Refonte de l’ école

2/04/2013 à 02h11, Auteur : rédac-rss // Emploi, formation, école

Après les mesures d’urgence que le gouvernement a su prendre dès l’été 2012, après le signal puissant donné avec la création des emplois d’avenir professeur, c’est aujourd’hui par la refondation de l’école que se concrétisent les engagements présidentiels et votre engagement personnel, monsieur le ministre. Ce rendez-vous était attendu. Vous avez su mener la concertation avec l’ensemble des acteurs concernés tout en préservant la cohérence de votre action.

 

Même si le débat sur ce texte ne pourra faire abstraction de sujets d’actualité tels que la réforme des rythmes scolaires, il portera avant tout sur les piliers de la refondation : la priorité au primaire, la reconstruction de la formation des enseignants, la création d’un service public de l’enseignement numérique, la programmation budgétaire des créations de postes.

 

Nous avons nous-mêmes commencé à travailler sur tous ces sujets depuis la désignation de notre rapporteur, M. Yves Durand, qui mène un intense travail d’auditions. Je remercie le gouvernement de laisser le temps à l’Assemblée nationale de mener à bien ce travail dans les semaines qui viennent : c’est le gage d’un débat parlementaire approfondi, en commission comme en séance publique.

 

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Je consacrerai mon intervention à l’exposé de la méthode et de l’esprit qui ont présidé à l’élaboration de ce projet de loi.

 

Nous avons choisi de faire de l’école une priorité du quinquennat, même si nous devons faire face à beaucoup d’autres urgences, et la loi de programmation est la concrétisation de cette volonté.

 

Elle a pour objectif de résoudre les difficultés de notre système éducatif, telles que les révèlent les évaluations, tant internationales que nationales. Ces difficultés sont de plusieurs ordres. Notre système éducatif peine à offrir une qualification à un nombre suffisant de jeunes ; le niveau de nos élèves n’est pas satisfaisant ; enfin, les inégalités s’accroissent au sein de notre école. Ces difficultés appellent une réponse collective, non seulement parce que c’est la France de demain qui est en jeu, mais aussi parce la résolution d’autres problèmes que notre pays doit affronter, tels que notre défaut de compétitivité ou de cohésion sociale, dépendra de notre capacité à améliorer la formation de nos jeunes. Cela suppose d’agir avec constance, de faire partager autant que possible nos objectifs et de les inscrire dans le long terme. Comme l’indique le terme de « refondation », il s’agit de revenir aux fondements de l’école, mais aussi de la République car, comme le Président de la République l’a souvent souligné, la refondation de l’école de la République sera également la refondation de la République par l’école.

 

Les évaluations auxquelles j’ai fait référence ont eu le mérite de nous permettre d’identifier les facteurs sur lesquels nous devions faire porter nos efforts, pour faire de ces points faibles nos points forts.

 

Premièrement, nous avons choisi de donner la priorité à l’enseignement primaire. Alors que ce choix semble aller de soi, notre pays ne l’avait pas fait jusqu’ici, ce qui explique que 15 à 25 % des élèves soient en difficulté à l’entrée au collège. La France consacre à son école primaire des moyens inférieurs à ceux qu’elle consacre au secondaire et très nettement inférieurs à ceux de la moyenne des pays de l’OCDE. Or c’est à ce niveau d’enseignement que se décident les réussites comme les difficultés ultérieures.

 

Cette priorité se traduira par le développement de l’accueil des enfants de moins de trois ans, ou encore par l’application du principe « Plus de maîtres que de classes », toutes mesures qui demanderont plusieurs milliers de postes supplémentaires, dont la création sur plusieurs années est d’ores et déjà programmée. Elles s’accompagneront d’une révision des programmes, de la réforme du livret personnel de compétences ou encore de l’introduction de l’apprentissage d’une langue étrangère dès l’école élémentaire et de l’instauration d’un service public du numérique.

 

Deuxièmement, notre projet vise à améliorer la formation des enseignants, aussi bien initiale que, dans la mesure de nos moyens, continue. Il prévoit dans ce but la création, au sein des universités, d’écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, les concours de recrutement intervenant à l’issue de la première année de master. Notre but est d’assurer une entrée progressive dans la profession, ce qui suppose de réviser le référentiel des métiers de l’éducation nationale et la nature des concours.

 

Les ESPE sont à mes yeux le premier élément de la réforme à long terme de notre système éducatif. Il nous appartient, ainsi qu’aux acteurs locaux, d’en faire l’instrument de la meilleure formation possible des enseignants, et le lieu où ils apprendront à se connaître et à travailler ensemble. L’engagement très fort des universités en faveur de cette réforme, que traduit l’accord sur la « feuille de route » que nous avons, ma collègue ministre de l’enseignement supérieur Geneviève Fioraso et moi, signée la semaine dernière avec la Conférence des présidents des universités, me rend assez optimiste en dépit de délais serrés.

 

Dans une situation budgétaire très tendue, ces choix impliquent de nombreuses créations de postes, sans parler de la réintroduction de l’année de stage, qui est en elle-même une forme de revalorisation du métier. J’ai néanmoins souhaité que cette réforme ait lieu dès le début du quinquennat, car il faudra du temps avant que ces écoles ne donnent le meilleur d’elles-mêmes.

 

Troisièmement, ce projet de loi crée un service public du numérique, qui fédérera les initiatives déjà prises, par les collectivités locales comme par mon ministère, mais en les inscrivant dans une perspective autrement plus ambitieuse. Il s’agira en effet d’un plan global, qui entraînera d’ailleurs des restructurations importantes au sein de l’administration centrale de l’éducation nationale.

 

Quatrièmement, le projet vise à résoudre le problème ancien de l’orientation, en particulier en instituant un service public territorialisé de l’orientation. Si je tiens en effet à ce que notre école assume sa mission d’émancipation de l’individu et de formation du citoyen – d’où la part faite à l’enseignement de la morale laïque –, elle doit aussi assumer pleinement ses responsabilités en matière d’insertion professionnelle des jeunes. C’est pourquoi nous voulons mettre en place un parcours d’orientation et d’information dès le collège : tous les élèves doivent être à égalité devant les décisions qui engagent leur avenir, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

 

Enfin, le projet de loi nous dotera d’instruments visant à accroître la transparence et l’efficacité de notre système éducatif : ainsi le Conseil supérieur des programmes nous permettra de définir ces derniers en lien avec le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, et en fonction des évaluations menées par les maîtres. Dans le même esprit, nous proposons les instruments d’une évaluation indépendante, et non partisane, des politiques éducatives.

 

On voit que cette loi de programmation affiche clairement ses priorités, dont la plupart me semblent pouvoir être largement partagées. De plus, elle ouvre certaines pistes que nous n’avons pas encore pu explorer jusqu’au bout, s’agissant de sujets tels que l’éducation prioritaire, la réforme du collège unique, l’articulation de la scolarité de bac - 3 à bac + 3. Sur ces points, les esprits ne sont pas encore mûrs et certaines réformes déjà engagées demandent à être évaluées – ainsi celle du lycée professionnel. Tout cela devra faire l’objet de concertations et de propositions en vue d’une nouvelle étape à franchir dans les années qui viennent. Il est clair en effet que cette loi de programmation et d’orientation n’épuise pas toutes les possibilités de réforme de notre système éducatif.

 

La question des rythmes scolaires, même si elle ne figure pas dans le projet de loi, est également un élément essentiel de la refondation, à côté de la priorité donnée au primaire et de la création des écoles supérieures du professorat.

 

Notre objectif est de proposer un nouveau contrat entre l’école et la nation et dans cette perspective, je souhaite laisser toute sa place à un débat parlementaire libre, mais rigoureux et sérieux. Comme je le dis très souvent aux enseignants, l’école n’appartient pas à l’éducation nationale, mais à tous. Or on ne parle pas assez de l’école dans notre pays, alors que nous avons besoin d’échanger et de construire un esprit commun, même sur des sujets strictement pédagogiques tels que l’organisation en cycles ou la notation.

 

Pour toutes ces raisons, j’attends avec impatience vos débats, qui doivent nous permettre d’enrichir ce texte et d’en faire un élément essentiel du redressement de notre pays.

 

M. Yves Durand, rapporteur. L’école n’ayant pas fait depuis longtemps l’objet d’une loi d’orientation et de programmation, nous ne pouvons que nous réjouir de celle-ci. À travers elle, la nation fixe à l’école les grandes orientations de son action et détermine les moyens qu’elle lui consacrera durant le quinquennat : nous sommes donc loin de l’incantation, d’autant que nous avons dès juillet voté les premiers de ces moyens dans le cadre du collectif budgétaire.

 

Ce texte résulte d’une concertation, lancée cet été, avec l’ensemble des acteurs de l’éducation sur des sujets qui agitent le monde éducatif depuis des années, comme le collège, l’évaluation ou les rythmes scolaires. Selon moi, c’est à ce temps de concertation qu’on doit l’absence d’opposition radicale aux orientations proposées ici, et c’est un premier motif de satisfaction.

 

Cependant, les auditions que nous avons déjà menées ont fait apparaître le besoin de préciser certains points de ce texte, qui a d’ailleurs vocation à être enrichi par le travail parlementaire. Je ne citerai que quelques exemples. Il faudrait ainsi renforcer l’indépendance d’organismes créés ou recréés par ce projet de loi, tels que le Conseil supérieur des programmes ou le Conseil national d’évaluation du système éducatif. Qu’il s’agisse des savoirs à enseigner ou de l’évaluation des politiques, on ne saurait en effet être juge et partie.

 

D’autre part, de nombreuses voix ont demandé que ce projet de loi fasse une place à l’apprentissage des langues régionales.

 

La création d’un cycle propre à l’enseignement maternel a été saluée, et il en est de même des mesures visant à une plus étroite collaboration entre enseignants de l’école élémentaire et enseignants du collège, véritable révolution pédagogique. Mais les modalités de ce rapprochement demandent à être précisées, tout comme les rapports entre programmes et socle commun. De même, nous devrons définir ensemble ce que doit être le collège unique, même si nous sommes d’accord pour dire qu’il ne doit pas y avoir d’orientation ni de sélection avant la fin de la troisième.

 

Ces précisions s’imposent pour enrichir, et non pas pour remettre en cause une réforme qui recueille l’assentiment de tous ceux que j’ai rencontrés. De ce point de vue, l’objectif de rassembler la nation autour de son école me semble tout à fait accessible.

 

Je voudrais pour finir soulever deux points qui se situent plutôt à l’aval du projet de loi.

 

Toute loi modifiant le code de l’éducation suppose de nombreux décrets d’application. Loin de moi l’idée de réitérer les erreurs du législateur de 2005, qui avait méconnu la distinction entre loi et règlement, mais il me paraîtrait souhaitable que la représentation nationale soit informée du contenu de ces décrets. Cette demande ne traduit aucune suspicion, mais la volonté de réunir toutes les conditions d’une adhésion entière à la présente loi.

 

Deuxièmement, loin de clore le débat sur l’école, cette loi lance une dynamique. L’école a besoin de temps – certains évoquent une durée de dix ans. Quoi qu’il en soit, nous ne pourrons éluder des questions telles que celles du lycée, de l’enseignement professionnel, de l’articulation entre le premier cycle et l’enseignement supérieur, etc. Comment organiser une seconde étape de concertation, notamment avec le Parlement, de sorte que le débat ne s’arrête pas au vote de la loi ?

 

M. Michel Ménard, président. En m’en excusant auprès du ministre, je suis amené à suspendre notre séance en raison de l’organisation d’un vote dans l’hémicycle.

 

Mme Martine Faure. C’est avec beaucoup de satisfaction et un immense espoir que nous accueillons ce projet de loi pour la refondation de l’école, qui doit nous permettre de bâtir ensemble l’école de demain. C’est une première pierre que nous posons aujourd’hui, à l’issue d’une concertation qui a duré plusieurs mois – et non quelques semaines, comme des esprits chagrins le font accroire.

 

Comme l’avaient déjà montré les conclusions édifiantes d’une concertation sur le temps de l’enfant organisée par votre prédécesseur Luc Chatel, les élèves français manquent de temps. Nous leur imposons un rythme d’apprentissage qui contrarie les rythmes biologiques, violence encore aggravée par la lourdeur et l’inadaptation des programmes. Ce projet de loi nous propose de donner du temps à l’élève pour apprendre, à l’enseignant pour enseigner, à l’ensemble de la communauté éducative et aux élus pour évaluer, mener des concertations, organiser et décider – sans compter le temps que vous aurez donné aux parlementaires pour en débattre.

 

Le texte remet l’enfant au cœur de nos préoccupations : il vise à lui assurer un parcours de réussite individualisé, associant tous les acteurs – enseignants, parents, élus, associations, monde de l’entreprise – dans le cadre du projet éducatif territorial.

 

Notre système éducatif doit impérativement être adapté aux mutations actuelles, notamment aux progrès vertigineux de la technologie.

 

Il faut dire aussi que ces dernières années, il a été ébranlé dans ses fondements, notamment par la suppression de postes d’enseignants, de personnels d’encadrement, de médecins et d’infirmiers scolaires, ainsi que par la suppression de la formation initiale et continue des enseignants. Aujourd’hui, il faut reconstruire – ce qui justifie l’emploi du terme de « refondation » – pour instaurer une gestion du temps différente, faisant coexister le temps long des apprentissages, des enseignements et de la réflexion avec la prise en compte des urgences.

 

La première de celles-ci est de donner la priorité à l’école maternelle et au primaire, pour lesquels vous avez déjà obtenu des moyens supplémentaires dès cette rentrée. L’école élémentaire est en effet une étape fondamentale du parcours scolaire d’un enfant, d’autant qu’on peut dès ce stade repérer des déficiences ou des troubles, pour y remédier ou en prévenir d’autres.

 

Rendre son rang à l’école élémentaire suppose d’accroître ses moyens financiers, mais aussi humains : c’est l’objectif « Plus de maîtres que de classes ». Il conviendra en outre de prendre rapidement et franchement le virage du numérique, de redéfinir le socle commun et d’élaborer des programmes plus adaptés, en s’appuyant sur le nouveau Conseil supérieur des programmes. Nous apprécions également votre volonté d’organiser une véritable éducation artistique et culturelle, voire sportive, et de rendre obligatoire l’apprentissage d’une langue vivante dès le cours préparatoire. La question des langues régionales me tenant particulièrement à cœur, vous me permettrez, monsieur le ministre, de vous remercier pour la réponse que vous avez faite hier en séance publique sur le sujet à notre collègue Paul Molac et de vous assurer que nous participerons au débat qui s’ouvrira au mois de mars, pour faire progresser la pratique et l’enseignement de ces langues.

 

Enfin, en clarifiant la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales et en mettant en place les projets éducatifs locaux, ce projet de loi favorise la coopération entre tous les partenaires de l’école.

 

Ce projet de loi de refondation porte donc la promesse d’une nouvelle ère pour notre système éducatif. Sa réussite dépendra en grande partie de la capacité des uns et des autres à accepter les évolutions nécessaires. Seul l’élève doit nous préoccuper. Un enfant a besoin d’avoir autour de lui des adultes capables de le guider dans ses apprentissages. Une école qui va bien, qui a une conscience claire de son périmètre d’action, de ses missions et de ses ambitions ne peut que tenir une place essentielle dans cette démarche.

 

N’oublions pas que l’école est une immense chance pour tous les enfants et qu’enseigner est un des plus beaux métiers. Vous nous donnez l’occasion, monsieur le ministre, de ramener la joie dans la maison école !

 

M. Frédéric Reiss. Je me réjouis de chaque occasion pour le Parlement de débattre de l’école, monsieur le ministre, même si nous, députés UMP, ne sommes pas convaincus par vos propos. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls : j’ai le sentiment que votre projet de refondation inquiète bon nombre de nos concitoyens, enseignants, parents d’élèves, élus locaux, en un mot l’ensemble de la communauté éducative, y compris les réseaux d’éducation populaire.

 

Après son parcours peu glorieux devant le Conseil supérieur de l’éducation et devant la Commission consultative d’évaluation des normes, votre décret sur les rythmes scolaires a réussi à faire l’unanimité contre lui. Cette réforme, attendue depuis des décennies, est massivement rejetée, alors que les conclusions de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires réunie par Luc Chatel et celles du rapport parlementaire de nos collègues Yves Durand et Xavier Breton avaient fait consensus. Si le fond n’est pas en cause, c’est sans doute votre méthode qui pèche. Cette réforme, au lieu de rassembler, divise le pays, et l’euphorie suscitée par vos premières annonces n’est sans doute pas étrangère à cet état de fait : ceux qui ont participé à la prétendue concertation que vous avez organisée ne se reconnaissant pas dans la copie que vous venez de rendre, leur déception est à la hauteur de leur enthousiasme initial.

