur général de l’hôpital, les représentants des collectivités locales, principalement la Mairie de Marseille, et bien entendu, les médecins, les responsables des urgences et vous-même, Monsieur le Préfet, et le préfet de Police Bonnetain. Pour trouver des solutions d’urgence, rapides, mais pour inscrire aussi une nouvelle dynamique, pour garantir cette sécurité des personnels et des patients dans le nouveau projet qui est en cours de réorganisation des urgences avec l’hôpital de la Timone. Là, il faut aussi concilier les deux : l’urgence et le projet !

 

Et s’agissant de la sécurité à Marseille, on me demande : "Alors, vous êtes venu parce que ça ne marche pas ?"… Vous croyez que par un coup de baguette magique, on va résoudre les problèmes d’une telle nature, d’une telle ampleur, d’une telle profondeur ? Non. Mais par contre nous nous y sommes attaqués à bras-le-corps. Nous avons non seulement décidé d’une politique pénale, par une circulaire de la garde des Sceaux, adaptée à la situation spécifique de Marseille, et nous avons dégagé les moyens pour la Magistrature.

 

Nous avons dégagé les moyens pour la Police, pas seulement la Police sur l’espace public, mais aussi la Police d’investigation, la Police judiciaire. Ce sont 230 affectations supplémentaires qui ont été accordées à Marseille. Et tout cela, parce que nous en avons fait le choix, le 6 septembre dernier, le choix prioritaire ! Il faut des mois pour mettre en œuvre tout cela, pour former les personnels ! Et parfois quand ils ne sont pas formés, les prélever sur d’autres lieux ! Nous avons décidé – c’est une des priorités du président de la République – pour le secteur de la Justice, de la Police et de la Gendarmerie, de créer des postes supplémentaires par an, c’est un des secteurs qui est le plus bénéficiaire de ces créations de postes. Eh bien les personnels arrivent ! Ils arrivent peu à peu, formés, et c’est pour ça que j’ai décidé, avec l’accord du ministre de l’Intérieur, d’affecter à Marseille 24 policiers supplémentaires de la Police judiciaire pour faire de l’enquête, de l’investigation, apporter des réponses, trouver les coupables et les remettre à la Justice pour qu’ils soient sanctionnés. Et puis immédiatement, demain matin, une CRS supplémentaire aux 3 qui existent déjà et fidélisées sera présente sur l’espace public. Non pas parce qu’on découvre le problème, mais pour adresser à nouveau un message de mobilisation et de confiance.

 

J’ai dit que nous avions adopté une stratégie. Mais ça veut dire que la Police – monsieur le directeur départemental je vous en félicite – la Gendarmerie – Mon général, je vous en remercie – sont mobilisés pour se réorganiser ! Ces fameuses zones prioritaires de sécurité (sic) que vous avez mises en œuvre tous les deux – vous êtes venus là souvent et vous y reviendrez, et je vous invite à y revenir, c’est nécessaire que les ministres aillent sur le terrain et ils le font. Je les félicite et je les en remercie – mais ces ZSP, ça ne s’improvise pas ! C’est une nouvelle organisation, un travail différent entre la Justice, le Parquet et la Police, la Gendarmerie, avec les acteurs des autres services publics locaux, avec les élus locaux ! C’est qu’on fait de l’investigation, on ne fait pas simplement de la présence ! Et donc ça, c’est en place pour les quartiers Nord comme pour les quartiers Sud. Mais sans oublier le centre-ville, avec une nouvelle organisation de la présence policière et qui obtient des résultats.

 

Les résultats sont là. Est-ce qu’ils sont suffisants ? Bien sûr que non, par rapport à la demande sociale. Il faudra persévérer, il faudra aller plus loin mais quand vous voyez les atteintes aux personnes baisser de près de 74 % depuis le début de l’année, des atteintes aux biens de près de 9 %, les vols avec violence, de moins 18%, les cambriolages de moins 20 %, s’agissant du centre-ville, les résultats sont encore meilleurs – je pense par exemple à ces fameux vols d’arrachage des colliers qui est une spécialité marseillaise – on est à plus de 60 % de baisse. Vous me direz "est-ce que ça suffit ?"… Non. Mais la baisse de la délinquance, de la petite délinquance, de la délinquance de rue, de la délinquance qui pourrit la vie des gens est en baisse. Par contre, les homicides, il y a une réduction, si on fait des comparaisons mais moi, je ne veux pas faire des comparaisons d’une année à l’autre, il faut s’attaquer à la racine du mal ! C’est ce que nous sommes en train de faire.

 

