Restauration du panthéon

29/03/2014 à 06h46, Auteur : rédac-rss // Sorties-Loisirs-Culture

La restauration du Panthéon s’annonce comme un chantier parisien majeur en Europe. Conduit par le Centre des monuments nationaux, il est exemplaire par son envergure (cinq étapes de restauration projetées sur dix ans), son coût (100 M€) et ses hardiesses techniques. Tandis que la restauration du dôme commence, le plasticien JR, inspiré par le lieu, travaille à une installation qui sera dévoilée le 22 avril.

« Pour ce monument symbolique, j’ai voulu une œuvre dont le message soit symbolique »

Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux (CMN)

« En 1764 déjà, le Panthéon constituait l’un des défis les plus ambitieux de son temps. Pour cette église dédiée à Sainte Geneviève, patronne de Paris, et définitivement réaffectée en « temple de la patrie » en 1885, l’architecte Soufflot avait multiplié les hardiesses techniques. Culminant à 82 mètres au sommet de la montagne Sainte Geneviève, son dôme ingénieux – trois coques de pierre emboîtées l’une dans l’autre – était resté le plus haut point dans le ciel de Paris jusqu’à la construction de la Tour Eiffel. Aujourd’hui, exactement 250 ans après la pose de la première pierre, une restauration globale de l’édifice s’impose pour lui rendre son rayonnement légendaire. Parmi les différents chantiers de restauration que conduit le Centre des monuments nationaux (château d’Azay, cité de Carcassonne, villa Cavrois...), celui-ci revêt une dimension particulière. Le Panthéon est un monument fondamentalement républicain qui nous concerne tous. Il nous transmet un message de fierté du passé et de confiance dans l’avenir. C’est aussi pourquoi le CMN a fait appel à JR, un artiste issu du Street art, afin d’attirer le regard sur ce monument et le message qu’il porte. Pour ce monument symbolique, il fallait une œuvre dont le message soit symbolique. Confiée à l’imagination de JR, une simple bâche de chantier va ainsi devenir une œuvre artistique et participative. C’est la première fois que les bâches de chantier d’un monument national deviennent le support d’une création contemporaine, et non celui d’une campagne publicitaire. Son projet est participatif : tout le monde peut s’y impliquer par internet, ainsi que dans 8 des 96 monuments gérés par le CMN. L’œuvre parlera aussi du plaisir de partager un présent commun comme de la confiance en un avenir dans lequel le bonheur est possible. Son dévoilement, le 22 avril, marquera de manière dynamique, comme un clin d’oeil complice, les deux cent cinquante ans du Panthéon et les cent ans du CMN ».

« Faire de la bâche du Panthéon une mosaïque universelle »

JR, artiste du Street art

« Je n’essaie jamais d’ « avoir » un monument, c’est le monument qui vient à moi. Je ne pensais pas approcher un jour le Panthéon, je ne savais même pas qu’on pouvait le visiter ! Cette commande est un défi pour moi. Même si j’ai déjà créé pour des institutions (le Palais de Tokyo à Paris, la Tate Modern à Londres, le New-York City Ballet), ce monument-là m’impressionne beaucoup. C’est un lieu démocratique qui appartient à tout le monde. Il répond idéalement à l’ADN de ma démarche. Depuis mes premières affiches collées en Tunisie lors du Printemps arabe, mon travail est collectif. Il se fait par et pour les gens, sans frontières ni sponsors. J’ai toujours résisté aux marques. Ce handicap est devenu une force. Au Panthéon, je veux aller plus loin. Mon travail s’étendra sur une très grande surface extérieure : le tambour du dôme. Il y aura quelques torticolis... Il investira aussi certaines parties intérieures du monument, même si je travaille rarement en intérieur. C’est l’architecture qui dicte l’œuvre. Et l’œuvre respectera l’architecture de Soufflot. Elle ajoutera au monument, elle ne lui retranchera rien. Jusqu’ici, dans toutes mes actions de collages, que ce soit sur les murs du Moyen-Orient, les ponts brisés d’Afrique ou les favelas, les communautés humaines participent au processus artistique. Pour faire de la bâche du Panthéon une mosaïque universelle, chaque habitant de la terre est appelé à se photographier lui-même et à envoyer son portrait d’ici le 29 mars sur le site dédié www.au-pantheon.fr. En France, les portraits peuvent également être recueillis grâce aux camions photographiques itinérants « JR ». Les gens font neuf heures de queue devant ces camions. N’est-ce pas un signe ? Le signe qu’ils sont en recherche de reconnexion humaine ? »

« Pour préparer le chantier, il a fallu installer un appareillage très innovant »

Yolande Gaior, architecte, chef opérationnel de pôle à la Direction de la conservation des monuments et des collections du CMN

« C’est bien sûr par la restauration du dôme, que commence la campagne de restauration du Panthéon. D’une ampleur inégalée en France à l’époque de sa construction, le dôme connaît en effet des problèmes de stabilité de ses structures (poussée des grands arcs) et d’étanchéité de ses couvertures. L’oxydation des éléments métalliques entraîne un gonflement qui fait éclater la pierre. Avant d’aborder les travaux de restauration, une question s’imposait pour les maîtres d’ouvrage que nous sommes : comment protéger ce magnifique dôme des intempéries ? Sur tout chantier, la phase de préparation est capitale. Ici, elle fut particulièrement délicate. Il a fallu monter un échafaudage extrêmement lourd de 315 tonnes et 40 mètres de hauteur. De par son poids, la structure des échafaudages est autoportante, de manière à ne pas peser sur le monument historique et à le respecter totalement. C’est une vraie prouesse technique qui prend la forme d’un gigantesque « tabouret » de quatre pieds métalliques prenant appui au sol et encerclant le dôme. C’est lui qui supporte l’échafaudage. Un de ses pieds supporte à lui seul une grue culminant à 96 mètres et pouvant lever 4 tonnes. Le montage de ces installations, commencé en février 2013, a requis vingt-cinq échafaudeurs. C’est la première fois qu’ils intervenaient sur un chantier aussi important. Aujourd’hui, tout cet appareillage est entré en action et la noria des divers corps de métier a commencé : les tailleurs de pierre, les couvreurs, les métalliers qui interviennent sur les baies. Ils seront cachés aux yeux du public par deux bâches de protection monumentales. Une bâche verticale pour la partie basse (le tambour avec sa colonnade) -microperforée pour laisser passer le jour et l’air. Une bâche en biais pour la partie sommitale (la coupole et le lanternon) -pleine et étanche comme un vrai parapluie. Le travail des dix poseurs de bâches, commencé en janvier, est maintenant terminé. Au total, 250 personnes vont travailler jusqu’à mi 2015, à la restauration du dôme. »

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