 

Ce projet de refondation, dont fait partie la réforme des rythmes scolaires, laisse un sentiment d’impréparation. La loi du 23 avril 2005, dont on n’a pas encore mesuré tous les effets positifs, avait été précédée d’une année de débats, d’échanges et de concertation avec les partenaires sociaux sur tout le territoire. Le socle commun de compétences et de connaissances, qui était au cœur de la « loi Fillon », avait suscité l’adhésion du plus grand nombre. La priorité était que chaque élève sache lire, écrire et compter dès l’école élémentaire. Le projet de loi maintient d’ailleurs ce socle, qui devient le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Je me réjouis également du maintien des programmes personnalisés de réussite éducative, les PPRE, dont on avait pu craindre un temps la disparition. Quant au principe « Plus de maîtres que de classes », il est séduisant, mais il mérite d’être précisé.

 

Les mesures phares telles que la création de 60 000 postes supplémentaires en cinq ans, la priorité donnée au primaire ou la refonte de la formation initiale ne peuvent certes nous surprendre puisqu’elles avaient été annoncées par le Président de la République, mais elles suscitent de nombreuses interrogations.

 

La réforme des rythmes scolaires bouleverse la vie quotidienne des familles. L’article 47 du projet de loi, qui prévoit en faveur des communes et des intercommunalités une incitation financière à développer les activités périscolaires, ressemble à un chantage, et l’octroi d’un délai supplémentaire d’un mois pour prendre la décision n’est pas de nature à calmer la colère des élus locaux. Nous prenons acte de la création de ce fonds, mais les modalités de ce financement restent à préciser : il faudra veiller à ce que l’équité soit respectée, notamment entre écoles publiques et écoles privées sous contrat. Sur ce dernier point, les dispositions de l’article 45 me laissent quelque peu perplexe.

 

Les modalités de l’accueil en maternelle des enfants de moins de trois ans doivent de même être précisées, d’autant qu’elles auront une incidence sur le contrat d’objectifs et de gestion des caisses d’allocations familiales et sur l’accueil en jardin d’éveil. Quel en sera, en outre, l’impact sur les mesures de carte scolaire ?

 

Vous me permettrez d’autre part de déplorer que les langues régionales soient totalement oubliées dans ce texte et que l’article 38 annule les dispositions de la « loi Cherpion » pour le développement de l’alternance. Quant aux directeurs d’école, si l’article 41 dispose qu’ils présideront le conseil d’école, ils devront encore attendre avant de bénéficier d’un véritable statut.

 

J’aimerais enfin, monsieur le ministre, connaître votre position sur les expérimentations d’écoles du socle commun menées dans certaines académies.

 

Mme Isabelle Attard. La refondation de l’école est une priorité. L’école de la République doit être adaptée aux besoins de nos enfants et mieux les préparer aux défis de notre société. Vous pouvez compter sur le soutien des écologistes pour cette refondation : pour donner la priorité au primaire, pour recruter plus d’enseignants afin de donner corps au principe du « Plus de maîtres que de classes », pour rendre les rythmes scolaires plus respectueux des rythmes des enfants et plus propices à de nouvelles formes de pédagogie, ou encore pour développer la scolarisation des moins de trois ans dans les zones en difficulté.

 

Mais pour ne pas être un simple pansement, pour mériter son nom, la refondation doit être globale.

 

Or ce projet de réforme sous-estime l’importance des projets éducatifs territoriaux, pourtant essentiels puisqu’ils visent à mettre en cohérence les activités scolaires et périscolaires en impliquant l’ensemble des acteurs concernés. Ces projets doivent permettre une continuité entre le temps scolaire et les autres temps de l’enfant, en impliquant la communauté éducative, les parents, les collectivités territoriales mais aussi les structures associatives. Ils peuvent être très utiles pour concrétiser la réforme des rythmes scolaires et pour assurer un bon équilibre entre le cadre national et les adaptations aux spécificités locales. C’est aussi dans ce cadre que la question du rôle des collectivités territoriales en matière d’éducation pourra être le mieux posée. Pour nous, il est essentiel d’assurer à ces dernières, et pas seulement aux plus démunies, un soutien plus important et plus durable que celui qui est prévu aujourd’hui.

 

Il est également nécessaire de revaloriser le statut des professeurs des écoles. Quant à la réforme des rythmes scolaires, elle doit s’accompagner d’une réforme des pratiques pédagogiques, sans laquelle la refondation serait en partie manquée : il s’agit d’ouvrir l’école sur l’extérieur, de renforcer les projets collectifs impliquant d’autres acteurs, d’organiser différemment les emplois du temps pour donner vie à ces projets. Au-delà de la question des rythmes, c’est donc un droit à l’expérimentation et à l’innovation pédagogiques qu’il faut poser.

 

Cette question de la pédagogie ne doit pas non plus être dissociée de celle de l’évaluation, autre élément sous-estimé par le projet de réforme dans sa rédaction actuelle. La notation fait partie de ce qui doit impérativement changer : l’école ne doit pas être le lieu d’apprentissage de la compétition. La notation est vécue comme une épreuve, voire comme une sanction. Par son caractère stigmatisant, elle peut contribuer au décrochage scolaire. En Finlande, pays constamment en tête des classements internationaux en matière d’éducation, les élèves ne sont pas évalués avant l’âge de neuf ans, et ne sont notés qu’à partir de onze ans. Il faut donc repenser la totalité de notre système d’évaluation des élèves, du cours préparatoire au baccalauréat. La « notation positive » évoquée dans l’annexe du projet de loi est loin d’être suffisante.

 

Nous avons aussi des demandes précises en ce qui concerne la formation des enseignants. Nous souhaiterions que vous nous indiquiez quels moyens seront consacrés à leur formation continue. Nous approuvons certes votre volonté d’encourager une nouvelle façon de travailler, de nouvelles pratiques pédagogiques, d’organiser de nouveaux rythmes, mais les enseignants doivent être formés aujourd’hui, demain et tout au long de leur carrière.

 

Les écologistes plaident enfin pour un recrutement des enseignants à l’issue de la licence, afin que les deux années de master ne se résument pas à du bachotage mais soient réellement des années de formation. Le groupe « Reconstruire la formation des enseignants » a démontré dans une de ses études que le recrutement dès la première année de master serait moins coûteuse que le scénario jusqu’ici retenu, tout en garantissant une formation beaucoup plus efficace.

 

M. Rudy Salles. L’école est une priorité et sa réforme une nécessité avérée : de cela, monsieur le ministre, nous sommes convaincus tout autant que vous.

 

Mais vous avez poussé l’ambition jusqu’à prétendre, non seulement la réformer, mais la refonder, ce qui semble un peu excessif. La plupart de ceux qui vous ont précédé à la tête de l’éducation nationale ont ainsi voulu marquer leur passage par des réformes fondatrices, mais il faut se méfier de certaines déclarations emphatiques qui se révèlent finalement décevantes. Les familles françaises, les parents, le monde enseignant, les partenaires de l’éducation nationale, mais aussi les collectivités attendent de connaître vos intentions.

 

Vous avez lancé cette refondation dans l’enceinte de la Sorbonne, lieu hautement évocateur de sept cents ans d’histoire et d’excellence dans la transmission du savoir. La création de 60 000 postes d’enseignants comme la réforme des rythmes scolaires avaient de quoi séduire, et vous pensiez que votre projet recueillerait le soutien du plus grand nombre. Cela n’a pourtant pas été le cas.

 

Tout d’abord, la concertation que vous avez engagée n’a pas donné les résultats que vous en attendiez. Ainsi le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche a massivement rejeté le projet de loi d’orientation – par 25 voix contre 5 !

 

La réforme des rythmes scolaires subit le même désaveu. Sur les 32 000 parents, enseignants et élèves niçois que nous avons interrogés sur le sujet, 10 000 ont répondu ; 80 % souhaitent le maintien des horaires actuels, 86,5 % sont opposés à l’allongement de la pause méridienne, près de 69 % s’opposent au raccourcissement de la journée scolaire et 67 % ne veulent pas de la semaine de quatre jours et demi.

 

Sur le fond, ce texte ce caractérise par une attention toute particulière portée à l’école primaire alors que les réformes précédentes concernaient plutôt le collège et le lycée. Il vise aussi à développer l’accueil des enfants de moins de trois ans à l’école. Aussi pertinente soit-elle, notamment pour les familles les plus modestes, une telle mesure ne nécessite pas seulement de nouveaux moyens, mais aussi une nouvelle organisation pédagogique. Or le texte de loi est muet sur ce point.

 

Il n’était pas non plus inopportun de réformer le redoublement : on sait qu’il est inefficace et qu’un élève qui a redoublé son CP ou son CE1 a deux fois plus de risques que les autres de finir sa scolarité sans qualification. On peut également approuver votre volonté que les élèves fassent leurs devoirs dans l’établissement plutôt qu’à la maison : cela permettrait d’accompagner les enfants et de rétablir l’égalité entre les élèves. Mais il ne faudrait pas faire de ces objectifs, si importants soient-ils, des sujets de clivage. Ces dispositifs, qui avaient déjà été testés, dans le cadre des internats d’excellence par exemple, doivent être examinés avec toutes les parties prenantes, comme le prouve a contrario l’opposition unanime au décret relatif à la semaine de quatre jours et demi.

 

En réalité, le titre de ce projet promet plus que son contenu ne tient.

 

Sur bien des points, ce texte nous paraît en effet un peu tiède. Il revient peu sur la réforme du lycée engagée par votre prédécesseur – est-ce une sorte de reconnaissance du travail accompli avant vous ? Rien n’y est dit du contenu de la formation des maîtres, ni de la redéfinition des missions des enseignants. Le socle commun, qui a pourtant fait l’objet de débats nourris, n’est pas fondamentalement remis en cause : il n’est que très marginalement enrichi. Cela aussi prouve que les réformes engagées avant vous ne méritaient sans doute pas l’excès d’indignité dont on les a accablées. La question des grandes vacances est renvoyée aux calendes grecques. La formation professionnelle est absente de votre réflexion, si ce n’est pour en transférer un peu plus la charge aux régions. Sauf erreur de ma part, je n’ai vu aucune proposition s’agissant des autres personnels d’éducation, personnels d’encadrement, administratifs, médico-sociaux et de service.

 

Quant à votre projet d’écoles supérieures du professorat et de l’éducation, il était nécessaire. Mais on ignore quelle formation y sera prodiguée : quel en sera le contenu, et pour quelles missions ? Pouvez-vous nous garantir que les ESPE ne seront pas de nouveaux IUFM ? Nous attendons que vous nous répondiez précisément sur ce point, sans nous renvoyer aux décrets à venir.

 

Vous remettez en cause les trois axes selon lesquelles le système actuel s’ordonne : un programme éducatif rigoureux et centré sur des fondamentaux ; l’aide personnalisée de deux heures pour les enfants les plus en difficulté, et les évaluations. La diminution du nombre d’heures d’enseignement personnalisé, alors que vous augmentez le nombre d’enseignants, nous inquiète particulièrement. Quant aux évaluations, l’accord que vous avez trouvé avec les syndicats nous semble une cote mal taillée : elles sont maintenues à l’issue de la classe de CE1 et du CM2, mais elles ne remonteront plus à l’administration centrale. Vous vous privez ainsi d’un outil essentiel pour adapter votre propre politique.

 

Le rapport même sur lequel vous vous appuyez pour cette refondation apparaît à bien des égards moins approfondi que certains rapports précédents, comme le rapport Thélot sur l’avenir de l’école, publié en 2004, ou encore le rapport remis il y a deux ans par la Cour des comptes. Malgré quelques avancées, nous sommes très loin d’une véritable refondation. La grande concertation semble a posteriori n’avoir été qu’une grande mise en scène, au détriment des parties prenantes, notamment des enseignants.

 

Ce qui frappe finalement, sur ce sujet comme sur tous les autres, et hors la création de 60 000 postes supplémentaires qui pèsera très lourd dans le budget de l’État, c’est l’absence de cap. Nous espérons que ce qui n’a pas été réalisé pendant de longs mois de concertation le sera à l’occasion de la discussion parlementaire.

 

En tout cas, le groupe UDI, pour lequel l’éducation est une préoccupation majeure, sera vigilant quant à la réalisation des intentions que vous affichez et participera activement au travail législatif. Au-delà de déclarations d’intention souvent excessives, nous attendons des actes qui répondent aux attentes des élèves, de leurs familles, de la communauté enseignante et, de façon plus générale, de la société. Cette affaire mérite mieux que des mesures idéologiques dictées par le parti socialiste : elle nécessite un consensus national. Vous en êtes loin. Saurez-vous entendre les attentes et les contributions de ceux qui, sans penser forcément comme vous, aiment l’école au moins autant que vous ?

 

Nous auditionnions cet après-midi certaines associations, proches du parti socialiste, qui proposaient que l’on ne parle plus d’école maternelle mais d’école enfantine, afin de ne plus faire référence à la mère, conformément à la logique du projet de loi sur le mariage pour tous. J’espère, monsieur le ministre, que vous saurez résister à ce genre de proposition inadmissible !

 

Mme Marie-Odile Bouillé. Je souhaiterais tout d’abord féliciter le ministre et son équipe pour leur travail en faveur de la refondation de notre école.

 

Pour toucher tous les enfants, l’éducation artistique et culturelle doit, me semble-t-il, s’inscrire dans le temps scolaire. Les trois quarts d’heure dévolus aux activités périscolaires dans le cadre du projet éducatif territorial risquent en effet d’être trop courts pour une intervention de plasticiens ou de musiciens, par exemple. De plus, il convient que les enseignants, éventuellement avec les parents, soient parties prenantes de cette éducation. Il convient en tout cas de réfléchir à la place à lui donner dans l’organisation de la journée.

 

D’autre part, Mme la ministre de la culture et de la communication a lancé une concertation sur le sujet, en vue de définir un cahier des charges organisant la contribution des acteurs locaux : comment envisagez-vous de concilier ses propositions avec votre projet éducatif territorial ?

 

M. Patrick Hetzel. La méthode que vous avez employée, monsieur le ministre, pour élaborer ce que vous présentez comme une étape majeure de la refondation de l’école est contestable. Ce projet de loi d’orientation et de programmation pâtit d’un manque de préparation et ne mobilise pas suffisamment les travaux de recherche centrés sur la performance scolaire. La montagne accouche donc d’une souris.

 

Le projet contient des mesures positives s’agissant des relations entre l’école et le monde du travail : ainsi l’instauration du parcours d’information et d’orientation dès le collège. Mais, sur ces sujets, la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 – dite « loi Fillon » – avait montré la voie.

 

Sur bien d’autres aspects, en revanche, ce texte repose sur une vision dépassée de l’éducation. En supprimant les dispositifs d’apprentissage junior et ceux qui étaient issus de la loi pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels du 28 juillet 2011 – dite « loi Cherpion » –, vous méconnaissez ce qu’ils avaient apporté à des élèves en désarroi, qui avaient souvent retrouvé de la motivation à apprendre. Vous avez cédé à une tentation démagogique alors que vous auriez dû vous en tenir à une rigueur pédagogique. Comptez-vous prendre en compte la réalité de notre système scolaire et cesser de détricoter sans proposer ?

 

M. Pierre Léautey. Le terme de refondation traduit une grande ambition que confirme le contenu de ce projet de loi. L’école doit prendre en charge les enfants en difficulté, de plus en plus nombreux, afin de permettre la réussite de tous. La rupture par rapport aux politiques passées est audacieuse, en particulier avec la priorité donnée au primaire, niveau auquel tout se décide. L’accueil des enfants dès le plus jeune âge et le principe consistant à avoir plus de maîtres que de classes représentent autant d’avancées, gages concrets d’une plus grande efficacité. Comment voyez-vous précisément les évolutions à imprimer à la formation des enseignants afin d’accompagner ces progrès ?

 

Le développement d’une école exigeante et égalitaire est le fil conducteur de cette réforme. Sur ce principe, nous pouvons tous nous accorder, mais comment concevez-vous sa mise en œuvre, forcément plus délicate ? Dans quelle mesure les spécificités territoriales seront-elles prises en compte, par exemple ?

 

M. Paul Molac. Professeur dans un collège rural il y a encore six mois, j’ai pu mesurer, monsieur Salles, les effets d’une politique consistant à réduire le nombre des postes et à supprimer la formation professionnelle des enseignants. Rétablir cette formation en faisant en sorte que toute une année de master puisse y être consacrée est donc une excellente chose. De même, la scolarisation des enfants dès l’âge de deux ans et la priorité donnée au primaire.

 

Les chronobiologistes et les enseignants sont en faveur de la semaine de quatre jours et demi. Mais, tout en approuvant cette réforme des rythmes, on ne peut ignorer l’inquiétude des maires, qui auront à résoudre des questions d’équipement, de transport et d’encadrement. Il faut donc régler ces problèmes de financement.

 

Enfin, à côté du programme commun à tous, il serait bon qu’une part des enseignements soit adaptée aux spécificités locales. À ce titre, comme plusieurs de mes collègues, j’insiste pour qu’une place soit faite aux langues régionales.

