Vers la réforme du crédit à la consommation

3/06/2010 à 06h59, Auteur : rédac-rss // Droit, Finances, assurances

Le crédit à la consommation, accordé par des banques ou des sociétés de crédit spécialisées travaillant avec des vendeurs de biens et de services, sert à financer les achats des particuliers, notamment les grosses dépenses et les biens durables. À ce titre, il constitue l’un des piliers de la demande des ménages, elle-même composante majeure de la croissance française.

En France, les premières formes modernes du crédit à la consommation sont apparues à la fin du XIXème siècle, concomitamment à l’essor des grands magasins : en 1865, le fondateur d’un magasin de meubles systématise la vente par abonnement (« bons Crépin »). Par la suite, d’autres commerçants lui emboîtent le pas. Ce n’est pourtant qu’au lendemain de la première guerre mondiale que le crédit à la consommation se développe, notamment en raison de la croissance des ventes d’automobiles. Apparaissent ainsi la société pour la vente à crédit d’automobiles, créée en 1919 par Citroën en association avec la banque Lazard, puis la diffusion industrielle automobile par le crédit, créée en 1924 par Renault.

Progressivement, le crédit destiné à l’achat de biens et de services de consommation se généralise. Après la seconde guerre mondiale, les deux créations les plus marquantes sont celles de la société financière industrielle et commerciale (Sofinco) et du crédit à l’électroménager (Cetelem). Parallèlement, les modes de distribution du crédit évoluent. Les établissements spécialisés finissent par subir la concurrence des banques généralistes, restées en retrait jusqu’à la fin des années 1970. Par ailleurs, les modalités mêmes du crédit se diversifient, avec l’apparition notamment du crédit renouvelable.

Indubitablement, l’expansion du crédit à la consommation a accompagné l’avènement de notre société moderne actuelle.

Mais, au-delà de son indéniable dimension macroéconomique, ce mode de financement de la demande des ménages est néanmoins susceptible de favoriser, dans certains cas, des situations de surendettement que le législateur doit s’évertuer à empêcher. En la matière, pas moins de quatre textes législatifs sont intervenus depuis la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, dite « Neiertz », dans le but de protéger les consommateurs des excès auxquels peuvent parfois conduire des crédits à la consommation mal maîtrisés et évalués par leurs souscripteurs.

La France est certainement l’un des pays européens dont la législation est la plus exigeante à l’égard des prêteurs et la plus protectrice vis-à-vis des emprunteurs. On citera notamment à cet égard, le plafonnement des taux d’intérêts effectifs (taux d’usure), l’instauration d’un délai de rétractation à l’égard des contrats de crédit souscrits (sept jours actuellement), la possibilité pour l’emprunteur qui connaît des difficultés passagères d’obtenir des délais de paiement, l’instauration d’une obligation de transparence dans les offres publicitaires (en 2001) et l’affirmation d’un droit pour le consommateur à être informé du coût réel du crédit (depuis 2003).

La mise en place du marché unique a néanmoins rendu nécessaire de procéder à une harmonisation par le haut des pratiques en Europe. La directive 87/102/CEE du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives, règlementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation avait posé des normes minimales à respecter au sein de la Communauté européenne. Toutefois, son contenu est rapidement apparu insuffisant. Depuis 2002, une nouvelle directive d’harmonisation maximale était donc en discussion. Sa maturation fut lente, tant la conciliation entre les intérêts des établissements de crédit et la préservation de la situation personnelle des consommateurs est un art délicat. Elle a néanmoins débouché sur la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, que le présent projet de loi a vocation à transposer dans le code de la consommation.

Sur le fond, le texte adopté par le Sénat en première lecture le 17 juin 2009 ne procède pas à un bouleversement des grands équilibres posés dans le code de la consommation. Il en améliore substantiellement les garde-fous au niveau de la phase précontractuelle pour renforcer les garanties offertes aux emprunteurs et prévenir ainsi l’endettement subi plus que consenti. Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité saisir l’opportunité de la transposition de la directive 2008/48/CE pour retoucher les procédures de traitement du surendettement de manière à les rendre plus rapides et efficaces. L’enjeu, en cette période de crise économique sévère, est évidemment important.

L’encadrement de la relation contractuelle entre prêteurs et emprunteurs, la prévention et le traitement du surendettement constituent des sujets d’intérêt majeurs pour la commission des Lois de l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle celle-ci a choisi de se saisir pour avis des titres Ier et IV du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation.

Il convient de se féliciter que le principe d’une procédure accélérée n’ait pas été retenu par le Gouvernement, de manière à permettre au débat parlementaire d’avoir lieu dans des conditions sereines. Lors de sa première lecture, le Sénat a souhaité ouvrir plusieurs sujets de discussion importants, relatifs notamment à la réforme de la fixation du taux de l’usure et à la perspective de l’instauration d’un fichier positif des ménages surendettés. Ces questions méritent assurément que l’Assemblée nationale s’y attarde. L’implication de plusieurs commissions concernées est, à cet égard, de nature à garantir un débat approfondi au service des Français.

