On accélère le déconfinement ou pas ?

11/06/2020 à 01h14, Auteur : rédac-rss // Actualités-vie pratique

 C’est une petite musique qui revient en France, ces derniers jours : « Et si on déconfinait plus vite ? » Un mois après la levée officielle du confinement, l’impatience se fait de plus en plus sentir, alors que la phase 3 du déconfinement n’est programmée qu’à partir du 22 juin.

 

Les règles de la phase 2, entrées en vigueur le 2 juin, paraissent trop prudentes pour de nombreux acteurs de la vie du pays. Même si elles comportent d’importants assouplissements, comme la levée de la barrière des 100 km pour se déplacer ou la réouverture des cafés et des restaurants dans les départements en zone verte.

 

« On a tous les outils pour dépister les nouveaux cas »

Les voix s’élèvent notamment dans l’économie pour réclamer un allègement plus rapide des restrictions imposées par le gouvernement contre la propagation du coronavirus. Elles se font davantage entendre depuis la sortie du président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy, en fin de semaine dernière.

 

L’épidémie est « contrôlée » a-t-il d’abord déclaré sur France Inter , soulignant que le pays était mieux armé aujourd’hui pour faire face aux contaminations. « On a tous les outils pour dépister ces nouveaux cas. On a les tests, on a tout un système ensuite d’isolement et de contact des contacts, qui permet d’éviter l’extension. » Il en a ensuite réitéré ses propos dimanche dans le JDD . « Laissons les choses s’ouvrir ; les gens vivre, mais en respectant les mesures barrières », a-t-il répété. En suggérant notamment un allègement du protocole sanitaire dans les écoles « d’ici la fin juin » pour « les repas, les récréations et le sport » .

 

La « demi-réouverture des restaurants ne crée que des frustrations »

Ce mardi, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) a rebondi en demandant au gouvernement « une réouverture rapide des établissements situés en zone orange dont l’exploitation est à ce jour limitée aux seules terrasses ». « Trop de chefs d’entreprise indiquent ne pouvoir rouvrir leurs restaurants car la limite des terrasses n’est pas rentable pour leur activité. Cette demi-ouverture ne crée que des frustrations au sein des professionnels », relève l’organisation. Elle souhaiterait également que les règles de distanciation des tables soient revues.

 

Ce mercredi, c’est le Medef qui s’est exprimé, par l’intermédiaire de son président Geoffroy Roux de Bézieux. Il a demandé au gouvernement de « réviser les protocoles sanitaires s’appliquant en entreprise » pour permettre un « retour à la normale » rapide.

 

Côté éducation, « on constate aujourd’hui que ça se passe plutôt bien pour les élèves qui sont retournés à l’école », déclarait, lundi, Rodrigo Arenas, coprésident de la première fédération de parents (FCPE). « Des familles veulent y remettre leurs enfants et les directeurs sont maintenant pointés du doigt : on leur reproche d’accepter un tel ou un tel et pas un autre », déplorait-il, plaidant pour une augmentation des capacités d’accueil grâce à l’utilisation d’autres lieux publics.

 

Selon les derniers chiffres du ministère, 1,8 million d’écoliers – sur un total de 6,7 millions – sont retournés à l’école, mais rarement à temps complet. Au collège, ils sont 600 000 sur 3,3 millions. Pour le moment, difficile de faire beaucoup mieux. Les établissements scolaires sont contraints par un protocole sanitaire hyper strict, comme des règles de distanciation à respecter.

 

« Il y a plein de choses qui peuvent rouvrir »

Certains médecins aussi commencent de plus en plus à pousser pour accélérer le déconfinement. D’autant plus que les indicateurs sanitaires du suivi de l’épidémie sont rassurants, malgré l’identification, fin mai, d’une centaine de foyers épidémiques sur le territoire. Le nombre de patients en réanimation est repassé, mardi 9 juin, sous la barre des 1 000 et le taux de reproduction du virus est inférieur à 1.