 

Mme Dominique Nachury. Ne faudrait-il pas créer, monsieur le ministre, une passerelle entre les structures d’accueil des enfants de moins de trois ans et l’école maternelle, pour mettre fin à un cloisonnement néfaste ?

 

Pensez-vous que les méthodes alternatives d’apprentissage et d’enseignement passent uniquement par un développement du numérique à l’école ?

 

Enfin, si l’on reconnaît en paroles la nécessité de respecter la singularité de chaque élève en s’adaptant à son rythme de progression, comment cela se peut-il se traduire dans les faits ?

 

M. Jean-Pierre Le Roch. Monsieur le ministre, la majorité vous sait gré d’avoir si bien défendu une véritable politique éducative, venant après dix années d’une politique purement comptable.

 

Au cours de cette décennie, le taux de scolarisation des enfants de deux ans est tombé de 34 % à 12 %. Or cette scolarisation précoce contribue fortement à leur réussite ultérieure, surtout lorsqu’ils sont issus de familles défavorisées. Que prévoit concrètement le projet de loi pour la favoriser ?

 

Les équipes éducatives et certains élus locaux ont exprimé leur inquiétude face à l’absence de mention explicite des langues régionales. Le Président de la République s’est pourtant engagé à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et beaucoup de conseils régionaux ont signé avec les rectorats des conventions cadres pluriannuelles pour le développement de l’offre d’enseignement en la matière. Ne pourrait-on remédier à cette lacune du texte ?

 

Mme Julie Sommaruga. Après dix ans de casse, ce projet de loi répond aux objectifs d’une école plus juste et plus exigeante tout en mettant fort à propos l’accent sur le primaire.

 

La refondation de l’éducation prioritaire est également annoncée : quelle forme prendra-t-elle ? La carte des ZEP sera-t-elle redessinée ? Des moyens supplémentaires leur seront-ils alloués ? Les conditions de travail des enseignants de ces écoles seront-elles adaptées pour leur permettre, en étant déchargés de quelques heures de classe, de rencontrer les familles et de développer le travail en équipe – à l’intérieur des établissements comme entre les écoles et les collèges de ces zones ? Dans cette perspective, la pérennisation de la prime ÉCLAIR n’apparaît guère pertinente.

 

Les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) jouent un rôle indispensable. Quel sera leur nombre à l’avenir et quelle évolution leurs missions vont-elles connaître ?

 

Enfin, de quels moyens disposera l’enseignement spécialisé pour accueillir dans de bonnes conditions les enfants porteurs d’un handicap ?

 

M. Claude de Ganay. Quelles mesures et quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour prévenir et combattre la violence en milieu scolaire ? Rien dans ce projet de loi et dans le rapport qui lui est annexé ne concerne cet important sujet, qui fera l’objet d’une proposition de loi dont j’ai été nommé rapporteur.

 

M. Vincent Feltesse. Monsieur le ministre, dans vos rêves, à quoi ressemblerait l’enseignement dans une classe numérique d’ici cinq à dix ans ? Pourquoi, dans ce domaine où tout bouge très vite, ne faites-vous aucune part à l’expérimentation ? Enfin, puisque d’importants investissements sont prévus en faveur du numérique en ligne, n’avez-vous pas envisagé de vous rapprocher de votre collègue chargée de la francophonie, maintenant que l’équipement informatique s’est considérablement développé dans tous ces pays ?

 

M. Patrice Verchère. Si faire entrer l’école dans l’ère du numérique est indispensable, encore faut-il que les communes, en particulier les plus rurales, en aient les moyens. Le précédent gouvernement avait lancé à cette fin l’opération « Écoles numériques rurales », mais il reste encore des écoles à équiper. Envisagez-vous, monsieur le ministre, de prolonger ce plan ?

 

Le passage à quatre journées et demie de classe constitue probablement une évolution souhaitable qu’il ne m’appartient pas de juger. En revanche, cette réforme n’est pas financée, car le budget alloué – 250 millions d’euros – ne semble pas suffisant pour couvrir les coûts que les collectivités locales devront engager pour animer les activités périscolaires. En outre, en milieu rural, il sera difficile de trouver des personnes qualifiées pour s’occuper des classes une heure par jour. Partagez-vous ce constat et comment comptez-vous répondre à cette difficulté ?

 

M. Pascal Deguilhem. Monsieur Salles, il aurait fallu déployer la même énergie à défendre l’école lorsque vous apparteniez à la majorité !

 

Notre préoccupation commune est l’échec scolaire et il nous faut mettre en place les meilleurs outils de remédiation. Parmi ceux-ci, le recrutement des enseignants soulève la question de l’attrait des concours, notamment dans les disciplines les plus déficitaires. Avez-vous des chiffres à nous communiquer à ce sujet, monsieur le ministre ? Les candidats sont-ils en nombre suffisant ?

 

Les disparités de l’état de santé et des résultats scolaires des élèves résultent souvent des inégalités sociales. Le rapport annexé souligne la nécessité de « promouvoir la santé » et de « développer le sport scolaire », mais comment ces orientations se traduiront-elles concrètement ?

 

En milieu rural diffus, le principe « Plus de maîtres que de classes » est-il bien le plus pertinent ? Ne vaudrait-il pas mieux privilégier les RASED pour lutter contre les difficultés scolaires individuelles ?

 

M. Mathieu Hanotin. Ce texte instaure un cycle facilitant le passage entre le CM2 et la 6e. Il s’agit d’une bonne initiative à condition qu’il ne s’agisse pas seulement de faire visiter leur futur collège aux enfants du primaire, mais bien d’organiser la transition entre l’enseignement transversal dispensé dans le premier cycle et l’approche plus académique du second.

 

Pour ce qui est de l’éducation prioritaire, il me semble que nous devrions marquer davantage notre volonté d’aller vers une individualisation des moyens. Si la pertinence d’objectifs globaux ne peut faire question, de la souplesse est nécessaire pour s’adapter aux caractéristiques locales. Par exemple, il n’est pas besoin partout de psychologues ou de maîtres formateurs du primaire mais, ici ou là, leur présence peut être utile. De même, dans certains collèges, le recrutement sur profil, qu’il serait donc dommage de supprimer.

 

Mme Maud Olivier. Je me réjouis de l’installation, par les ministères de l’éducation nationale et des droits des femmes, d’un comité de pilotage chargé de définir les modalités de mise en œuvre du programme « ABCD de l’égalité ». Inscrit dans le plan interministériel intitulé « Une troisième génération des droits des femmes : vers une société de l’égalité réelle », ce programme vise à faire prendre conscience aux enseignants de la prégnance des stéréotypes liés au sexe, qui engendrent des inégalités dans le parcours scolaire, puis professionnel. Les maîtres sont ainsi invités à conduire des actions permettant aux enfants de faire l’apprentissage de l’égalité entre filles et garçons. Les études de genre ont montré que la distribution des rôles entre femmes et hommes résulte d’une construction sociale et non d’un déterminisme biologique. Monsieur le ministre, comment comptez-vous introduire cette notion de genre dans la formation des enseignants ?

 

D’autre part, avez-vous l’intention de créer un statut pour les assistants de vie scolaire, soumis à une forte précarité ?

 

M. Michel Herbillon. Votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait lancé une vaste concertation sur la question des rythmes scolaires. Les représentants des enseignants et des parents avaient alors pris position. Puis, en 2010, nos collègues Xavier Breton et Yves Durand ont rédigé un rapport sur le sujet, dans lequel ils étaient parvenus à des conclusions communes. Comment expliquez-vous dès lors que votre projet suscite tant d’oppositions ? En effet, les associations de parents d’élèves, la presque totalité des syndicats et les enseignants – qui ont conduit une grève très suivie à Paris – demandent soit l’abandon de cette réforme, soit son report à 2014. Ce front ne révèle-t-il pas un problème de méthode ?

 

D’autre part, malgré la dotation de 250 millions d’euros, au reste temporaire, les communes n’ont pas les moyens de supporter le coût de cette réforme. Comment comptez-vous les aider à l’assumer ?

 

M. Jean-Jacques Cottel. Il était nécessaire de s’attaquer à la refondation de l’école et la notation positive en constitue une mesure importante.

 

Vous prévoyez avec raison de créer des postes supplémentaires, mais les maîtres spécialisés qui exercent dans les RASED et dans les sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), ou qui occupent des fonctions spécifiques dans les écoles primaires, en bénéficieront-ils ou non ? Allez-vous rétablir leur formation ?

 

Les élus locaux sont disposés à mettre en place les nouveaux rythmes scolaires mais les communes qui ne pourraient le faire dès la prochaine rentrée et qui reporteraient donc la mesure à la rentrée de 2014 ne pourraient-elles, elles aussi, bénéficier d’un soutien financier ?

 

M. Xavier Breton. Nous aurions dû nous retrouver, monsieur le ministre, sur ce projet de refondation de l’école. Cependant, nos analyses sur les insuffisances du système éducatif divergent. Vous et votre majorité vous focalisez sur le quinquennat précédent alors que l’échec d’aujourd’hui résulte de choix effectués tout au long des vingt-cinq ou trente dernières années.

 

J’approuve certaines mesures de ce projet comme la priorité donnée au primaire, la création d’un lien entre l’école et le collège, ou encore la volonté d’organiser une évaluation indépendante, pour laquelle le nouveau Conseil national d’évaluation du système éducatif aurait d’ailleurs tout intérêt à s’appuyer sur les universités.

 

Mais, comme Yves Durand et moi l’avions souligné, la modification des rythmes scolaires exige une concertation approfondie, une estimation de son coût et une réflexion centrée, non sur l’organisation de la semaine, mais sur celle de l’année. Ces trois éléments manquent en l’espèce. D’autre part, l’enseignement privé sous contrat sera-t-il soumis à cette réforme et selon quelles modalités ?

 

Enfin, nous sommes favorables à l’affirmation d’une morale à l’école. Si elle est laïque, celle-ci ne doit toutefois enseigner que les valeurs républicaines partagées par l’ensemble des Français. L’égalité entre les hommes et les femmes uniquement envisagée sous l’angle de l’idéologie du genre n’entre pas dans cette catégorie. Quant au concept même de laïcité, nous voudrions être sûrs qu’on l’appréhende dans un esprit consensuel, d’ouverture et de tolérance.

 

M. Jean Jacques Vlody. Le Gouvernement a consenti de vrais efforts pour les régions qui manquent le plus d’enseignants. Ainsi l’académie de La Réunion qui a perdu 220 postes au cours des cinq dernières années bénéficiera de 247 créations à la prochaine rentrée.

 

La question des langues et des cultures régionales est particulièrement sensible dans les territoires d’outre-mer. Il y a lieu de renforcer leur enseignement dans le cadre scolaire. Il n’y aura pas de refondation de l’école dans ces régions sans la reconnaissance de leurs spécificités linguistiques. À cet égard, l’apprentissage du français en milieu créolophone constitue un défi, d’autant plus difficile à relever qu’il n’est pas tenu compte du cas de l’enfant ne parlant pas français au moment de son entrée dans le système éducatif. Approuveriez-vous, monsieur le ministre, la création, au sein des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, d’un programme de formation des enseignants à la spécificité linguistique de ces territoires ?

 

Mme Martine Martinel. Monsieur Breton, la laïcité et l’égalité entre les hommes et les femmes ne peuvent être remises en cause en classe. Ces principes s’imposent à tous et ceux qui ne les partagent pas doivent s’interroger. Il ne faudrait pas que l’école devienne le lieu où l’on veut tout changer sans opérer le moindre changement, ni que le débat sur les rythmes scolaires nous éloigne de l’examen du présent projet.

 

La création des ESPE vise à favoriser « le développement d’une culture commune (…) à l’ensemble de la communauté éducative ». Quel sens accordez-vous, monsieur le ministre, à ce concept de culture commune ?

 

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je vous rejoins, monsieur le ministre, sur l’importance du primaire, même si, avant d’être initiés à l’anglais, les élèves devraient y apprendre le français. Plus largement, vous êtes-vous posé la question des méthodes d’enseignement ? À leur entrée en 6e, de plus en plus d’enfants ne maîtrisent pas la lecture à cause de la méthode globale. Ne pourrait-on pas réintroduire la méthode syllabique, qui avait fait ses preuves et qui a été sacrifiée sur l’autel du pédagogisme ?

 

M. Michel Ménard, président. Cette réforme sera sans doute difficile à mettre en place et le statu quo aurait été plus confortable. Néanmoins, il est indispensable de la conduire à son terme.

 

La formation pédagogique des enseignants a été supprimée en 2009. Réintroduite, quelle place occupera-t-elle dans les ESPE ?

 

Les RASED bénéficieront-ils de recrutements et quelles missions leur seront dévolues ?

 

Mme Françoise Dumas. La refondation de l’école nécessite la mobilisation durable de chacun, dans un esprit d’ouverture, d’unité et de laïcité. Après cette loi, un vrai dialogue s’imposera entre tous ceux qui contribuent, à un titre ou un autre, à l’éducation de nos enfants, à leur enrichissement culturel et à leur épanouissement physique. Dans ce cadre, il conviendra de garantir l’égal accès de tous les enfants aux dispositifs éducatifs les plus innovants et de veiller à associer les parents les plus éloignés de l’institution scolaire. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les grands axes de ce partenariat et nous assurer qu’il reposera sur les valeurs de laïcité et de neutralité du service public ? C’est à cette condition en effet qu’il favorisera l’éducation à la pensée et à la liberté de conscience.

 

M. le ministre. On ne peut prétendre travailler avec le Parlement sans l’écouter et soyez assurés que je respecte les positions de chacun. Le dialogue doit exclure la caricature. Mais il exige aussi du gouvernement qu’il précise sa méthode.

 

Le terme de refondation, auquel je tiens, n’est pas comme on l’a dit la marque d’un excès d’ambition mais, au contraire, celle d’une démarche empreinte de beaucoup d’humilité. Il ne s’agit en aucun cas de traiter de tous les sujets relatifs à l’école – notamment pas de certains, que vous avez évoqués mais qui ne relèvent pas de la loi – mais de tirer les leçons du passé : si bonnes qu’aient été les intentions, beaucoup de réformes n’ont pas porté de fruits parce que les fondements du système éducatif n’avaient pas été rénovés au préalable. Là est l’essentiel sur lequel on peut ensuite bâtir. C’est pourquoi il faut donner la priorité au primaire dont tous s’accordent à reconnaître les faiblesses structurelles.

 

Ce constat n’est ni nouveau, ni partisan et l’on a déjà essayé de résoudre ces difficultés. Notre atout est de disposer aujourd’hui, grâce au Président de la République, des moyens et du temps nécessaires pour corriger les effets d’un sous-investissement qui se lisent notamment dans le classement des pays de l’OCDE : la France y figure au dernier rang pour le taux d’encadrement dans le primaire. Nous sommes en outre l’unique pays avancé à avoir supprimé la formation des maîtres et le seul au monde à organiser l’année scolaire sur 144 jours seulement, au prix de journées surchargées pour les élèves. Enfin, notre système éducatif est caractérisé par une partition excessive entre le primaire et le secondaire : les méthodes, l’organisation du temps de travail y sont différentes – jusqu’aux syndicats qui portent des visions distinctes ! De tout cela, il n’y a pas de quoi être fier ! Voilà pourquoi nous devons commencer par assainir ce fondement de notre système éducatif – commencer par le commencement, en divisant les difficultés en autant de parcelles qu’il faut pour les résoudre.

 

En ce qui concerne l’accueil des moins de trois ans, une circulaire a été publiée et vous avez donc pu voir dans quel esprit nous le concevions. Il est surtout utile là où les populations sont le plus en difficulté. Nous pouvons l’organiser en nous appuyant sur ce qui existe déjà, par exemple sur les classes passerelles ou sur les expérimentations menées ici ou là, mais il nous faut aussi former les personnels : souvenons-nous qu’il y a vingt ans, les écoles normales dispensaient aux futurs maîtres de maternelle un enseignement spécifique d’au moins soixante-dix heures, de sorte qu’ils étaient parfaitement au fait des besoins de l’enfant à chaque étape de son développement intellectuel et moteur. Tout cela a été supprimé. Nous allons le rétablir.

 

Le dispositif « Plus de maîtres que de classes », expérimenté dans plusieurs régions, se révèle très efficace. Certains souhaiteraient réduire de moitié l’effectif des classes, mais il faut savoir que le réduire d’une seule unité obligerait à créer 10 000 postes. Un législateur responsable ne saurait donc se résoudre à une telle décision. En revanche, nous pouvons nous en remettre à une disposition qui a été expérimentée et évaluée dans notre pays et qui est pratiquée dans cette Finlande dont le modèle est si souvent invoqué. Mettre deux enseignants dans une classe permet de faire évoluer la pédagogie et le métier d’enseignant tout en favorisant le travail d’équipe, et cela donne des résultats !