I. – LE CRÉDIT À LA CONSOMMATION, INSTRUMENT À DOUBLE FACE

Le crédit à la consommation, s’il dope la demande intérieure et représente à ce titre un instrument au service de l’économie, n’est pas exempt de risques pour les consommateurs, notamment les plus fragiles d’entre eux du point de vue financier. Toute réforme le concernant doit donc reposer sur un subtil équilibre entre, d’une part, la préservation de l’attractivité et de l’efficacité de l’outil financier et, d’autre part, la défense des intérêts des consommateurs.

A. UN DES MOTEURS DE L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

Le crédit à la consommation, parce qu’il joue un effet de levier sur le volume de la consommation, remplit un rôle économique majeur. Fin 2008, 30 % des ménages français avaient souscrit un crédit de ce type et 10 % supplémentaires disposaient d’un découvert bancaire ; or, l’impact sur la croissance des dépenses réalisées par ce biais est estimé, selon le cabinet Athling Management (1), à 5 % du produit intérieur brut (PIB) français, ce qui est très significatif.

1. Des formes diverses

Le marché du crédit à la consommation en France est très diversifié, que ce soit du point de vue de la typologie des opérations que de celui de leur distribution, des utilisations qui peuvent en être faites et même du profil des clientèles. Les principales formes revêtues par le crédit à la consommation sont notamment :

– le prêt personnel, non lié à une dépense précise. Portant sur quelques mois ou années, il attribue au consommateur une somme d’argent dont il dispose librement et qu’il rembourse par versements périodiques, le plus souvent mensuels. Son objectif est de permettre à l’emprunteur de faire face à toutes sortes de dépenses concernant des biens de consommation ou des services (frais d’étude, de rénovation, voyages, etc.), parfois de manière cumulative. Le taux annuel effectif global est plus élevé que pour un prêt affecté accordé dans un établissement de crédit, mais moindre que pour tout crédit souscrit sur un lieu de vente. Les règles d’acceptation et de rétractation sont assez strictes. Jusqu’à 21 500 euros, le remboursement anticipé n’entraîne pas de frais supplémentaires, à la différence des prêts immobiliers (assortis de pénalités de 3 % maximum) ;

– le crédit affecté à une dépense donnée. Lié à l’achat d’un bien ou d’un service, il n’entraîne d’obligations à l’égard du souscripteur qu’à compter de la livraison. La destination des fonds prêtés ne peut être modifiée. Ce type de crédit est le plus souvent proposé sur le lieu de vente et le financement est directement versé dans les mains du vendeur. Par ailleurs, le plafond résultant du taux de l’usure applicable y est deux fois supérieur à celui d’un prêt personnel classique ;

– le crédit renouvelable (plus connu sous le vocable de « crédit revolving »), crédit personnel permanent utilisé par tirages et souvent associé à l’utilisation d’une carte de fidélité et de crédit admise dans un réseau de commerçants. Par ce biais, le consommateur dispose d’un compte particulier abondé en permanence par un montant (une ligne de crédit appelée « réserve ») lui permettant de financer les achats de son choix. Le renouvellement du crédit s’opère au fur et à mesure des remboursements de l’emprunteur, dans la limite du montant autorisé et à concurrence de la partie remboursée. Cette formule, prorogée chaque année par tacite reconduction, présente l’avantage de la souplesse mais elle est généralement coûteuse et incite parfois à la surconsommation, voire au surendettement, du fait de l’absence de protections équivalentes à celles entourant les crédits affectés. En outre, le taux effectif global y est élevé, puisqu’il oscille généralement entre 16 % et 22 % ;

– les ouvertures de crédit, qui correspondent à un montant plafond d’emprunt accordé par une banque pour une durée donnée. En l’espèce, il convient de distinguer les autorisations de découvert, qui permettent aux titulaires de comptes bancaires courants de dépenser plus que les sommes créditrices, des facilités de caisse qui ne sont valables que quelques jours pour une période donnée, le compte devant redevenir créditeur avant que la facilité ne puisse jouer de nouveau ;

– enfin, les contrats de location vente, dans lesquels le consommateur n’est pas propriétaire du bien qu’il utilise mais s’engage à l’acheter à la fin du contrat, les loyers payés venant, totalement ou partiellement, en déduction de la vente, de même que les contrats de location avec option d’achat (encore appelés « leasing » ou « crédit-bail »), qui offrent au consommateur la faculté d’acheter le bien en cours de contrat ou à la fin de celui-ci, moyennant le versement d’une somme prédéterminée par le contrat.

Ainsi que le révèle l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, la majorité des crédits à la consommation sont des prêts amortissables : les prêts personnels et les ventes à tempérament représentaient à eux seuls plus des deux tiers de l’encours de crédits de trésorerie aux ménages en 2008. Le crédit renouvelable, qui se situe quant à lui aux alentours de 20 % de l’encours des crédits de trésorerie aux particuliers, a accusé une diminution significative ces dernières années puisqu’il avoisinait une proportion égale à 27 % en 1993.

 

Répondre à cet article