Quelqu’un a dit tout à l’heure – et je ne sais plus, plusieurs élus l’ont dit – que c’est la première fois que l’Etat – Police, Justice – s’intéressait au quartier de la Castellane, c’est un quartier célèbre. C’est vrai ; je m’y suis rendu il y a quelques années, je n’étais pas Premier ministre. J’ai vu un quartier plutôt calme. En parlant avec les jeunes, avec les familles, j’avais eu le sentiment – mais ce n’était pas qu’un sentiment, c’était une impression – d’abandon ! Il n’y avait rien, pas de services publics, même pas une salle pour se réunir ! J’imagine pour l’emploi des jeunes, j’imagine pour l’Education. Mais c’est un quartier qui apparaissait assez calme. Et si l’Etat que nous représentons se limite à cela, en disant "mais c’est calme, il n’y a rien à faire", alors nous ne sommes pas à la hauteur de nos responsabilités ! Parce que nous savons que ça cache une réalité souterraine qui est celle du trafic de drogues ! Et quand le trafic de drogues s’est emparé d’un quartier, ou lorsqu’il s’empare d’une ville, alors vous verrez le silence, vous verrez la prudence, parce qu’évidemment, ceux qui l’organisent et qui en bénéficient, en sont les bénéficiaires, font tout pour qu’il n’y ait pas de vagues et qu’on ne vienne pas les déranger. Eh bien aujourd’hui, s’il y a ces règlements de comptes, c’est en partie parce que le travail de la Police et de la Justice est en train de porter ses fruits et parce que nous dérangeons. Comme je le disais tout à l’heure, "nous sommes en train de secouer le cocotier" ! Et à la Castellane, il y a eu des résultats. Et l’opinion publique française a pu voir qu’il y avait, dans certaines armoires, des centaines de milliers d’euros, même 1,3 million d’euros en billets, ce n’était pas de l’argent gagné normalement, c’était l’argent du trafic ! C’est à cela que nous voulons nous attaquer. Et nous allons réussir.

 

Mais nous ne le ferons pas, je le répète encore une fois, en quelques mois, c’est un travail en profondeur. Pourquoi ces rapports en Police judiciaire ? Parce que c’est là qu’il faut agir. Et donc on dérange ! "On secoue le cocotier", et on s’attaque au portefeuille ! Ca fait longtemps qu’on le dit, qu’on l’écrit qu’il faudrait s’attaquer aux signes extérieurs de richesse d’un certain nombre de gens qui vivent… Mais encore certains s’en cachent, d’ailleurs leurs signes extérieurs de richesses sont discrets, ils mettent leur argent plutôt ailleurs par des systèmes de blanchiment. C’est pourquoi TRACFIN n’a jamais été autant mobilisé. C’est pourquoi la Douane n’a jamais autant mobilisé. C’est pourquoi la Police de l’air et des frontières n’a jamais été autant mobilisée ; pour surveiller aussi bien les aéroports mais aussi bien au niveau du portuaire ! Parce que Marseille, c’est donc aussi un port. Donc ce travail est en cours. Il va se poursuivre et il se fera avec force, détermination, sans aucune faiblesse, je le dis ici devant vous. Les moyens qui vont être mis à disposition et qui vont arriver sont là pour renforcer, mesdames et messieurs, votre travail. Et je crois que vous pouvez être fiers de ce que vous faites. C’est difficile, mais il faut que les Français sachent, il faut que les Marseillais sachent que vous le faites avec courage et avec compétence, avec professionnalisme, avec la volonté d’aller devant, y compris avec la population, même lorsque la population légitimement crie sa colère, son exaspération, son impatience. Et vous allez au contact, vous échangez, en présence des élus et je vous en remercie et je vous encourage à continuer.

 

Mais je crois à la réussite de cette ville. C’est aussi l’autre message que je voudrais adresser. Lorsque je suis venu, après la réunion du Comité interministériel, j’ai rencontré un certain nombre d’élus. Lorsque je reviendrai en octobre, c’est pour négocier un contrat de projet pour la métropole marseillaise. Je vois tous ces gens, Jean Viard l’expliquait très bien tout à l’heure, qui sont venus du monde entier pour voir Marseille changer, capitale européenne de la Culture, moi j’étais venu la lancer, c’était le président de la République qui devait le faire, mais c’était le jour où nous avons engagé, où il a engagé les Forces françaises au Mali. Il est revenu depuis, à l’inauguration du MuCEM, et on voit la fierté des Marseillais, pas seulement des gens de Marseille, du pays provençal, de toute cette région, parce qu’on a besoin de fierté pour réussir et pour avancer dans n’importe quelle entreprise, pour soi-même, pour une collectivité, pour une ville, pour une nation ! Et donc c’est pourquoi je fais le lien entre le projet français et le projet marseillais, car Marseille est une ville qu’on aime, une ville qui a son histoire, qui a son identité, sa spécificité, et qui peut jouer un rôle extrêmement important pour l’avenir de notre pays où justement, nous avons besoin de métropoles fortes, mais qui règlent leurs problèmes, qui portent les projets, qui créent de la dynamique et qui permettent à ceux qui vivent là, qui habitent là, de voir un chemin pour eux ou pour leurs enfants.

 

Donc je reviendrai, mais pas pour parler théorie ! L’Assemblée nationale a voté dans les mêmes termes que le Sénat, le projet de loi portant sur la création d’une métropole à l’échelle de Marseille-Provence-Aix. Il faut prendre ça comme une chance ! Bien sûr qu’il y a des habitudes à changer, des craintes sans doute qui s’expriment, mais moi, je ne viens pas là pour déranger, je viens là pour mobiliser, et j’appelle chacune et chacun, au-delà de leur sensibilité politique, à écouter la société civile, les hommes et les femmes des associations, des entreprises, des écoles, des services publics, de l’université, qui ont envie de s’engager pour la réussite de ce territoire. Et je viendrai avec des propositions sur les déplacements, les transports, sur la rénovation urbaine, sur l’éducation, sur la lutte contre l’exclusion et le décrochage scolaire, pour l’emploi des jeunes ! Il y a des opportunités à saisir. Je le vois bien, ici les emplois d’avenir, il pourrait y en avoir davantage ! N’attendez pas que je revienne au mois d’octobre ! Signez les contrats ! Encouragez ceux qui veulent les proposer à la jeunesse !

 

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