 

Nous ne supprimerons pas l’école du socle, nous ferons mieux : nous généraliserons l’institution du conseil pédagogique et nous créerons un cycle à cheval sur le primaire et le secondaire. Les syndicats ont accepté cette mesure que beaucoup souhaitaient.

 

Après la priorité donnée au primaire, les ESPE constitueront le deuxième pilier de la refondation. Leur mission sera de garantir la compétence disciplinaire des enseignants, ce qui est essentiel, mais aussi de leur offrir les outils leur permettant de gérer des situations complexes. Quant à l’égalité des sexes, c’est une exigence fondamentale. Notre pays souffre à cet égard, y compris par rapport à l’Espagne, d’un retard dommageable, sensible notamment dans les disciplines scientifiques. Nous souffrons là de stéréotypes que les chefs d’entreprise jugent pénalisants pour l’économie. Les enseignants doivent donc être formés à les combattre.

 

Nous nous préoccupons également des violences à l’école, monsieur de Ganay : nous avons même inventé un métier, celui des assistants de prévention et de sécurité, que nous allons maintenant nous attacher à conforter en assurant leur place au sein de la communauté éducative. Nous avons également créé – ce à quoi il est curieux qu’on n’ait jamais songé – une délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, qui nous permettra d’être mieux informés de ces phénomènes pour former les personnels à y faire face et pour définir des plans de gestion de crise. L’urgence s’en faisait sentir même dans le primaire, où les maîtres se disent confrontés à des enfants de plus en plus turbulents.

 

Enfin, le troisième pilier de notre projet réside dans la réforme des rythmes scolaires. Vous vous interrogez à ce propos sur ma méthode : eh bien, c’est celle que dicte l’intérêt général sur un sujet où le diagnostic était consensuel. Le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) a certes émis un vote négatif sur le projet de décret, mais il a fait de même sur toutes les propositions de réforme de mes prédécesseurs. En revanche, la Commission consultative d’évaluation des normes s’est prononcée favorablement, par huit voix contre deux. Il est vrai que le front du refus était étendu au sein du CSE, entre les parents d’élèves qui souhaitaient réduire immédiatement la journée d’école à cinq heures dans une année de 38 semaines, et les enseignants qui réclamaient une légitime revalorisation salariale. Cependant, le vote négatif résulte avant tout d’abstentions et aucune contre-proposition n’a été formulée. Cette réforme se fera donc, mais nous devons la mener de la façon la plus intelligente possible car elle est difficile : en effet, elle ne consiste pas simplement à ajouter une demi-journée dans la semaine, elle conduit également à modifier l’organisation de la journée elle-même, ce qui ne s’est jamais fait jusqu’ici dans notre pays mais qui est nécessaire même si cela pose des problèmes aux collectivités.

 

La consultation préalable à l’élaboration de ce projet a été très large, et c’est d’ailleurs ce qui explique la publication tardive du décret, contre laquelle protestent certains élus – les mêmes qui ont demandé cette concertation et ont contribué par leurs demandes à ce qu’elle se prolonge. L’opposition des collectivités n’est d’ailleurs pas homogène, ce qui est compréhensible étant donné leur diversité. Nous essaierons de tenir compte au mieux de tout ce qui nous a été dit par les uns et par les autres, mais vient un moment où il faut avancer ! Très nombreuses sont du reste les villes qui ont décidé de s’engager dans la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires.

 

Je suis conscient que cette réforme exigera un effort certain, de la part des élus comme des professeurs, tant elle oblige à rompre avec des habitudes. La principale révolution sera celle du dialogue. Entre les professeurs, au premier chef, qui doivent apprendre à se connaître et à se respecter à quelque niveau qu’ils enseignent et quels que soient leur discipline et leur statut, afin de faire émerger une culture commune. Les enseignants de maternelle ou du primaire ne sont en rien inférieurs à ceux des universités. Il n’est pas question non plus d’ériger une barrière entre eux et ceux qui auront à prendre en charge les enfants après 15 heures 45 : il faut qu’ils se parlent. C’est à quoi travailleront les ESPE, écoles supérieures du professorat « et de l’éducation ».

 

Si je vous disais que tout sera formidable dès 2013 et qu’aucun problème d’encadrement ne se posera, je ne serais qu’un marchand d’illusions. Mais il est des circonstances où il faut, non reculer devant les difficultés, mais chercher résolument des solutions. Ainsi en ce qui concerne le financement. Les 250 millions d’euros que coûteront les trois heures du mercredi matin seront couverts par le budget de l’éducation nationale. Les collectivités ne verront donc pas leur charge s’alourdir en assumant celle des quatre séquences de 45 minutes. Cependant, il est vrai qu’il y aura là un morcellement qui imposera des contraintes et il est probable que ces séquences concerneront davantage d’enfants. Dès lors, il est normal que l’État accorde une aide. Assorti d’un mécanisme de péréquation sans précédent, le fonds que nous avons prévu à cet effet permettra de corriger les fortes inégalités d’offre éducative et péri-éducative qui existent aujourd’hui entre les communes et dont vous pouvez avoir une idée en vous reportant à l’étude d’impact du ministère de l’intérieur. Il complétera l’effort conduit en faveur des zones les plus en difficulté, y compris rurales, sur lesquelles seront concentrés le premier millier de postes qui vont être crées.

 

Le même souci de combattre les inégalités territoriales inspire d’ailleurs notre action en faveur de l’accès à internet. Le plan « Écoles numériques rurales » est certes bien construit et bien doté, mais il n’a pas permis de combler le retard pris dans l’équipement des écoles primaires. Pour assurer le raccordement au haut débit des établissements situés en zone rurale, nous avons par conséquent demandé et obtenu 150 millions d’euros pris dans l’enveloppe du Fonds européen de développement régional (FEDER) et nous avons signé une convention avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC). De plus, nous avons passé un accord avec le Commissaire général à l’investissement, M. Louis Gallois, pour développer une filière française du logiciel pédagogique, secteur dans lequel les pays anglo-saxons jouissent d’une large avance. Afin que ces investissements dans le numérique ne soient pas consentis en vain, les ESPE se chargeront de l’indispensable formation, initiale et continue, des enseignants.

 

Sur tous ces points, je le répète, le constat des difficultés, qu’elles soient celles du système actuel ou celles qu’il faudra surmonter pour l’améliorer, doit nous pousser à une action résolue.

 

Qu’est-ce qu’une morale laïque ? C’est une morale non confessionnelle, qui ne repose pas sur le fondement d’une Révélation. Elle doit rassembler, et non diviser. Autrefois, ce concept était compris de tous. Si l’on veut faire de la laïcité un nouveau dogme, on la dévoie, car elle repose précisément sur le contraire : sur l’esprit critique. Quant à la morale, qu’on confond trop souvent dans nos programmes avec le droit, elle renvoie à la notion d’obligation. La République s’est d’ailleurs construite sur le refus de séparer morale et politique. De la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen au refus de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en passant par l’affaire Dreyfus, il existe une continuité d’actes supérieurs aux lois. Tous les enfants savaient cela mais comme ce n’est plus le cas, cela doit être de nouveau enseigné et j’ai installé une mission chargée de l’organiser. Vous disposerez de ses conclusions pour vos débats.

 

La droite a supprimé l’apprentissage avant 16 ans en 2008, le jugeant inopérant. Elle l’a remplacé par un dispositif d’alternance qui s’adressait aux jeunes de 14 et 15 ans, mais la dernière évaluation dont celui-ci a fait l’objet a montré que n’y étaient entrés que quarante élèves de 14 ans, dans deux académies seulement. Il est donc supprimé pour cette classe d’âge, mais conservé pour les adolescents âgés de 15 ans, à condition qu’ils maîtrisent le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. En effet, on ne peut pas être à la fois partisan du socle, promu par la loi Fillon, et affirmer que, pour certains enfants, son acquisition est accessoire.

 

Le parcours éducatif d’information et d’orientation est une nouveauté dont l’enjeu est considérable pour notre système éducatif. Déjà introduit dans les premiers cycles universitaires, il doit maintenant être généralisé, notamment au collège.

 

L’éducation artistique sera, à l’école primaire, intégrée dans le temps scolaire – au même titre que la langue vivante, qui ne sera pas nécessairement l’anglais, madame Maréchal-Le Pen –, afin d’en garantir l’accès à tous. Cela n’exclut pas qu’elle puisse être présente aussi au sein des activités péri-éducatives : il reviendra aux collectivités d’en décider, dans le cadre du projet éducatif territorial dont je précise qu’il pourra ne pas être limité à des séquences de trois quarts d’heure.

 

Au total, ce projet de loi n’a pas pour objectif de tout embrasser. Il fixe des objectifs simples : refondation du primaire et de la formation des enseignants, et réforme des rythmes scolaires. C’est seulement une fois que les bases de notre système auront ainsi été consolidées que nous pourrons aborder d’autres sujets – éducation prioritaire, réforme du collège, etc. – pour réfléchir à d’autres améliorations.

 

Je suis convaincu toutefois qu’un débat parlementaire constructif peut nous permettre d’enrichir ce texte. Nous pourrons par exemple y aborder la question des langues régionales, mentionnée par beaucoup – mais je fais observer que le code de l’éducation autorise déjà à les enseigner, disposition à laquelle je ne touche pas : il ne s’agirait que de rajouter. Afin de permettre au pouvoir législatif d’exercer en totale liberté sa faculté d’amendement, je n’assisterai pas à vos débats en commission. Je m’engage, par ailleurs, à accepter les amendements, d’où qu’ils viennent, dès lors qu’ils concourront aux objectifs que nous avons fixés. En dépit des caricatures inhérentes au débat politique, l’enjeu de la refondation de l’école dépasse les clivages partisans. En nous confrontant à des sujets qui n’ont pas été traités jusqu’ici et qui méritent de l’être, nous portons l’ambition de la simplicité et du courage.

 

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

 

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République lors de sa séance du mercredi 20 février 2013.

 

M. le président Patrick Bloche. L’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, que nous entamons ce matin, ouvre une période de travail particulièrement intense pour notre Commission comme pour le Gouvernement, puisque nous allons délibérer sur une réforme cruciale pour l’avenir des plus jeunes de nos concitoyennes et concitoyens.

 

Nous nous sommes cependant préparés de longue main à cette course de fond, puisque nous avons consacré de nombreux débats et tables rondes aux principaux sujets traités dans ce projet de loi, tels que la priorité au primaire, les problèmes d’orientation ou encore la rénovation de la formation des enseignants. Parallèlement, notre rapporteur a mené un travail de longue haleine en conduisant toute une série d’auditions au bénéfice de l’ensemble des membres de notre Commission. Qu’il me soit permis, en votre nom à toutes et à tous, de le remercier pour son investissement personnel.

 

Notre réunion d’aujourd’hui sera consacrée à la discussion générale du projet de loi, l’examen des articles étant programmé à la semaine prochaine. Le délai de dépôt des amendements sera clos samedi prochain à treize heures. J’appelle tout particulièrement votre attention sur le fait que l’article 89 du Règlement de l’Assemblée nationale – aux termes duquel, conformément à l’article 40 de la Constitution, les amendements reçus par la Commission seront déclarés irrecevables s’ils entraînent la création ou l’aggravation d’une charge publique – s’appliquera, non seulement aux amendements proposés au projet de loi, mais également à ceux qui porteront sur le rapport annexé.

 

Je vous rappelle enfin que le ministre de l’éducation nationale, M. Vincent Peillon, a choisi de ne pas participer à nos travaux afin que la Commission puisse délibérer en toute indépendance. Je le remercie de cette décision, qui consacre le fait que c’est ici que la loi s’élabore.

 

M. Yves Durand, rapporteur. Comme vous l’avez dit, monsieur le président, la présente discussion générale n’est qu’une étape dans un long cheminement, notre Commission ayant déjà consacré de nombreuses discussions, auditions et tables rondes aux points essentiels de ce projet de loi. Cela me permet de limiter ce propos liminaire à l’exposé de la raison d’être et des grands principes de ce projet de loi.

 

C’est la première fois depuis bien longtemps que notre école fait l’objet d’une loi à la fois d’orientation et de programmation. Et c’est cette caractéristique qui explique la présence d’un rapport annexé donnant la répartition des moyens consacrés à l’action gouvernementale en faveur de l’éducation, conformément à notre engagement d’en faire une des priorités du quinquennat.

 

Si ce texte vise à la « refondation » de notre système éducatif, c’est qu’une simple réforme ne suffirait pas à remédier aux dysfonctionnements actuels. Quand chaque année 150 000 jeunes restent sans qualification à l’issue de leur parcours scolaire et sont ainsi voués au chômage et aux périls qu’il entraîne, c’est le système éducatif dans son ensemble qui est en cause, et non les enseignants, qui font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont. À rebours de sa vocation, qui est de les réduire, l’école républicaine reproduit les inégalités et, pis, les aggrave : je ne détaillerai pas ici un diagnostic qui a été posé dans maintes études internationales comme dans maints rapports nationaux, tels ceux de la Cour des comptes.

 

Il fallait donc, non se borner à réformer l’école, mais bien la refonder en sorte qu’elle retrouve les missions, les principes fondateurs et le « souffle » de l’école républicaine. Il fallait recréer des fondations sur lesquelles bâtir ensuite un système cohérent. Cette loi ne vise donc pas à accomplir, mais à commencer la reconstruction de l’école : elle lance une dynamique, elle ne la clôt pas.

 

C’est la raison pour laquelle ce texte n’embrasse pas tout le champ éducatif. Certains d’entre vous s’en sont inquiétés, notant qu’il traite peu du collège et du lycée, notamment du lycée professionnel, mais c’est précisément un parti pris de ce projet de loi que de donner la priorité au premier degré, afin d’enclencher une dynamique qui s’étendra dans un deuxième temps aux autres degrés d’enseignement.

 

Quant aux principes, ce projet de loi comporte une nouveauté absolue : c’est la première réforme de l’éducation nationale qui aborde le système éducatif par la pédagogie, et non par les structures. Elle ne vise pas en effet à aménager telle ou telle filière, tels ou tels horaires : son objectif est une véritable transformation de la pédagogie, parce que c’est celle-ci qui est au centre de l’acte éducatif.

 

Cette réforme se distingue également en ce qu’elle fait de l’école maternelle et surtout de l’école primaire sa priorité. C’est en effet là que tout commence, là que les savoirs fondamentaux, tels que lire, écrire, compter, doivent être acquis. Or trop d’élèves aujourd’hui ne les maîtrisent pas à l’entrée au collège, et sont de ce fait voués à l’échec scolaire – ce qui conduit certains à remettre en cause l’existence même du collège unique, alors que le projet de loi en réaffirme la nécessité car le mal vient de plus loin. C’est aussi au niveau de l’école primaire que les inégalités se créent.

 

Il est plus efficace de prévenir l’échec et le décrochage scolaires que de tenter d’y remédier a posteriori. C’est donc, je le redis, parce que ces maux s’enracinent dans l’école primaire que le projet de loi vise à concentrer les efforts sur ce niveau d’enseignement, en ce qui concerne tant la pédagogie que les moyens.

 

L’objectif d’avoir « plus de maîtres que de classes » là où cela est nécessaire du point de vue culturel et social illustre ce double choix de concentrer les efforts sur le primaire et de réformer les méthodes d’enseignement. Comme nous le disait le nouveau directeur général de l’enseignement scolaire, M. Jean-Paul Delahaye, il ne s’agit pas d’accorder aux écoles un maître supplémentaire, mais de créer les conditions d’une véritable révolution pédagogique : de permettre le travail en petits groupes, l’éclatement des classes, voire celui des emplois du temps, la liberté pédagogique, en un mot une transformation profonde du travail des enseignants, qui favorisera la réussite des élèves grâce à la personnalisation des parcours pédagogiques.

 

Encore faut-il que les enseignants y soient préparés par une formation adéquate, et nous abordons là la deuxième priorité, voire le cœur même du projet de loi : la formation des maîtres. Comme chacun sait, la mise en place de la mastérisation a entraîné la suppression de fait de la formation professionnelle des maîtres, au détriment de la réussite des élèves. La priorité est de restaurer cette formation. Il ne s’agit de recréer ni les écoles normales ni les IUFM, qui ont fait leur temps et sont incapables de répondre aux besoins actuels de formation. C’est pourquoi il nous est proposé de créer des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE. Le choix de nommer ces établissements « écoles » n’est pas indifférent : il signifie que, même s’ils sont créés au sein des universités, ils doivent préserver leur identité propre d’écoles professionnelles. C’est la première fois à ma connaissance qu’est instituée, en plus de la formation universitaire, une formation professionnalisante des maîtres, à travers un tronc commun d’enseignements. Cette dimension sera d’ailleurs présente dès la préparation du recrutement : une sensibilisation au métier d’enseignant est prévue dès la troisième année de licence, dans l’esprit qui a déjà présidé à la création des emplois d’avenir professeur.