 

« Le virus circule de moins en moins », rapportait, lundi, Philippe Juvin, le chef des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou sur le plateau de BFMTV. « D’un côté, il faut toujours être vigilant sur les clusters, mais de l’autre, il faut y aller sur le déconfinement, ajoutait-il. Beaucoup de médecins pensent que le bénéfice d’un déconfinement lent est moins bon que celui d’un déconfinement plus rapide. »

 

« Les enfants ne sont pas à risque, ils transmettent très peu le virus. C’est une réalité scientifique […] donc il faut largement simplifier le protocole sanitaire », abondait au même moment sur Europe 1 l’épidémiologiste Martin Blachier, spécialiste en santé publique. « Il y a plein de choses qui peuvent rouvrir, ajoutait-il. En dehors des boîtes de nuit, des concerts, des salles de théâtre où il y aurait beaucoup de monde pendant très longtemps sans mesure barrière, on peut largement relâcher la pression. »

 

Les Républicains veulent mettre fin au « désarmement sanitaire »

Tous ces appels n’ont pas échappé à l’opposition, qui presse, elle aussi, le gouvernement de lâcher la pédale de frein. « Désormais, il y a vraiment urgence à déconfiner notre pays », a estimé ce mercredi 10 juin le chef de file des députés LR Damien Abad, qui plaide pour une réouverture des salles de restaurants « dès ce week-end notamment en Île-de-France ».

 

« Le désarmement sanitaire aujourd’hui a entraîné un décrochage économique très important, une lenteur dans le déconfinement. Nous souhaitons assouplir le protocole sanitaire des fiches métiers, relancer une partie des salons professionnels », a poursuivi le député de l’Ain. Il faut « axer aussi (le déconfinement) sur la filière touristique ou faciliter l’accès aux Ehpad, aux prisons, aux maisons pour personnes handicapées. Tous les sujets sont concernés, la culture, le sport, l’activité économique », a-t-il insisté.

 

« Trop tôt pour relâcher en aucune manière notre vigilance »

En face, le gouvernement continue de privilégier la prudence. « Même si l’épidémie est maîtrisée, nous savons que le virus circule toujours sur le territoire. Elle n’est pas encore vaincue et c’est pour cette raison que, avec beaucoup de prudence, de sérieux, nous avançons sur la voie du déconfinement », a indiqué la porte-parole Sibeth Ndiaye, ce mercredi, à l’issue du Conseil des ministres.

 

« Je comprends évidemment les demandes, les attentes, l’impatience qui peut s’exprimer d’avoir la capacité de reprendre notre vie normale au plus vite », avait déclaré, lundi, le ministre de la Santé Olivier Véran. Mais « entre le moment où on prend une décision de levée du confinement et le moment où on peut avoir un impact sur l’épidémie, il faut 10 à 15 jours », avait-il aussitôt rappelé, en référence à la phase 2 du déconfinement. Il ne faut pas « aller trop vite », a-t-il martelé. « La situation s’est améliorée et continue de s’améliorer (mais) il est trop tôt pour relâcher en aucune manière notre vigilance. »

 

Emmanuel Macron et le « risque pénal » d’Édouard Philippe

Édouard Philippe est sur la même ligne qu’Olivier Véran. « Notre méthode, c’est celle de la progressivité et elle fonctionne », défend l’entourage du Premier ministre cité par le JDD. Ce qui n’est pas forcément du goût d’Emmanuel Macron, à en croire le fondateur du Puy du Fou Philippe de Villiers. « Il y avait un désaccord entre eux » sur le rythme du déconfinement, a confié le souverainiste sur BFMTV, mardi. « Le 17 mai, j’ai eu une conversation avec Emmanuel Macron et je lui ai dit : ‘Pourquoi il fait ça, Philippe, pourquoi on ne déconfine pas plus vite ?’ Il m’a dit : ‘Philippe, il gère son risque pénal’ », a rapporté l’ancien ministre.

 

Il faut dire que les membres du gouvernement sont responsables pénalement des actions prises au titre de leur fonction, contrairement au président de la République. De nombreuses plaintes ont d’ailleurs été déposées contre l’exécutif pour sa gestion de l’épidémie, qui a fait près de 30 000 morts en France. Elles ont motivé le parquet de Paris à ouvrir, lundi, une vaste enquête visant notamment les chefs d’« homicides involontaires » ou « mise en danger de la vie d’autrui ».

source ouest-france

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