 

Deuxième caractéristique, il s’agira d’écoles du professorat « et de l’éducation » : cela signifie qu’elles seront chargées de la formation, non pas seulement des enseignants, mais de toutes les professions éducatives – éducateurs, formateurs, etc. Nous considérons en effet que l’éducation n’est pas le fait de la seule école et qu’elle constitue un métier dont relèvent des professions diverses.

 

Le projet de loi fait de la continuité éducative sa troisième priorité. En cela, il ne fait que tirer les conséquences de la « loi Jospin » de 1989 et de la « loi Fillon » de 2005 : il consacre le respect du rythme d’acquisition des enfants en réaffirmant la politique des cycles ; il confirme le principe selon lequel l’enseignement obligatoire doit se solder par l’acquisition d’un socle commun qu’il élargit en « socle commun de connaissances, de compétences et de culture ». L’acquisition de ce socle commun suppose une continuité éducative entre l’école élémentaire et le collège, ce que certains appellent « l’école du socle ». Ce principe se traduit dans le projet de loi par l’instauration d’un cycle commun entre le CM2 et la 6ème, par la création de structures communes au collège et à l’école élémentaire et par la mise en place d’apprentissages communs aux enseignants de ces deux degrés. Il reviendra au futur Conseil supérieur des programmes – remplaçant le Conseil national des programmes supprimé par la loi de 2005 – de revoir l’organisation des programmes dans la perspective de cette continuité. Le futur Conseil national d’évaluation du système éducatif aura, quant à lui, la charge d’évaluer ces politiques.

 

S’agissant enfin de l’enseignement numérique, ce projet de loi n’en fait pas la panacée, la solution de tous les problèmes de notre système éducatif. Il lui donne sa place, toute sa place, mais rien que sa place : celle d’un levier pour la transformation de la pédagogie et, dès lors, il ne saurait en aucun cas se substituer au service public de l’éducation.

 

Je voudrais affirmer en conclusion le caractère véritablement refondateur de ce projet de loi, même si, hormis le rapport annexé qui pose les grandes orientations, il ne semble apporter que des modifications purement techniques au code de l’éducation. En effet, ce texte vise à transformer l’acte éducatif qui est au cœur même de l’école. Mais il s’agit aussi, par là même, d’un texte dynamique qui jette les bases d’une vaste transformation de l’ensemble du système scolaire. De ce fait, il propose à la fois des réponses d’urgence et des pistes pour l’avenir.

 

Mme Martine Faure. Je tiens à vous remercier, monsieur le rapporteur, pour le sérieux et la profondeur de votre rapport, sans concession mais chargé d’espoir, et nourri par les nombreuses auditions que vous avez conduites. Je veux également saluer le courage et la détermination du gouvernement, de M. Vincent Peillon en particulier, qui entreprend à travers ce projet de loi d’orientation et de programmation d’ouvrir notre école à toutes les transformations et à toutes les réussites.

 

Depuis plus de dix ans, les ministres successifs de l’éducation nationale s’étaient enfermés dans une vision strictement comptable de l’école, contribuant ainsi, par leur absence de vision et par leur refus de répondre aux difficultés, au découragement de l’ensemble de la communauté éducative, dont nous devons aujourd’hui reconquérir la confiance.

 

Élevé par le Président de la République au rang de priorité de la nation, l’objectif de ce texte est la réussite de tous les élèves. Il constitue une étape décisive de la refondation de la maison École, de la maternelle à l’université. Aussi long, aussi difficile, voire aussi douloureux que soit le chemin à parcourir, il était urgent de commencer à le tracer. Pour cela, on s’est appuyé sur une large concertation : enseignants, représentants des parents d’élèves et des lycéens, collectivités territoriales, parlementaires, chercheurs, universitaires ont été associés à l’élaboration de ce texte.

 

Je me réjouis particulièrement de la priorité qui y a été donnée à l’école primaire, car il était essentiel de redonner ses missions au premier degré. L’école maternelle doit redevenir le lieu où tous les enfants bénéficient des mêmes conditions d’accueil et de préapprentissage. Quant à l’objectif « plus de maîtres que de classes », il permettra de renouveler les méthodes pédagogiques. Les passerelles que ce texte jette entre le primaire et le collège sont tout aussi fondamentales – et, tout en préservant la spécificité de la maternelle, il faudra assurer avec la même exigence la transition avec l’école primaire. D’autre part, le recrutement de 60 000 enseignants assurera l’encadrement nécessaire à un enseignement de qualité : quoi qu’on ait dit, on ne peut enseigner à trente élèves comme on le fait à vingt-deux ou à vingt-quatre.

 

S’agissant des enseignants, les ESPE doivent être le lieu de leur formation professionnelle commune, qu’ils soient appelés à enseigner dans le primaire, dans le secondaire, à l’université ou dans les filières professionnelles. Il est urgent par ailleurs de restaurer une véritable formation continue des maîtres, d’autant que ceux-ci sont tout disposés à fournir les efforts nécessaires pour renouveler des conceptions pédagogiques qui ont parfois vieilli.

 

Le numérique doit devenir un outil essentiel de la réforme pédagogique, même si, comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, il n’a pas vocation à se substituer à l’enseignant.

 

Il faut également mettre tout en œuvre pour que chaque élève puisse acquérir un socle commun de connaissances, de compétences et de culture lui permettant d’aller au bout de ses possibles.

 

Cette refondation prendra du temps, mais cette première étape est essentielle pour la construction de l’école de demain, une école juste pour tous et exigeante pour chacun, selon l’expression de Vincent Peillon, une école assurant l’égalité des chances de tous les élèves et faisant confiance à ses équipes pédagogiques.

 

Sans ignorer les difficultés que nous aurons à surmonter, s’agissant d’apporter une solution collective à des besoins individuels, voire individualistes, nous pouvons cependant tous nous retrouver autour de ce projet. D’ores et déjà, l’engagement du gouvernement et de sa majorité a permis de mettre l’école au premier plan des préoccupations : on parle enfin dans notre pays de nos enfants et de l’avenir de notre société ! J’espère que le sujet restera au cœur de nos débats tout au long de l’examen de ce texte et au-delà.

 

M. Xavier Breton. On ne peut que se féliciter, monsieur le président, de votre décision de consacrer toute cette séance à la discussion générale. Je voudrais également vous remercier, monsieur le rapporteur, pour le sérieux et la cohérence de votre travail : étant donné les attentes suscitées par ce projet de loi de refondation de l’école, il était essentiel que nous puissions entamer ce débat dans les meilleures conditions.

 

Le groupe UMP a choisi de mettre en exergue trois constats et de juger ce projet au regard des trois exigences qui en découlent.

 

Premier constat : on a tellement demandé à l’école au cours des dernières décennies, comme s’il lui incombait de pallier toutes les insuffisances de la société et de la famille, que la communauté éducative est totalement déboussolée et incapable d’assurer sa vocation première, comme le prouve le creusement des inégalités. La première nécessité est donc de recentrer l’école autour de priorités.

 

Deuxièmement, notre système éducatif souffre d’un excès de centralisation qui tend à étouffer les initiatives. Il est incapable de prendre en compte la diversité des élèves, d’accorder une autonomie suffisante aux établissements et de faire confiance aux enseignants, alors même que l’« effet maître » est primordial dans la réussite éducative. Il faut accorder plus de liberté aux acteurs, valoriser la diversité des élèves et prendre en compte les différences sociales et territoriales.

 

Troisième constat : l’école n’est plus, depuis des décennies, portée par une ambition partagée par l’ensemble de la nation : elle est devenue un sujet de clivage plutôt que d’unité, d’où l’incapacité à mener des réformes quelles qu’elles soient.

 

Au regard de ces trois constats, notre analyse du projet de loi nous conduit à marquer des points d’accord et des points de désaccord, mais surtout à poser des points d’interrogation.

 

Tout d’abord, un certain nombre d’éléments de ce texte nous font craindre que nous n’allions pas vers le nécessaire recentrage de l’école. L’ajout du mot « culture » tend à brouiller la définition du socle commun de connaissances et de compétences issu de la « loi Fillon », qui faisait pourtant l’unanimité. La place donnée à l’éducation artistique et culturelle et à l’apprentissage d’une langue étrangère dès le cours préparatoire ne va pas non plus dans le sens d’un recentrage de l’école autour de sa mission de transmission des acquis fondamentaux. De même, si nous sommes favorables au développement de l’accueil des enfants de moins de trois ans dans les zones où celui-ci est nécessaire, sa généralisation n’a pas forcément le caractère prioritaire que lui assigne le projet de loi.

 

Ce défaut de recentrage se traduit également par un certain manque d’exigence. Ainsi le texte propose de remplacer l’évaluation annuelle de la progression des élèves à l’école primaire par une évaluation « régulière » sans qu’on sache ce que recouvre ce mot. De même, on s’interroge sur l’évaluation « positive », censée se substituer à la « notation sanction » : n’est-ce pas s’exposer au risque d’un renoncement à toute exigence à l’égard de l’enfant ?

 

Deuxièmement, ce texte risque d’accroître la rigidité d’un système éducatif qui a besoin au contraire d’une plus grande liberté. Ainsi, la composition des futurs Conseil supérieur des programmes et Conseil national d’évaluation du système éducatif ne garantit en rien leur indépendance vis-à-vis du ministère de l’éducation nationale. D’autre part, si nous sommes pour le développement du numérique à l’école, l’organisation d’un service public de l’enseignement numérique ne nous semble pas susceptible de favoriser la liberté pédagogique dans ce domaine. Nous partageons en outre l’inquiétude que nous avons ressentie chez le rapporteur : celle de voir ce service public entrer en concurrence avec celui de l’éducation.

 

La réaffirmation du principe du collège unique est un autre facteur de rigidité et d’uniformité, d’autant qu’on supprime par ailleurs les dispositifs de préapprentissage institués par la « loi Cherpion ».

 

S’agissant de l’école primaire, nous regrettons que le texte ne propose aucune avancée vers un statut du directeur d’école, qui contribuerait pourtant à assouplir la gestion de notre système éducatif. Quant à l’école maternelle, elle risque de se refermer sur elle-même si nous votons la création d’un cycle spécifique, projet quelque peu paradoxal au moment où on cherche à rapprocher l’école et le collège.

 

L’approche purement quantitative du recrutement des enseignants risque également de constituer une rigidité supplémentaire, alors que le problème réside bien plutôt dans la qualité de ce recrutement, en raison de conditions de travail qu’il faudrait dès lors chercher à améliorer pour rendre le métier plus attractif. Or nous ne trouvons dans le projet de loi rien qui aille en ce sens.

 

Même l’inscription dans la loi des projets éducatifs territoriaux est grosse de risques d’uniformisation dans l’hypothèse d’une mise en œuvre centralisée de ces projets.

 

Enfin, le projet de loi ne va pas dans le sens d’une ambition nationale partagée pour notre école. Certes, nous pouvons faire nôtre le constat qui le fonde, celui d’un système éducatif qui fonctionne mal, et ce depuis plusieurs décennies, comme vous le reconnaissez dans votre rapport – et, dès lors, focaliser ses critiques sur la politique menée au cours des cinq ou dix dernières années, comme le fait le ministre de l’éducation nationale, ne me semble pas le bon moyen de faire partager son ambition en faveur de notre école. Nous pouvons également approuver les quatre objectifs mentionnés dans l’exposé des motifs. Nous nous interrogeons en revanche sur les modalités de leur mise en œuvre. Ainsi, si nous sommes d’accord pour fonder notre système éducatif sur les valeurs de la République, il faudra s’assurer que nous avons la même conception de ces valeurs, s’agissant par exemple de l’égalité entre les sexes ou de la laïcité.

 

On voit qu’il reste beaucoup de questions en suspens. Si nous ne parvenons pas à y apporter des réponses communes, nous manquerons l’occasion d’opérer une véritable refondation de notre école. Ne répétons pas l’erreur commise avec la réforme des rythmes scolaires !

 

Mme Barbara Pompili. La refondation de l’école est une priorité urgente, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve notre système scolaire. Ainsi la dernière enquête PISA montre qu’aujourd’hui, en France, l’origine sociale reste le facteur déterminant de la réussite scolaire. Nous sommes loin, trop loin du modèle de l’école de la République, garante de l’égalité des droits sans condition d’origine ou de moyens !

 

Pour renouer avec ses missions, l’école a donc besoin d’une refondation digne de ce nom. Ce constat est partagé par la majorité des acteurs du monde de l’éducation, comme il ressort des nombreuses auditions auxquelles j’ai participé – dont certaines organisées par vous, monsieur le rapporteur, et je tiens à ce propos à saluer le sérieux et la rigueur avec lesquels vous avez mené vos travaux. Représentants des syndicats et des associations, professionnels : tous m’ont fait part de la nécessité de réformer en profondeur l’école, car la situation n’a cessé de se dégrader depuis dix ans, avec une mastérisation qui a détruit toute formation digne de ce nom – pour ne pas parler du décret de 2008 sur les rythmes scolaires.

 

Mme Isabelle Attard et moi-même l’avons dit ici à plusieurs reprises : les écologistes soutiennent cette volonté de refondation, en particulier la priorité donnée à l’école primaire. Et parce que nous souhaitons une refondation globale et ambitieuse, à la hauteur des attentes qui se sont exprimées, nous proposerons des amendements en vue d’améliorer ce projet de loi, en espérant qu’ils rencontreront un écho favorable.

 

Tout d’abord, nous souhaitons aller plus loin dans la définition des projets éducatifs territoriaux. En effet, ceux-ci joueront un rôle central dans la réforme des rythmes, dans le développement de l’innovation pédagogique et des expérimentations et dans la recherche d’un nécessaire équilibre entre le cadre national et l’adaptation aux spécificités locales.

 

Ces projets éducatifs territoriaux doivent organiser une continuité éducative entre le temps scolaire et les autres temps de l’enfant. Ils doivent ainsi assurer la cohérence entre activités scolaires et activités périscolaires, en impliquant l’ensemble des acteurs concernés : communauté éducative, parents, associations – dans lesquelles il faudrait comprendre celles qui s’occupent du handicap – et, bien sûr, collectivités territoriales car c’est aussi dans le cadre d’une « co-construction » des projets que leur rôle doit être appréhendé, étant entendu qu’il conviendrait de réfléchir à la pérennisation et au renforcement du dispositif de péréquation.

 

Ensuite, nous souhaitons que la refondation permette des évolutions pédagogiques. Les projets éducatifs territoriaux et la réforme des rythmes ouvrent à cet égard le champ des possibles. Alors soyons audacieux, sortons du carcan conservateur ! Il s’agit d’ouvrir l’école sur l’extérieur, à d’autres acteurs, en revoyant les emplois du temps de manière à donner vie à des projets collectifs. La réforme des rythmes doit susciter une réforme des pratiques. Dans cet esprit, nous déposerons des amendements posant un droit à l’expérimentation et à l’innovation pédagogique et visant à ouvrir les établissements aux associations, en particulier aux associations d’éducation populaire.

 

Enfin, nous appelons de nos vœux une gouvernance plus ouverte. Il faudrait en particulier y donner plus de place aux élèves et à leurs parents.

 

Pour ce qui est de la pédagogie, nous prônons une révision profonde du système de notation, l’interdiction de la notation chiffrée à l’école primaire et, à tout le moins, l’instauration d’une notation positive par la suite. L’école ne doit pas être le lieu d’apprentissage de la compétition.

 

De façon plus globale, il convient de repenser la totalité du système d’évaluation des élèves, du cours préparatoire au baccalauréat. En effet, les modalités d’examen sont elles aussi à revoir. Comment peut-on encore raisonnablement considérer qu’un 12 sur 20 en mathématiques « rattrape » un 8 sur 20 en français ?

 

Au-delà des connaissances, il faut aussi s’intéresser aux compétences. Dans la mesure où un parcours culturel et artistique est prévu, pourquoi ne pas s’appuyer sur l’enseignement moral et civique pour créer aussi un parcours citoyen ? Et pourquoi pas un parcours professionnel, pour chaque élève ? Nous proposerons plusieurs amendements en ce sens, concernant aussi bien le brevet que le bac.

 

Vous ne serez pas surpris, d’autre part, que nous souhaitions faire du redoublement une réelle exception.

 

Je tiens à insister sur la nécessité d’aller plus loin aussi dans la scolarisation des élèves handicapés. Parler d’accueil et d’accompagnement ne suffit plus. Nous demanderons une meilleure adaptation des locaux, davantage de personnels dédiés et une formation plus poussée des équipes pédagogiques et des enseignants.

 

Enfin, concernant la formation des enseignants, nous avons exprimé à plusieurs reprises des demandes précises : davantage de moyens pour la formation continue, qui est le véritable levier de la refondation de l’école ; un concours en troisième année de licence afin que les deux années de master soient réellement consacrées à la formation ; un prérecrutement digne de ce nom. Les emplois d’avenir professeur et l’organisation envisagée actuellement nous paraissent en effet perfectibles.

 

Vous le constatez, les pistes que nous proposons d’explorer sont nombreuses, et nous sommes impatients d’entrer dans le cœur du débat.

 

Je terminerai par un petit mot à l’intention de mes collègues de l’opposition. J’ai appris que, la semaine dernière, certains d’entre vous s’étaient émus de mon absence à la fin de la discussion de la proposition de la loi visant à prévenir la violence en milieu scolaire. J’ai été touchée par cette marque d’attention mais, comme M. le président de la Commission vous l’a précisé, j’étais tenue par mes obligations de présidente de groupe. Rassurez-vous toutefois : la coprésidence que nous avons instaurée avec M. François de Rugy nous permettra de mieux nous organiser. Je serai ainsi pleinement disponible pour prendre toute ma part dans ce débat essentiel !

 

M. Rudy Salles. Je tiens tout d’abord à féliciter le rapporteur pour le travail qu’il a accompli afin de préparer l’examen de ce projet de loi.

 

Globalement, nous sommes d’accord sur les constats, qu’il s’agisse de la dégradation des résultats et des acquis de nos élèves dans les comparaisons internationales ou de l’aggravation constante des inégalités scolaires et territoriales, et nous partageons votre souhait de combattre le décrochage scolaire. Soulignons toutefois que le phénomène n’est pas récent, contrairement à ce qu’affirme Mme Martine Faure : il s’étale sur au moins trente ans. Il n’y a pas non plus ici de députés qui n’aimeraient pas l’école – nous l’aimons tous – et les gouvernements successifs ont tous fait des efforts et connu des succès et des échecs. Il en sera de même de l’actuel ministre de l’éducation nationale, comme je le lui ai d’ailleurs dit. Alors, gardons-nous de toute caricature si nous voulons travailler sérieusement sur ce sujet très important.

 

Quatre grands points me semblent faire consensus : la priorité donnée au primaire pour prévenir au plus tôt les difficultés ; la formation des enseignants et des personnels d’éducation, avec une entrée progressive des premiers dans le métier ; une formation de l’élève qui aille au-delà de la seule instruction pour englober l’enseignement moral et civique ainsi que l’éducation artistique et culturelle ; l’instauration, enfin, d’un parcours d’orientation débutant le plus précocement possible, afin d’éviter une orientation « subie ».

 

En revanche, j’exprimerai une réserve de fond : cette réforme ne tient pas suffisamment compte de l’environnement des élèves, qui a évolué au fil des décennies et influencé leur comportement. Le rapport reste muet sur ces transformations profondes – fragilisation des structures familiales et des relations intergénérationnelles, importance croissante des dispositifs périscolaires, règne du consumérisme et du zapping médiatique…

 

Je formulerai aussi des critiques.

 

Certes, malgré le flou du dispositif, nous pouvons saluer la réforme de la formation initiale des enseignants, mais rien de concret ne permet de crédibiliser certaines déclarations d’intention quant aux moyens dont disposeront les ESPE et quant à la formation continue de ces maîtres.

 

S’agissant du numérique, nous regrettons l’absence de toute référence à une formation critique des jeunes aux médias et à l’information. La focalisation sur les seuls apports fonctionnels du numérique, à la fois comme outil et comme ressource, me semble un peu dangereuse. Le texte souffre à cet égard d’une vision quasi industrielle, sans finalité culturelle ni citoyenne.

 

D’autre part, il ne traite pas de l’éducation prioritaire ni de la mixité sociale, sinon de façon incidente. Mais il fait référence à l’enseignement « moral ». Attention à ce que ce ne soit pas un enseignement « doctrinal » ! (Exclamations parmi les commissaires SRC). Vos réactions montrent que vous avez compris de quoi il est question…

 

L’aide personnalisée est remplacée par un temps d’activité pédagogique complémentaire, en petits groupes et hors temps scolaire. Aucun cadrage national n’en fixe les modalités. Rien non plus sur la violence à l’école ni sur les moyens d’assurer un cadre serein aux élèves – mais, de cela, nous parlerons dans l’hémicycle quand y viendra en discussion la proposition de loi de M. Claude de Ganay.

 

Certaines mesures ne figurent pas dans ce projet de loi alors qu’elles avaient été abordées dans le cadre de la concertation. Ainsi rien n’est prévu en matière de décentralisation des centres d’orientation ou de carte scolaire. On peut aussi s’interroger sur la place faite aux collectivités territoriales dans la mise en œuvre de cette réforme, d’autant que pas un mot n’est dit sur celle des rythmes scolaires, qui a réussi à fédérer beaucoup de monde contre elle. Quelles aides spécifiques seront allouées aux collectivités ? Quelle concertation ? Quelles modalités d’association des acteurs de terrain ? Selon quel calendrier ? Nous l’ignorons !

 

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, les interrogations du groupe UDI à propos de ce texte. Nous attendons des réponses, si possible assorties de dates et de chiffres.

 

M. Thierry Braillard. Selon le rapport annexé, la promesse républicaine serait de « permettre la réussite de tous ». Nous pensons plutôt que la promesse républicaine est de faire de l’école le vecteur essentiel de la mobilité sociale : de permettre à chacun de devenir ce qu’il souhaite être – ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

 

Pour nous, investir dans l’éducation, c’est investir dans la jeunesse, dans notre avenir. Ce ne sont pas que des mots. Et avant d’apprécier ce projet de loi, il nous semble opportun de dresser un bilan – à cet égard, j’apprécie l’honnêteté de nos collègues de l’opposition qui reconnaissent qu’il est extrêmement négatif.

 

L’effort éducatif de la nation a baissé de 15 % entre 2000 et 2011, passant de 7,5 % à 6,5 % du PIB. Et au-delà d’un manque criant de moyens, tout un système s’est désorganisé. Le rapport de notre collègue Yves Durand est à cet égard implacable. L’école n’a pas su répondre aux défis de l’hétérogénéité de ses élèves, continuant à privilégier ceux qui ne rencontraient pas de difficultés particulières et laissant se creuser inexorablement le fossé entre eux et les autres. Elle se trouve ainsi à l’origine même de la fracture sociale et de la fracture spatiale.

 

Que 140 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification ni diplôme est intolérable. Déjà, quatre écoliers sur dix arrivent en 6ème avec de graves lacunes ; au lieu de résorber leurs difficultés, le collège les renforcera.

 

L’école primaire a vu ses moyens réduits : quand la nation dépense 100 euros pour un élève de l’enseignement élémentaire, elle en dépense 141 pour un collégien et 196 pour un lycéen.

 

Le rapport nous rappelle aussi combien les rythmes scolaires sont insatisfaisants : avec 24 heures de classe sur quatre jours seulement, nos élèves ont les horaires plus lourds de tous les pays de l’OCDE, ce qui entraîne fatigue et manque de concentration. Si l’on se souvient que cette organisation a été imposée en 2008 sans concertation, comment admettre les leçons qu’on veut aujourd’hui nous donner sur la réforme de ces mêmes rythmes scolaires ?

 

L’école oriente mal : malgré la réforme de novembre 2009, la voie professionnelle reste stigmatisée. Elle manque aussi cruellement de moyens humains, ayant été privée de 74 432 emplois entre 2007 et l’été 2012. Si l’on ajoute à cela les difficultés d’accueil des plus petits et la formation critiquable dispensée par les IUFM, on ne peut que se réjouir de ce projet de loi de refondation !

 

Il vise à donner de nouvelles fondations à une institution qui en a bien besoin. Le groupe RRDP estime que son économie générale est à la hauteur de cette ambition. Aussi, monsieur le rapporteur, durant les débats, vous nous aurez la plupart du temps à vos côtés.

 

Vous nous aurez à vos côtés parce que vous accordez des moyens à l’école : des recrutements, mais surtout une formation repensée et réorganisée ; parce que vous donnez la priorité au primaire, dont vous entendez réformer les rythmes et le contenu des enseignements ; parce que vous prenez en compte le numérique ; parce que vous prévoyez de rénover le système d’orientation et d’insertion professionnelle.

 

Notre groupe compte, pour sa part, insister sur plusieurs points.

 

Tout d’abord sur l’exigence de la coéducation, pour résorber l’échec scolaire. Le projet éducatif territorial est un bon outil, mais il faut aller au-delà et créer les conditions du dialogue entre les différents acteurs, dont les parents.

 

Ensuite, sur le rôle important des collectivités territoriales, qui sont responsables de l’homogénéité des établissements scolaires sur le territoire, ainsi que du numérique. C’est d’ailleurs pourquoi, monsieur le président, je renouvelle le souhait que nous invitions Mme Fleur Pellerin : en effet, s’il est bon de vouloir introduire le numérique dans les écoles, encore faut-il que le haut débit, sinon le très haut débit, soit accessible partout. Or notre pays compte encore trop de zones blanches.

 

Nous insisterons aussi sur l’utilité d’un enseignement moral et civique, sur la reconnaissance de la spécificité de l’école maternelle et sur l’apport du conseil école-collège. Enfin, et surtout, à la suite du rapporteur, sur la nécessité de « rendre l’école plus juste et plus ouverte ». Cela suppose de lutter contre la ségrégation et de faire plus d’efforts encore en faveur de la mixité sociale, de renforcer les moyens de l’école, de recréer les postes de RASED supprimés et de développer les écoles ouvertes.

 

En conclusion, ce sera à nous, durant le débat parlementaire, d’œuvrer à la réussite des ambitions que porte ce projet de loi, pour plus d’égalité, de justice et de démocratie.

 

M. le président Patrick Bloche. Il va de soi que nous serons amenés à auditionner Mme Fleur Pellerin.

 

M. Jean-Pierre Le Roch. Le 9 février 2012 à Orléans, dans un grand discours sur l’école et la nation, François Hollande déclarait qu’il n’y aurait pas de reprise économique durable pour la France sans investissement dans son école. Il définissait ainsi pour la première fois la priorité qui constitue le grand dessein de cette législature.

 

La mission républicaine de l’école a été mise à mal par la gestion arithmétique et comptable dont elle était l’objet ces dernières années – et non ces dernières décennies : rappelons que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux s’est traduit dans ce secteur par la suppression de 60 000 équivalents temps plein entre 2007 et 2012, d’où l’impossibilité d’assurer cette mission et l’accroissement des inégalités entre les élèves.

 

La grande concertation lancée par le ministère a permis de poser clairement le diagnostic et de définir les priorités auxquelles le présent projet de loi vise à répondre.

 

Première priorité : l’enseignement primaire, qui avait été sacrifié ces dernières années. Le nombre des enfants de moins de trois ans accueillis à l’école a diminué ; 300 000 élèves du CM2 présentent de graves lacunes à l’entrée en collège ; les dépenses annuelles par élève sont inférieures de 5 %, pour l’école maternelle, et de 15 %, pour l’école primaire, au niveau moyen constaté dans les pays de l’OCDE.

 

Deuxième priorité : la formation des enseignants. Elle sera restaurée grâce à la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

 

Troisième priorité : la réforme des rythmes scolaires, pour le bien-être des enfants.

 

Enfin, dernière priorité, la résorption de la fracture qui traverse l’école républicaine contribuera à la réussite de l’ensemble des élèves, quels que soient leur origine sociale et leur lieu de scolarisation.

 

M. Patrick Hetzel. Il faut reconnaître l’importance du travail réalisé par notre rapporteur, même si l’on ne partage pas l’ensemble de ses analyses.

 

Cela étant, je m’élève contre l’affirmation selon laquelle le gouvernement précédent aurait imposé la semaine de classe de quatre jours. Ce n’est qu’une rumeur, relayée par la presse. L’objectif de Xavier Darcos n’était que de supprimer les cours du samedi matin, les conseils d’école ayant tout loisir d’opter entre une semaine de quatre jours et une semaine de quatre jours et demi. C’est d’ailleurs ce dernier choix qui a été fait à Périgueux, où l’on a rétabli les cours du mercredi matin.

 

On prétend également que le gouvernement précédent aurait supprimé la formation des enseignants : c’est faire peu de cas de celle qui était dispensée par les universités, dans le cadre des masters !

 

Mais revenons à ce projet. L’article 55 vise à favoriser l’utilisation des ressources numériques sans que soit jamais soulevée la question de la liberté pédagogique. Or l’article 10 organise un service public de l’enseignement numérique dont la création pourrait déboucher sur un véritable monopole d’État et devenir « liberticide ».

 

Cette disposition peut d’autant plus inquiéter qu’elle est de nature à favoriser un phénomène qui se développe depuis une bonne trentaine d’années, notamment dans le primaire, et dont je m’étonne que vous ne le preniez nulle part en compte : je veux parler du « zapping pédagogique » qui, selon certains spécialistes, contribue à la dégradation de la performance scolaire dans la mesure où il prive du cadre de référence donné par le manuel.

 

Sur ces deux points, ni le projet de loi, ni le rapport n’apportent des réponses. J’espère donc que nous pourrons y revenir au cours du débat.

 

Mme Colette Langlade. J’insisterai pour ma part sur deux des qualités de ce projet de loi : sa lisibilité et son caractère ambitieux.

 

Comme notre rapporteur l’a souligné, la priorité sera clairement donnée à l’école maternelle et à l’école primaire. Le collège et le lycée, y compris le lycée professionnel, en bénéficieront ensuite, grâce à un niveau de culture et de compétences, sanctionné par le baccalauréat, qui ouvrira à tous les jeunes l’accès aux études supérieures et à un projet professionnel.

 

S’agissant spécifiquement de l’enseignement professionnel, j’ai relevé l’expression très positive de « campus des métiers » et je me peux que me réjouir de la suppression, par l’article 38, du dispositif d’initiation aux métiers de l’alternance (DIMA) institué pour les jeunes de moins de quinze ans par la « loi Cherpion » du 28 juillet 2011.

 

La valorisation de l’enseignement professionnel est de nature à éviter le décrochage scolaire. Y contribueront la modernisation de la carte des formations, en partenariat avec le rectorat et surtout avec les partenaires sociaux et avec les collectivités territoriales, et le dialogue obligatoire avec les comités de coordination régionaux de l’emploi et de la formation professionnelle, afin de mieux adapter les formations aux spécificités des territoires et des différentes filières, et de développer ainsi des métiers au service du redressement productif.

 

Ce projet de loi est donc ambitieux et il répond aussi à une attente de longue date en ce qu’il suit une chaîne logique : formation, orientation, développement économique, aménagement du territoire, recherche et innovation, pour favoriser l’emploi.

 

M. Benoist Apparu. Bien sûr, monsieur le rapporteur, je ne peux que vous féliciter pour l’excellent travail que vous avez fourni ces dernières semaines. Reste que nous sommes en désaccord sur plusieurs points.

 

Premièrement, selon vous, il s’agirait d’un texte de « refondation ». Mais sur quelles fondations s’appuie le système éducatif français, sinon sur le statut des personnels et sur celui des établissements ? Or ce projet ne touche ni à l’un, ni à l’autre. Ce n’est qu’un « ripolinage », un coup de pinceau passé sur le système scolaire. Les experts sont d’ailleurs unanimes pour estimer qu’il n’y a rien dans ce texte. Sincèrement, nous attendions autre chose !

 

Deuxièmement, vous affirmez que la priorité a été accordée à l’enseignement primaire. On peut se demander comment. En effet, dans ce projet de loi, vous ne tirez aucune conséquence de l’écart que vous avez constaté entre primaire et lycée quant au niveau des investissements dont ils bénéficient respectivement. Vous n’inversez pas la tendance.

 

Vous écrivez que la suppression des IUFM et la mastérisation ont « économisé » quelque 9 000 postes. Or la création des ESPE devrait en coûter 27 000, de sorte que je comprends mal votre calcul, à moins que ces 27 000 créations ne soient étalées sur cinq ans. Mais si tel devait être le cas, vous ne seriez pas près de respecter la promesse de François Hollande, qui est de créer 60 000 postes dans l’éducation nationale… Pourriez-vous nous expliquer ce qu’il en est ?

 

D’autre part, il y a deux jours, est parue une circulaire qui ramène le temps de service des professeurs des écoles de 27 à 26 heures par semaine. Cela fait 320 000 heures par an – puisqu’il y a 320 000 professeurs des écoles – soit 12 000 équivalents temps plein. Comment pouvez-vous accepter qu’on fasse à ces enseignants un tel cadeau sans rien leur demander en contrepartie, si ce n’est leur accord pour la réforme des rythmes scolaires ? J’ai du mal à comprendre que vous ne dénonciez pas un tel scandale !

 

Enfin, à vous entendre, vous et le ministre, les résultats catastrophiques relevés par les enquêtes PISA s’expliqueraient par les suppressions de postes dans le primaire et par la suppression des IUFM. Mais ces enquêtes ont été réalisées en 2009 sur des cohortes d’enfants de quinze ans, qui étaient donc entrés en CP en 1999 et 2000. Comment des décisions prises dix ans après pourraient-elles expliquer leurs mauvais résultats ?

 

M. Pierre Léautey. Je voudrais moi aussi saluer la qualité du rapport de notre collègue Yves Durand. On y sent toute la passion qu’il a pour l’école de la République !

 

Grâce à un état des lieux clair, précis, sans faux-fuyant, qui démontre objectivement et de façon méthodique l’échec des réformes passées, il met en perspective ce projet de refondation de l’école qui vise à lutter efficacement contre l’échec scolaire grâce à la priorité donnée à l’école maternelle et à l’école primaire, où l’échec scolaire prend son origine.

 

Ce projet n’est pas une déclaration d’intentions. Pour relever ce grand défi au service de la jeunesse, les moyens sont au rendez-vous : accueil des enfants de moins de trois ans ; objectif « plus de maîtres que de classes » ; développement organisé du numérique pour éviter la fracture numérique ; remise en chantier de la formation des enseignants sacrifiée par le précédent gouvernement alors même qu’elle conditionne l’efficacité de notre système éducatif.

 

Toutes ces dispositions sont à la fois pertinentes et urgentes pour combattre l’échec à l’école, qui transforme les inégalités sociales en inégalités scolaires. Il n’est pas acceptable de laisser nos résultats se dégrader d’année en année, comme cela ressort du rapport : depuis dix ans, l’écart entre les élèves suivant une scolarité normale et les élèves en difficulté – aujourd’hui 40 % de la population scolaire – ne cesse de se creuser et 150 000 d’entre eux quittent chaque année le système éducatif sans diplôme et sans qualification, de sorte qu’ils auront beaucoup de mal à s’insérer dans la vie professionnelle.

 

Ce projet de loi répond donc aux attentes de la jeunesse et complète les lois déjà votées concernant, notamment, les emplois d’avenir et les contrats de génération. Sur ce volet spécifique de la réforme de l’école, il faut aller vite si nous voulons donner à notre jeunesse les moyens de sa réussite.

 

Mme Isabelle Attard. MM. Xavier Breton et Patrick Hetzel s’inquiètent de la liberté qui sera laissée aux enseignants en matière de pédagogie, mais plusieurs articles de ce projet de loi autoriseront à expérimenter en ce domaine. D’autre part, je rappelle que les maîtres n’ont jamais été incités à s’engager dans cette voie – surtout ces dernières années – et que l’obligation qui leur est faite, par l’inspection, de suivre strictement et rigoureusement un programme bien défini limite singulièrement leur liberté. L’encouragement qu’ils trouveront dans ce projet est donc bienvenu et de nature à valoriser leur travail. Ils ont d’ailleurs hâte de se lancer dans ces expérimentations, ayant l’intuition qu’elles peuvent contribuer à résorber l’échec scolaire. J’aimerais savoir, monsieur le rapporteur, si vos auditions ont été l’occasion de suggestions à ce propos.

 

Je ferai enfin remarquer à M. Benoist Apparu que la dernière place qui nous échoit dans la récente enquête PISA ne nous est pas imputable. Certes, il y a bien plus de dix ans que notre système éducatif s’essouffle. Mais nous sommes tous d’accord pour constater que la situation s’est aggravée au cours des dix dernières années.

 

M. Michel Ménard. Monsieur Hetzel, la suppression des cours le samedi matin ne s’est pas accompagnée d’une incitation à les reporter au mercredi matin. Ce choix n’a eu lieu qu’à l’initiative d’équipes pédagogiques et de municipalités qui voulaient expérimenter des rythmes différents.

 

Nous n’avons jamais dit qu’il n’y avait plus de formation des enseignants. Effectivement, ceux-ci sont recrutés à bac+5 ! Je n’ai d’ailleurs jamais entendu de parents d’élèves se plaindre qu’un professeur ne maîtrise pas sa discipline. Mais qu’un professeur ne maîtrise pas sa classe ou ne sache pas faire progresser ses élèves, cela, je l’ai entendu souvent dénoncer et c’est dû à un manque de formation pédagogique.

 

Monsieur Apparu, notre priorité n’est pas le statut des enseignants ou l’état des bâtiments, mais les enfants et leur réussite. Et cette réforme est nécessaire parce que ceux-ci sont trop nombreux à connaître l’échec scolaire – près de 20 % selon la dernière étude, et la proportion a crû ces dix dernières années.

 

Il s’agit d’une réforme ambitieuse et exigeante, qui implique de reconstruire la formation des maîtres et qui obligera ceux-ci à travailler en équipe. Elle conduira à une mobilisation de tous les acteurs, à quelque titre que ce soit, du système éducatif : enseignants, parents, personnels municipaux, acteurs associatifs et de l’éducation populaire, collectivités, etc. L’entreprise peut apparaître difficile mais n’oublions pas l’objectif, qui est d’assurer la réussite des élèves.

 

Nous commençons par l’enseignement primaire, qui est à la base de tout. Pour autant, ce projet de loi traite de tout le parcours de la maternelle à l’université. En effet, il est nécessaire d’intervenir sur les différents niveaux de l’enseignement. Celui-ci bénéficiera d’autre part de 60 000 emplois au cours du quinquennat, ce qui constitue de la part de l’État un effort qu’il convient de saluer.

 

Un travail de concertation a été engagé depuis des mois, avant même l’élection présidentielle. Il s’est poursuivi l’été dernier avec les ateliers sur la refondation de l’école mis en place par M. Vincent Peillon. Nous abordons maintenant une deuxième phase de concertation, au niveau local. Je souhaite que les enseignants, les parents d’élèves et les collectivités locales se saisissent de la possibilité qui leur est ainsi donnée d’élaborer un projet éducatif de territoire, pour assurer la réussite des élèves. C’est en tout cas l’objectif commun que nous allons poursuivre.

 

M. Guénhaël Huet. Je souhaite que cette refondation de l’école de la République se réalise dans de meilleures conditions que la réforme des rythmes scolaires ! Cela étant, nous faisons nôtres les objectifs visés par ce projet de loi – maîtrise des compétences de base, réduction de l’écart entre les élèves, division par deux de la proportion d’élèves sortant du système scolaire sans qualification… – et nous saluons la forte priorité accordée à l’école primaire.

 

Il est seulement assez étrange d’affirmer cette priorité en oubliant le rôle joué par les communes dans ce domaine. Aucun article n’aborde le sujet alors que deux – les articles 13 et 14 – traitent du rôle respectif des départements et des régions.

 

Je suis assez réservé sur l’objectif affiché d’amener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat et 50 % à un diplôme de l’enseignement supérieur. Certes, les diplômes sont nécessaires mais ne transformons pas la culture du diplôme en mythe du diplôme. Celui-ci est loin aujourd’hui de garantir une bonne insertion professionnelle.

 

Quant à la scolarisation des enfants de deux ans, un certain nombre de spécialistes de la pédagogie sont très réservés à son propos et, personnellement, je ne suis pas sûr qu’il faille la généraliser. Il existe d’autres formes de socialisation que l’école pour ces jeunes enfants. Une concertation plus approfondie avec les collectivités locales permettrait peut-être de faire la part des choses en laissant aux communes le soin de prendre en charge les enfants de deux à trois ans, l’État prenant ensuite le relais, via l’éducation nationale.

 

La question de l’orientation, abordée dans l’exposé des motifs, ne fait cependant l’objet d’aucune disposition. On sait pourtant que les centres d’information et d’orientation (CIO) sont des outils particulièrement désuets. J’aimerais que l’on s’interroge sur leur place et sur leur rôle.

 

Enfin, monsieur le rapporteur, comment justifiez-vous l’absence totale, dans ce texte, de référence à l’éducation sportive ?

 

M. Hervé Féron. S’agissant de la formation des enseignants, ce projet marque des avancées incontestables.

 

Historiquement, les écoles normales constituent la référence pour la formation des instituteurs, ces « hussards noirs de la République » : formation longue commencée dès la classe de 2nde jusqu’à la réforme de 1969, et de deux années au minimum ; formation d’élite assurant un véritable recrutement populaire ; formation bien structurée – à la fois didactique et pratique – et éminemment structurante, suscitant un véritable esprit de corps, une vocation forte, et assortie d’une vraie reconnaissance sociale.

 

Si leurs successeurs, les IUFM, ont pu être critiqués pour le manque de densité de certains de leurs enseignements et pour l’oubli de matières comme les sciences cognitives ou la psychologie de l’enfant, ils ont eu le grand mérite d’unifier la formation des enseignants. C’est ce que nous souhaitons recréer avec les écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Il s’agit en effet de rétablir ce que la précédente majorité a détruit en supprimant la formation initiale des enseignants, dénigrement ultime d’une profession dont dépend pourtant l’avenir de la jeunesse et du pays, et en érodant l’ensemble des dispositifs de formation continue.

 

Aujourd’hui, dans un souci de professionnalisation et de valorisation de ces métiers, nous maintenons le niveau de recrutement des enseignants à bac+5, la mastérisation ayant parachevé l’« universitarisation » de leur formation. Nous répondons ainsi à un souhait de l’ensemble des acteurs de l’éducation.

 

Pour autant, nous n’oublions pas que la mastérisation a aussi rendu l’entrée dans le métier plus hasardeuse pour de nombreux étudiants candidats au professorat, en permettant une économie de 9 000 postes. C’est pourquoi, à l’inverse de la réforme Fillon de 2005 pour laquelle, incontestablement, les moyens manquaient, nous faisons, parallèlement, le choix d’une autre politique. Nous créerons 26 000 postes qui seront consacrés au rétablissement d’une véritable formation professionnelle, grâce à une année de stage rémunéré, effectuée en alternance au sein de l’université, dans les ESPE, et sur le terrain, au contact des élèves, dans le cadre d’un stage en responsabilité. Mais il faudra veiller à rétablir également la formation continue des personnels enseignants, ce qui correspond à une très forte attente de leur part.

 

Je voudrais pour finir soumettre une idée qui pourrait être concrétisée à moyens constants : bien des professionnels chevronnés préféreraient, à une formation sous forme de stage avec tuteur, un échange de bonnes pratiques. Pourquoi ne pas favoriser, dans les futures ESPE ou dans les établissements, des réunions mensuelles de professeurs d’une même discipline et d’un même bassin, pour faciliter les transitions, pour remotiver et pour dynamiser leurs enseignements ? Il conviendra en tout cas de ne pas négliger la formation continue des enseignants, mise à mal au cours de ces dernières années.

 

Mme Julie Sommaruga. Étant donné la situation excellemment décrite par notre rapporteur, il n’était que temps de consacrer à notre système éducatif un projet de loi à la hauteur de ses besoins et de ses attentes, un texte ambitieux, volontaire, courageux, susceptible de lui donner un nouveau souffle après dix ans de casse de l’éducation nationale par la droite.

 

M. Benoist Apparu. Ça manquait !

 

Mme Julia Sommaruga. C’est une réalité, et les exemples ne manquent pas : suppression de 80 000 postes, mise à mal de la formation des maîtres, accroissement des inégalités territoriales avec la suppression de la carte scolaire, fragilisation du système d’orientation, généralisation d’une semaine de quatre jours contraire à l’intérêt des enfants…

 

C’est une politique totalement opposée que souhaite mener le gouvernement, dont la principale préoccupation est la réussite de tous les élèves.

 

M. Benoist Apparu prétend qu’il n’y a rien dans ce texte. N’est-ce rien que de donner la priorité au primaire pour lutter dès la racine contre les inégalités scolaires, de développer la scolarisation des moins de trois ans, de rétablir la formation des maîtres, de généraliser les projets éducatifs territoriaux, de réformer les rythmes scolaires, de créer un service public de l’enseignement numérique, de lutter contre le décrochage scolaire, de prévoir plus de maîtres que de classes, etc. ? Au contraire, ce projet de loi est riche de dispositions volontaristes.

 

En outre, toutes ces orientations sont en adéquation avec les promesses de campagne du Président de la République. L’objectif du gouvernement est clairement affiché : faire une école juste pour tous et exigeante pour chacun, en la replaçant au cœur du pacte social pour la réussite de tous. Pour cela, nous lui redonnons tous les moyens nécessaires, en particulier les moyens humains, indispensables non seulement pour réduire les inégalités, mais aussi pour améliorer le climat scolaire et pour assumer notre ambition en matière d’éducation.

 

Ce projet de loi qui donne le départ à la refondation de l’école prélude à d’autres chantiers, à d’autres réflexions. Il me semble à cet égard nécessaire d’insister sur le travail à mener en faveur de l’enseignement prioritaire – les établissements concernés doivent devenir des lieux d’expérimentation, des lieux d’excellence –, de l’accompagnement de la parentalité ou des partenariats avec le monde associatif.

 

M. Jean Jacques Vlody. Ce beau projet de loi est un projet fondateur, sans doute la première grande réforme de la législature. Après une longue phase de concertation et de consultations préalables, nous sommes enfin entrés dans le travail concret avec un texte qui ne se borne pas à apporter des changements à la marge, mais qui tend à dessiner l’école de demain : une école où les enfants aiment à se rendre, où ils prennent le goût du savoir ; une école qui motive plus qu’elle ne sanctionne, à la fois bienveillante et exigeante, et qui réunit autour d’elle tous les acteurs de la communauté éducative.

 

Le terme « refondation » est tout à fait approprié dans un tel contexte, et il est dès lors normal que des oppositions, des incompréhensions se fassent jour. Nous le voyons aujourd’hui avec la réforme des rythmes scolaires, qui déchaîne les passions. Il en sera de même pour d’autres chantiers : c’est le propre des grandes réformes structurelles que de rencontrer de telles difficultés.

 

Notre mission, en tant que parlementaires, est par conséquent d’expliquer et de soutenir une réforme courageuse qui va dans le sens de l’intérêt général. Au sein de cette Commission, nous devrons avoir une démarche constructive, en nous donnant le temps nécessaire pour enrichir le projet, avec un seul objectif : conforter les nombreuses avancées qu’il contient et l’améliorer quand il le faut.

 

De nombreux amendements, que je soutiendrai, vont dans le sens d’un renforcement de notre système éducatif. Pour ma part, je me suis concentré sur deux questions propres à la France d’outre-mer, dont je suis un élu.

 

La première concerne la variété linguistique de ces territoires. Si celle-ci représente une richesse, elle peut aussi, faute d’être suffisamment prise en compte dans les processus pédagogiques, être à l’origine de difficultés dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture ou dans l’expression orale de langue française, accroissant les risques d’illettrisme ou d’échec scolaire. L’éducation nationale doit reconnaître cette réalité du bilinguisme et favoriser le développement de méthodes pédagogiques adaptées, en en faisant l’objet d’un module de formation initiale et continue dans les ESPE d’outre-mer.

 

Deuxièmement, il n’est plus acceptable que la dimension ultramarine de la France soit absente de l’enseignement de notre histoire. L’ensemble des élèves de notre République doit pouvoir en prendre conscience.

 

Je souhaite donc que le nouveau contrat pour l’école prenne en compte ces deux exigences.

 

Mme Marie-Odile Bouillé. J’ai été particulièrement ravie de découvrir dès les premières pages du projet de loi des dispositions introduisant l’éducation artistique et culturelle tout au long de la scolarité de l’enfant, sur le temps scolaire comme sur le temps périscolaire. Il s’agit d’un véritable parcours dont les modalités seront fixées conjointement par deux ministres, celui de l’éducation nationale et celui de la culture – une telle collaboration, peu fréquente, est déjà en soi une excellente chose.

 

L’objectif est bien sûr de réduire les inégalités et de favoriser l’égal accès de tous les jeunes, tout au long de leur scolarité, à l’art et à la culture.

 

L’étude d’impact souligne la grande variété des actions déjà menées en ce domaine par le ministère de l’éducation nationale et rappelle les partenariats forts qu’il a noués avec les directions régionales des affaires culturelles – DRAC –, avec les collectivités locales et avec les institutions culturelles, que ces partenariats prennent la forme de conventions ou de comités de pilotage associant rectorat, région et DRAC. Elle indique aussi que le ministère de la culture s’engage à augmenter ses crédits d’intervention de 15 millions d’euros sur trois ans. Je m’interroge toutefois en ce qui concerne les collectivités territoriales, que l’on ne saurait obliger à quoi que ce soit : auront-elles la volonté et les moyens d’accompagner ce parcours artistique et culturel des élèves dans le cadre des projets éducatifs territoriaux ?

 

M. Luc Belot. Les félicitations sont souvent de rigueur à l’adresse d’un rapporteur, mais elles sont particulièrement justifiées s’agissant d’Yves Durand. Le projet de loi et l’ambition qu’il porte méritaient au demeurant un rapport de cette qualité.

 

Les premiers échanges – je pense notamment aux interventions de Mme Martine Faure et de M. Xavier Breton – semblent annoncer un débat de qualité. Et en dépit des désaccords que nous pouvons avoir avec M. Xavier Breton, je salue le caractère constructif de ses propos. Je ne peux toutefois en dire autant de ceux de M. Rudy Salles.

 

Il faut rappeler que le décret de 2008 sur les rythmes scolaires a été publié le 15 mai pour une application dès la rentrée de septembre. Ceux qui réclament plus de temps, plus de concertation et un report de la réforme de ces rythmes à 2014 devraient bien s’en souvenir !

 

D’autre part, s’il est vrai que le décret laissait la possibilité de faire classe le mercredi matin, ce n’était qu’à titre purement dérogatoire et après avoir pris trois avis différents assortis d’autant de votes. Les conditions posées étaient très difficiles à réunir : je le sais pour avoir obtenu une telle dérogation à Angers. Les communes appliquant la semaine de quatre jours et demi font d’ailleurs figure d’exceptions.

 

Non seulement le débat sur les rythmes scolaires n’a rien de nouveau, puisqu’il y a longtemps – et heureusement ! – que les acteurs de la communauté éducative s’en sont saisis, mais les expériences réalisées en ce domaine permettent de tirer des enseignements très riches.

 

Quant au texte évoqué par M. Benoist Apparu, même s’il n’a pas encore été publié au Bulletin officiel de l’éducation nationale, nous en connaissons en partie le contenu. Or, contrairement à ce que dit notre collègue, il ne change rien au nombre d’heures de service, qui reste fixé à 936 heures, soit 864 heures d’enseignement et 108 heures consacrées à la coordination et à la formation – et, demain, aux activités pédagogiques complémentaires. Il est donc totalement erroné d’affirmer que des heures d’enseignement seront supprimées.

 

Enfin, j’ai particulièrement apprécié la manière dont le rapporteur a présenté le numérique comme un nouvel outil au service de la pédagogie, qu’il permettra d’adapter aux différents publics scolaires. L’examen des amendements et celui du texte en séance publique devraient permettre d’apporter tous les compléments utiles à la réalisation de cette ambition majeure.

 

Mme Martine Martinel. Je ne peux que m’associer aux éloges adressés au rapporteur.

 

Nos collègues de l’opposition, par myopie ou mauvaise foi, semblent faire une lecture sélective du projet de loi, dont ils tentent de minimiser la portée en invoquant à tout propos la réforme des rythmes scolaires. Ils se disent tous épris de l’école, mais quand M. Benoist Apparu affirme que ce texte ne changera rien, on a le sentiment qu’il souhaite en fait que rien ne change, afin de pouvoir confirmer que tout va mal en ce domaine.

 

Quant aux enquêtes PISA qui, jusqu’à présent, étaient le mètre étalon pour l’évaluation du système scolaire, elles semblent ne plus avoir aucune signification pour eux depuis qu’ils sont dans l’opposition.

 

M. Benoist Apparu. Nous n’avons jamais dit cela !

 

Mme Martine Martinel. M. Patrick Hetzel qui, à la suite de certains experts, fait du développement du numérique une des causes de l’échec scolaire, semble suggérer que son entrée à l’école aurait pour corollaire l’abandon de l’usage des manuels. Mais rien, dans le projet de loi ni dans le rapport annexé, ne permet une telle conclusion. Au contraire, le numérique est présenté comme un outil d’accompagnement pédagogique.

 

Le rapport annexé évoque par ailleurs la formation du citoyen. Quelle place ce sujet prendra-t-il dans la scolarité, et ce dès l’école primaire ?

 

M. le rapporteur. Je vous remercie pour la qualité de vos interventions, qui toutes expriment une volonté d’enrichir le texte. Le débat sur les amendements s’annonce donc particulièrement intéressant.

 

Je vous remercie également pour les félicitations que vous m’avez accordées. Je souhaite y associer l’équipe de la Commission, qui a fait un travail remarquable, notamment au cours des nombreuses auditions que nous avons conduites.

 

Une grande partie de vos interrogations trouvera une réponse lors de l’examen des amendements, et je souhaite ici m’en tenir aux points les plus importants.

 

C’est à dessein que je n’ai pas évoqué les rythmes scolaires dans mon propos introductif. Tout d’abord, il ne me paraissait pas utile d’en rajouter sur un sujet dont on parle déjà beaucoup. Ensuite, si les rythmes scolaires sont un élément fondamental de la réforme, celle-ci ne s’y réduit pas.

 

Sur le sujet, le rapport d’information que M. Xavier Breton et moi-même avons cosigné en 2010 montre que tout le monde est d’accord : nous étions en effet parvenus aux mêmes diagnostics et aux mêmes conclusions. Le problème réside dans la mise en œuvre, qui relève du pouvoir réglementaire. À cet égard, et contrairement à ce qu’affirme M. Rudy Salles, le décret du 24 janvier 2013 relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires est très précis.

 

M. Xavier Breton s’est interrogé sur l’ajout du mot « culture » à l’expression : « socle commun de connaissances et de compétences ». Nous pensons en effet que la culture fait partie du socle dont l’école doit doter les élèves, car elle contribue à la formation de leur personnalité. Une école ne pourrait viser la réussite pour tous et l’égalité devant le savoir et la connaissance si elle excluait de ce socle commun la formation artistique et culturelle.

 

Nous avons d’ailleurs eu ce débat lors de l’examen de la loi de 2005. Le socle commun doit-il être une sorte de « SMIC culturel et éducatif », ou bien la base permettant à chacun « d’aller au bout de ses possibles », comme l’a dit l’une d’entre vous ? C’est cette dernière conception qui est la nôtre. Il reviendra donc au Conseil supérieur des programmes de donner forme concrète à ce parcours culturel évoqué par Mme Marie-Odile Bouillé.

 

Il en est de même de l’apprentissage d’une langue étrangère dès le début de la scolarité obligatoire, que l’on retrouve dans tous les pays connaissant le succès en matière d’éducation. De nombreux spécialistes l’ont constaté : plus tôt on commence l’étude d’une langue étrangère, mieux c’est. En outre, l’apprentissage de l’anglais – car il s’agit bien de cette langue, de moins en moins étrangère –, nécessaire si nous voulons faire de nos enfants des citoyens du monde, n’entre nullement en concurrence avec celui du français : les deux enseignements se renforcent mutuellement.

 

J’en viens à l’accueil des enfants de moins de trois ans dans les écoles maternelles, qu’il ne faut pas confondre avec la scolarisation obligatoire. À six ans, un élève doit entrer à l’école primaire mais, auparavant, la scolarisation ne peut être que progressive. Si un enfant de deux ans est suffisamment mûr, sur le plan psychologique et même physique, pour intégrer le corps social que constitue l’école maternelle, alors il doit en avoir le droit.

 

Nous considérons par ailleurs que l’école maternelle doit être une école à part entière – ce qui répond à la question sur la transition entre la grande section et le cours préparatoire –, dotée d’une pédagogie propre et d’objectifs spécifiques en matière de développement de la personnalité ou de socialisation. Elle n’est pas une propédeutique de l’école élémentaire.

 

Dans l’article 23 du projet de loi, l’adjectif « régulière » ne s’applique pas à l’évaluation, monsieur Breton, mais à la progression des enseignements au sein de chaque cycle. L’évaluation, elle, peut avoir lieu à n’importe quel moment et donc se faire annuellement. En revanche, je suis d’accord avec vous pour dire qu’elle doit être indépendante. C’est d’ailleurs l’esprit de la loi et nous verrons, lors de l’examen des amendements, s’il faut l’inscrire dans sa lettre.

 

À propos du service public de l’enseignement numérique, j’ai déjà exprimé mes propres interrogations. Nous sommes tous d’accord, je pense, pour juger qu’il s’agit d’un levier, d’un accompagnement absolument nécessaire à la transformation pédagogique, mais qu’il ne doit en aucun cas être livré à des intérêts privés pour devenir un marché – comme le risque en existe déjà. Et, comme vous aussi, nous refusons qu’il vienne « verrouiller » le contenu de l’enseignement lui-même. C’est pourquoi cet enseignement numérique doit faire partie intégrante des sujets soumis à la réflexion du Conseil supérieur des programmes, comme outil pédagogique et comme objet de connaissance.

 

Je ne reviens pas sur le débat relatif au collège unique. Il s’agit d’une véritable opposition entre nous, mettant en jeu la conception que nous avons de la scolarité obligatoire et de la continuité éducative. Cette question mérite que nous en débattions en séance publique.

 

Il est pour le moins excessif d’affirmer que le texte ne comprend aucune disposition sur les conditions de travail des enseignants. En effet, lorsque l’ancienne majorité a supprimé, bien qu’elle s’en défende, la formation professionnelle des enseignants – je ne parle pas de leur formation universitaire, monsieur Hetzel –, elle a sérieusement dégradé leurs conditions de travail. Le seul rétablissement d’une telle formation va donc, pour eux, dans le sens d’une amélioration de ces conditions.

 

Le projet de loi, monsieur Apparu, ne touche en effet ni au statut des enseignants, ni à celui des établissements. C’est toute la différence entre ce que j’appelle les réformes « bricolage » et une démarche commençant par la pédagogie : plutôt que d’entreprendre une énième réforme des statuts, nous avons souhaité changer ce qui touche à l’essentiel, c’est-à-dire à la réussite des élèves, aux élèves eux-mêmes plutôt qu’aux autres acteurs de l’école. Pour ma part, j’estime que ce n’est pas parce que l’on ne touche pas à la structure, c’est-à-dire au statut des enseignants et à celui des établissements, que l’on ne fait rien. Au contraire, nous modifions ce qui fait l’essence de l’école, la transmission des savoirs et des savoir-faire, et donc la pédagogie.

 

Ce qu’ont dit les orateurs de la majorité au sujet des projets éducatifs territoriaux est tout à fait juste : leur contenu reste à préciser. Mais ils constituent, avec la réforme des rythmes scolaires, un extraordinaire moyen de lutter contre les inégalités devant la culture et la connaissance. Dans la mesure où les collectivités territoriales ont la responsabilité de mettre en œuvre ces deux mesures, certains affirment qu’il en résultera une aggravation des inégalités, mais c’est exactement l’inverse ! D’autant que l’inégalité existe déjà, tant l’implication de la collectivité dans les activités périscolaires diffère d’un lieu à l’autre : le rapport est d’environ un à douze. La réforme des rythmes et les projets éducatifs territoriaux – dont la mise en œuvre sera soutenue par l’État via un fonds d’amorçage – va justement inciter les communes les moins impliquées à accroître leur participation. C’est donc un facteur d’égalité. La réflexion doit toutefois se poursuivre sur les moyens d’aider les collectivités sans pour autant porter atteinte au principe de leur libre administration.

 

Mme Colette Langlade a souligné avec raison l’importance de la filière professionnelle. C’est un argument supplémentaire en faveur de la priorité donnée à l’école primaire et à l’école maternelle. En effet, pour que l’orientation vers la voie professionnelle soit choisie, et non subie comme elle l’est aujourd’hui, pour qu’elle devienne une voie d’excellence, ce qu’elle mérite, il faut en finir avec le déséquilibre qui caractérise la situation des élèves arrivant en sixième : les bases de l’enseignement primaire, notamment en matière de lecture et en mathématiques, doivent être acquises.

 

Selon certains, nous aurions fait des « cadeaux » aux professeurs des écoles. Connaissant la situation de ces derniers, s’agissant du salaire comme des conditions de travail, c’est un terme qu’il vaudrait mieux éviter : n’oublions pas qu’ils sont recrutés au même niveau de diplôme que les enseignants du secondaire – ce qui est une bonne chose –, mais qu’ils ne perçoivent pas les mêmes rémunérations. Quoi qu’il en soit, ils n’ont obtenu aucune réduction du nombre d’heures d’enseignement : ils seront toujours vingt-quatre heures par semaine devant les élèves. La seule modification concerne la répartition des fameuses 108 heures annualisées.

 

Enfin, s’agissant des rythmes scolaires, et quels que soient les arguments présentés par l’opposition, le décret du 15 mai 2008 a bien eu pour effet de ramener brutalement à quatre jours la semaine d’un écolier. Et c’est bien la semaine des quatre jours qui a été appliquée dans la très grande majorité des communes – à l’exception de quelques-unes qui ont obtenu des dérogations –, ce qui a entraîné une véritable catastrophe pédagogique. Il est donc inutile d’invoquer une incidente dans le corps d’une circulaire pour chercher à justifier l’injustifiable.

 

Telles sont, mes chers collègues, les réponses partielles – mais non partiales – que je souhaitais vous apporter. Lors de l’examen des amendements, mercredi prochain, je ne doute pas que nous connaîtrons une ambiance de travail aussi sérieuse qu’aujourd’hui.

 

III.- EXAMEN DES ARTICLES

 

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine les articles du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République lors de ses séances des mercredi 27 et jeudi 28 février 2013.

 

M. le président Patrick Bloche. Après avoir procédé, la semaine dernière, à la discussion générale sur le projet de loi, la Commission aborde, ce mercredi 27 février matin, la discussion des articles.

 

Nous poursuivrons nos travaux cet après-midi mais non ce soir, car nos collègues de l’UMP, qui ont beaucoup de talent, ont préféré nous mobiliser dans l’hémicycle pour une séance de questions au ministre de l’éducation nationale. De ce fait, j’ai prévu une autre séance de travail demain matin.

 

Afin de faire respecter les dispositions de l’article 40 de la Constitution, et après avoir consulté la Commission des finances, soixante et onze amendements ont été déclarés irrecevables puisqu’ils aggravaient la charge publique. Pour le reste, 622 amendements sont toujours en discussion.

 

M. Frédéric Reiss. N’est-il pas normal de profiter de la disponibilité du ministre pour procéder à une séance de questions ?

 

M. le président Patrick Bloche. Mais si ! C’est pourquoi j’ai salué votre talent.

 

La Commission entame l’examen des articles.

 

Article 1er

 

Approbation du rapport annexé présentant les objectifs de la politique d’éducation

 

Cet article a pour objet l’approbation du rapport annexé au présent projet de loi, qui présente « la programmation des moyens et les orientations de la refondation de l’école de la République ».

 

Le contenu de ce document ayant été synthétisé dans l’exposé général du présent rapport, ne seront commentés, ici, que l’intérêt et le cadre juridique d’une telle procédure, qui n’a rien d’exceptionnel.

 

Le recours au rapport annexé permet au gouvernement de détailler, dans un document débattu devant la représentation nationale, qui peut l’amender, les objectifs, ainsi que les moyens et leur « doctrine d’emploi », de tel ou tel domaine de l’action publique. Ainsi, dans le cas d’espèce, son approbation formalisera, de manière solennelle, les engagements pris conjointement par le gouvernement et le Parlement en matière d’éducation.

 

Par ailleurs, l’exercice n’est pas nouveau, en particulier dans ce domaine de l’éducation. En effet, le législateur a déjà débattu de rapports annexés lors de l’élaboration des lois du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation (loi « Jospin ») et du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’École (loi « Fillon »).

 

Néanmoins, la possibilité pour le Parlement de délibérer sur un rapport annexé est désormais strictement encadrée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui sanctionne les dispositions non normatives des textes législatifs en vertu du principe selon lequel « la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative » (décision n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004).

 

Pour autant, le Conseil constitutionnel a jugé que le grief tiré du défaut de portée normative ne saurait être opposé aux orientations présentées dans un rapport annexé à une loi dès lors qu’il s’agit de mettre en œuvre les dispositions de l’article 34 de la Constitution relatives aux lois de programmation (décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011).

 

Ces lois de programmation, qui se sont substituées aux anciennes lois de programme lors de la révision constitutionnelle de 2008, « déterminent les objectifs de l’action de l’État ». Depuis la révision de 2008, elles peuvent intervenir dans tous les domaines, et non plus uniquement dans le champ de « l’action économique et sociale » aux termes de l’ancienne rédaction de l’article 34. Le précédent gouvernement en a d’ailleurs largement usé en matière de sécurité ou de politique pénale (135).

 

Le présent article et le rapport annexé permettant incontestablement de « déterminer » les « objectifs de l’État » en matière d’éducation, et d’en programmer les moyens, nul doute qu’il s’agisse en l’espèce d’une mise en œuvre de l’article 34 de la Constitution.

 

La qualité de loi de programmation du présent projet de loi emporte une autre conséquence de nature constitutionnelle tenant à la procédure de consultation du Conseil économique, social et environnemental (CESE) préalablement à la délibération du Parlement.

 

En effet, selon l’article 70 de la Constitution, « tout plan ou projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental » est soumis pour avis au CESE. Cette obligation s’étend au rapport annexé. En 2005, l’omission de cette formalité, que le Conseil constitutionnel a jugée substantielle, avait d’ailleurs conduit à la déclaration de non-conformité à la Constitution de l’article de la loi « Fillon » approuvant le rapport qui lui était annexé (décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005).

 

S’agissant du présent projet de loi, le gouvernement s’est attaché à consulter le Conseil économique, social et environnemental en le saisissant dès le 20 décembre 2012. Lors de sa séance plénière du 16 janvier 2013, ce dernier a rendu un avis favorable sur l’avant-projet de loi.

 

À l’initiative du rapporteur, la Commission a modifié la rédaction du présent article afin que celui-ci reprenne le titre exact du rapport annexé. Elle a par ailleurs apporté de nombreuses modifications au rapport annexé lui-même.

 

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